Introduction à un nouveau concept qui pourrait bien profiter aux Public Relations managers les plus sournois. Attention à laisser son éthique au vestiaire avant de rentrer dans un nouveau champs des possibles.
I. Introduction
Si les bad buzz m’ont appris deux choses, c’est bien le fait que :
1. La presse est en crise. Ils ont sacrifié leur pertinence et leur sourcing sur l’autel de la visibilité. Le but n’est plus d’être le plus crédible, mais d’être le plus lu. On atteint alors des sommets :

Pour le reste, j’en ai déjà fait le portrait acide ici où j’avais d’ailleurs déjà introduit l’artefact de communication.
2. Ce qui importe n’est plus le tweet, le message, la pub, mais l’histoire qu’il y a autour ainsi que les valeurs véhiculées, car les réseaux sociaux rendent grands ce qui est petit. . Ainsi ce genre de démarche n’a plus pour but le message, mais l’environnement :

Car ici, c’est l’aspect « inédit » qui fera que le message soit partagé. C’est la même chose avec l’œuvre de ce graphiste qui a personnalisé un t-shirt pour trouver un emploi :

En soi, le but premier de cette opération n’est pas la visibilité qu’il aura dans la rue avec ce t-shirt, mais l’aspect inédit qui fera que cela se partagera sur les réseaux sociaux.
II. Théorisation
Je vogue sur Internet depuis longtemps. À vrai dire, j’ai commencé avec les modems et leur célèbre « tititititutuuutt tuuutt tuuut ». S’il y a bien un adage que j’y ai croisé, c’est celui de « Don’t feed the troll ». Le troll est cette personne qui va aller déposer un appât nommé trolling dans l’espoir que quelqu’un va sauter dessus. En gros, c’est celui qui crie « Les One Directions sont des tapettes » en plein milieu d’un groupe de directionner. Il se nourrit de la haine et des polémiques.
Marina Tymen me rappelait également qu’un des dictons dans la presse était « You have to feed the beef ». En gros : les marques doivent nourrir constamment les journalistes et influenceurs qui vont s’autonourrir entre eux et tant mieux si des trolls viennent y mettre leur grain de sel. Je propose un volet supplémentaire qui est non plus « Don’t feed the troll », mais « Become the troll ».

J’ai théorisé ce nouvel adage autour de l’artefact de communication, que j’ai défini comme :
« Un prétexte matériel ou immatériel qui sert d’appât pour la presse dans un but de visibilité »
Mais comme il y a de fortes chances que vous ne soyez pas, lecteurs, un fanatique des théories universitaires, je t’ai fait le pitch :
Vous n’avez rien d’intéressant à dire ? Ce que vous avez à dire est ennuyant ou est « déjà vu » ? La presse n’a que faire de votre entreprise ?
Créons donc un artefact de toute pièce qui illustrera ce que vous avez à dire tout en étant d’un intérêt pour la presse !
En clair, ce qui importe n’est plus le message, ce qui importe c’est la façon dont on va le faire passer. Que cela soit vrai ou non importe peu. (oui, l’éthique vole en éclat)
Il existe plusieurs formes d’artefact de communication. En voici quelques-unes:
1. L’artefact comme objet
L’artefact est ici un objet qui cristallisera le débat et qui servira de vecteur. Le champion du monde de la discipline ? Jean-François Copé.
Comment venir à une émission de radio ou dans la presse en parlant d’un sujet où tout le monde s’endort tellement tout a été dit ?

Les anti-droites iront plus loin en disant : « comment parler des arabes et du mariage pour tous d’une façon nouvelle ? »
À cette problématique, Jean-François Copé va d’abord comprendre le schéma de typologie des conversations en jouant sur les foules polarisées :

Il reste ensuite à mettre dans le jeu un acteur, un objet qui va cristalliser le débat de façon à ce qu’on parle non plus de Copé, mais d’un objet. (Les débats sur Copés sont vus et revus)
Copé va alors se servir de deux objets d’apparence inoffensive, mais qui vont faire parler d’eux avec un branding absolument parfait :

Du coup, Copé aura mis son appât, les gens auront mordu, l’artefact comme objet a fonctionné.
Par contre, il existe des artefacts d’objet inversé, à savoir que l’on résume tout à celui-ci alors que vous ne l’avez pas cherché. Pensons à Aquilino Morelle et sa célèbre collection de chaussures qui éclipseront tout le débat et le placera comme coupable aux yeux de l’opinion publique.

2.La fausse news
Amazon en a compris les ficelles puisqu’ils diront s’apprêter à lancer des drones dans le ciel pour délivrer les colis. En réalité, le projet est utopique et est irréaliste, mais le bien est fait. Autres news insolite, ils pourront bientôt livrer des produits que vous n’avez même pas encore commandés. Encore une fois, c’est utopique, mais l’idée d’innovation, elle passe. L’idée de service client aussi. Amazon profite de sa bonne réputation pour le faire croire. Ce qui est marrant, c’est qu’à chaque fois, j’ai vu des tweets qui circulaient qui prenaient à partie La Poste pour leur manque d’innovation.

Pirelli fera pareil, ou tout du mois son agence de communication, Ogilvy, en annonçant avoir hacker les photographies de Wikipedia pour y faire apparaître des visuels qui comportent la marque de pneu. Longtemps après, Pirelli niera totalement l’avoir fait et qu’il s’agissait d’une « idée » non réalisée. La communication a pourtant fait le tour de la toile.

Dans un autre registre, Le Président a orchestré un faux flop en invitant des journalistes aux séances de brainstorming (où ils ont trouvé la stratégie de jouer sur le fait que le Camembert se serve à température ambiante) à la création, etc. Alors que le tweet qui aurait mis 45 jours à être conçu pour 0 retweet. Cela fera un bel article de flop, à teinte « insolite » alors qu’en réalité, c’est l’article qui compte puisqu’il y aura plus de 200 retweets du tweet en question et au moins le décuple pour l’article qui parle du « flop ». Au final, l’idée du Camembert servi à température ambiante passe et c’est tout ce qui compte !

Enfin, je m’en voudrais de parler de l’artefact de fausse news sans évoquer le cas de Ryanair qui est le champion international de la discipline et qui publie chaque année sa petite news insolite :
Vous pouvez même avoir le TOP 15 ici.
Aucune de ces news n’est passé, mais au final le message, lui, passe : Ryanair est pas cher et fait tout pour l’être.
3. Le faux bad buzz
Le principe du faux bad buzz est d’aller susciter une indignation via :
La première étape consiste à susciter l’indignation auprès d’une certaine communauté. Pour ce faire, soit on joue sur un événement historique qui a déjà suscité un bad buzz soit on joue sur des valeurs. Ces dernières sont :

- La justice : en jouant sur une injustice factice. Le cas ne s’est pas encore présenté, car il est difficile de se sortir grandi d’une injustice, même factice.
- L’égalité : (exemple de Honey Maid) en jouant sur les valeurs d’égalité entre individus.

Et au moment du pic de conversation, on va transmettre le Message
- Valeurs (rire pour Carambar, égalité pour Honey Maid)
- Nouveau produit (pour Monopoly)
- Messages (Paddy Power soutient Greenpeace, etc.)
Indicateur de succès
- Une amorce qui suscite l’engagement.
- Pas de discrimination envers une communauté quelle qu’elle soit.
- Communiquer au moment où le pic va redescendre, car tant que les discussions sont entretenues entre les personnes, il n’y a pas besoin de divulguer de message et celui-ci sera moins audible. En attendant la descente du pic, on a un message plus visible et les conversations auront été exploitées au maximum.
- Avoir un vrai message (valeurs) à proposer, car une valeur ne nécessite pas de montrer le produit (Honey Maid) ou susciter un questionnement parmi le public sur la logique mercantile de la chose.
4. L’artefact de l’événement prévu ou le « if… then… »
C’est mon artefact préféré parce qu’il est de loin le plus malin, le plus construit et le plus réfléchi.
Dans le monde qui nous entoure, il existe un certain nombre de phénomènes qui paraissent rares alors qu’ils ne le sont pas. Ainsi, le fait qu’une professeure assidue soit en retard est inhabituel alors qu’il y a de fortes probabilités qu’une fois durant l’année, ce phénomène se déroule. Lorsque Facebook est down, cela paraît rare alors que cela se déroule une fois par an. Lorsqu’un transport en commun tombe en panne, cela paraît rare alors qu’en réalité les probabilités parmi la flotte sont élevées, etc.
Or, lorsqu’un annonceur réalise une campagne, il le fait également une fois par an. Cela n’est pas considéré comme rare parce que c’est prévu. Le but est alors de prendre une politique de gestion de risque pour la transformer en plateforme de communication. Si vous avez compris l’artefact, vous aurez compris que ce qui compte est le contexte. La chose qui va rendre le tout insolite.
On prend donc un phénomène dont on est à peu près certain qu’il va arriver au cours de l’année et on prépare un plan de communication axé sur cet événement. Vous pensez la chose abstraite et impossible ? Pourtant, le cas s’est déroulé cette année avec Dani Alves et l’agence de communication de Neymar.
Alors que Dani Alves va tirer un coup franc, un supporter va jeter une banane sur le terrain. Dani Alves va alors manger la banane ce qui fera dans un premier temps le tour de la toile.
L’agence de communication de Neymar avait prévu l’éventualité et a lancé une campagne appelée « We are all monkeys » dont le message était tellement fort qu’il fut repris par de nombreux ambassadeurs éphémères.

Vous l’avez donc compris, il s’agit d’être prêt pour le jour J et capitaliser sur un événement. Les bénéfices pour la marque seront une image d’innovation, de rapidité et de réactivité, à l’instar des blagues pourries de marque sur Twitter que l’on voit passer sur des événements Social TV.
5. La fausse étude
Ici l’artefact est une étude prétendument scientifique qui va faire parler du produit. C’est par exemple une étude testée UNIQUEMENT sur les biscuits Oréo ( mais uniquement sur 5 rats) qui stipule que les biscuits ont autant d’effet que la Cocaine. C’est aussi le cas pour Lybrido: un viagra féminin pas encore mis sur le marché, mais attention mesdames, car il serait tellement efficace que même ses créateurs en ont peur.
Pire, selon un autre article , il pourrait bouleverser l’ordre social. Mauvaise publicité pour le médicament ? Pas du tout, plan de communication lancé d’une main de maître, car la seule chose que l’on retient est: » Le Lybrido ? Ca marche ! »
Enfin BBDO testerait de la publicité par transduction crânienne, en gros l’envoi de message par les vibrations des vitres. L’innovation quoi !

III. Conclusions
Voilà pour ce nouveau concept que l’on pourrait presque qualifier de « Embush Public Relations », dérivé du Embush Marketing. L’aspect éthique de ces démarches est plus que discutable. À vous de voir en fonction des valeurs de marque si des techniques sont adaptables.
L’important étant surtout qu’il faut travailler maintenant le contexte et non plus le message. Finalement, cela revient à un autre vieil adage « the medium is the message ».