Tel le week-end sonnant le glas de la semaine de travail, je me servirai de temps en temps du week-end pour élargir la ligne éditoriale aux réseaux sociaux et autres sujets étroitement liés aux problématiques des crises 2.0 durant l’hors sujet du week-end.
Départ de réflexion
La semaine passée, j’étais invité à l’Erepday. (http://www.erepday.fr) organisé par Blueboat. Il s’agit d’un événement qui a lieu à Mulhouse. La chose est ,semble-t-il, rare : un événement d’importance qui ne se déroule pas à Paris.
Il faut savoir que je suis belge; j’ai donc un avis extérieur en dehors de ce que ma culture historique m’a enseignée sur l’esprit d’influence jacobin/ napoléonien de centralisation parisienne. Il n’a ainsi pas été rare de croiser des discours sur le fait que ” l’erepday, c’est bien parce que cela fait bouger des Parisiens” ou :
Un certain ressentiment qui fait appel à la notion d’authenticité; ceux qui m’ont vu représenté peuvent deviner qu’il s’agit de quelque chose que j’affectionne particulièrement. Très rapidement, la définition première est ” dont l’origine, la réalité, l’auteur sont certifiés”.
Cette authenticité est un bien immatériel. On ne peut pas dire, cela est authentique avec une certification scientifique. Il s’agit d’une construction sociale qui au sein d’un groupe décide que cela est authentique. C’est un peu cela que l’e-repday made in Mulhouse/Alsace recherche : l’authenticité : “C’est un VRAI événement, un évenement important si ce n’est le plus grand événement sur le sujet”
Dans le but de quérir cette authenticité, l’utilisation des réseaux sociaux est prépondérante. Tout est fait pour pousser à tweeter: appel à devenir top trending, mention de certains tweets durant les pauses, concours pour celui qui twittera le plus , organisation d’un check-up final des tweets : bref, tout est fait pour être le premier des tendances françaises et pouvoir avoir une certaine authenticité: “on est aussi bien qu’à Paris mais à Mulhouse, la preuve on est le plus tweeté en France”
Au final, 2500 tweets ont été comptabilisés dont beaucoup d’entre eux par 2 intervenants qui ont lancé une compétition entre eux à la course aux tweets et donc ne postaient même plus du véritable tweet à valeur ajoutée. Néanmoins, cela ne représente finalement que 2500 tweets sur les 300 000 tweets journaliers postés par les Français, un grain de poussière dans la twittosphère mais qui permet d’avoir une certaine visibilité, et qui permet de créer une authenticité nationale factice mais efficace.
Pourquoi factice ? Parce qu’au final , si l’erepday attire des Parisiens à Mulhouse, s’il a une certaine authenticité, c’est par son organisation et ses intervenants sélectionnés avec soin au fur et à mesure des années. Finalement, cela pourrait aussi être les années qui vont créer une authenticité ( le fait d’en être à 3 ou 4 ème éditions accorde une authenticité naturelle et historique) mais pas le fait d’être trends topic.
Comment les réseaux sociaux rendent grand ce qui est petit.
Voici donc un exemple concret des réseaux sociaux qui rend grand ce qui devait être grand. D’autres exemples rejoignent cela comme le buzz soudain d’une pépite inconnue rendue célèbre par le web ou des systèmes comme Major Company et autres.
Mais est-ce que finalement, ce phénomène ne pourrait pas être observé aussi dans le sens inverse: et si , les réseaux sociaux rendaient quelques fois plus grand ce qui est petit ?
Le “bad buzz” Fnac
Voici le commentaire de quelqu’un qui se plaint de la Fnac avec un texte bien organisé : link vers la concurrence, texte travaillé, arguments chocs. Très vite, on obtient 2000 likes. Et là, les “experts” en tout genre font parvenir l’information choc:
Enorme bad buzz pour la FNAC
Le lien circule bien par ceux-ci et de nombreuses personnes likent juste pour donner encore plus de poids au texte dans un esprit perfide ” plus on like, plus la Fnac aura l’impression d’en prendre plein la gueule ”
Bon maintenant, analysons tranquillement. Tout d’abord, je déteste le mot “bad buzz” et encore plus lorsqu’on parle d’un cas comme celui-ci.
En effet, techniquement ici, la responsabilité de l’entreprise n’est pas en cause, tout au plus un employé qui a fait une erreur. On ne sait même encore rien sur l’authenticité des propos de la plaignante ( elle pourrait mentir de A à Z). Non il s’agit bien d’une crise, soit une situation de transition entre deux états. Il s’agira d’un “bad buzz” en fonction de la réponse de l’entreprise.
Bref je m’égare, revenons à notre “bad buzz”. On est arrivé à un total final de 12 000 likes. 12 000 likes qui comprennent des gens qui ont liké uniquement pour suivre la discussion et une éventuelle réponse de la marque suite aux notifications; 12 000 likes qui comprennent des gens rameutés par les grands experts en buzz ou les community manager toujours prêt à montrer qu’ils ont vu la crise en premier tels ces gens qui s’extasiaient de taper “first” sur les vidéos Youtube ou dès l’ouverture d’un forum jeuxvideo.com mais aussi 12 000 likes qui comprennent quelques personnes qui se disent qu’ils vont participer à l’effondrement d’une marque grâce à la justice du web.
Pour les community manager, il s’agit d’une façon de prouver qu’ils sont capables d’être les premiers à capter un bad buzz chez une autre marque, alors imaginez sur leur propre page ? ils la désactiveraient à la première étincelle.
Pour les experts, il s’agit de capter une audience pour y glisser une pseudo expertise. Pseudo, car on ne peut évaluer, juger une crise que quelques jours après voir des mois après. Il m’est arrivé ,moi-même durant ma recherche, que pris par une crise et dans le feu de l’action, je m’imagine une chose que j’ai constatée totalement erronée par la suite.
Bref, 12 000 likes avec toutes les disparités et les segmentations que cela implique. Mais qu’est ce que cela représente? Non, je vous rassure, je ne parlerai pas du nombre de Français, Parisiens ou autre, je vais uniquement exposer un simple nombre: 362 113 .
C’est le nombre de “fans” de la page Fnac.J’aurais pu lâcher les 3,2 millions d’adhérents à fin 2012 ou les 134 millions de visites en magasins en 2012; mais parlons juste du nombre de like. Ces 12 000 likes représentent donc 3,31 % des fans de la page.
Mon but n’est pas de dire ” on s’en fout de ces 12 000 likes” mais peut-on réellement lâcher des mots ou des argumentations comme ceux-ci:
Naissent aussi çà et là des débats sur le fait que les internautes “prennent le pouvoir”. Techniquement il n’en est rien mais l’esprit, le débat actuel est tel que les internautes profitent uniquement d’un climat actuel. Cela serait presque comme se plaindre des entreprises qui pratiquent l’évasion fiscale alors que tout le leur permet.
N’importe qui , qui choperait donc un assentiment équivalent à 3% des fans d’une page verrait le support de gens qui vendent eux-mêmes des services aux entreprises ou de blogs qui qualifieraient cela avec: ” CARTON ROUGE” ” ENORME BAD BUZZ”.
Je vous le demande: qui ne tenterait pas le coup ? Qui en cas de litige espère que le buzz va naître autour de son mécontentement, que sa croisade sera en fait une promenade de santé.
Maintenant en dehors de toutes ces considérations, qu’est-ce qui s’est passé? Tout simplement, la FNAC a su gérer très rapidement la “crise” et finalement, tout ce que l’on retient c’est ” La Fnac a bien assuré son service après-vente”.
Mattel/Barbie
(http://blog.imprimerie-villiere.com/2011/06/bad-buzz-pour-barbie/)
A noter le titre de l’article( en haut) : Massacre à la tronçonneuse chez Mattel
Autre cas, Greenpeace “plaque” Mattel. Je ne vais pas refaire tout le film parce que j’en parlerai dans un autre billet mais dans les chiffres, qu’en est-il ?
784 tweets ont été postés, 22800 vues sur YouTube après 24 h.
Wow. Pour sûr , ils se sont fait plaquer. Combien parmi les vues et 784 tweets concernaient des mamans, des PRA pour Mattel? Très peu. Combien de filles voulant acheter des Barbies concernées ? Aucune. Et quand bien même il y en aurait, 784 tweets et 22 800 vues? Sérieusement ?
On rend donc plus grand ce qui n’est qu’un “bruit momentané et gênant”.
Le sandwich au caca de Monoprix
(Pour rappel aux retardataires: https://www.facebook.com/Monoprix/posts/10151152609201455)
Un sous-titre qui en claque. Association caca et marque. Refaisons les mêmes constations, outre le fait que le truc est humoristique et que clairement les sandwiches Monoprix sont sans doute merdiques mais tout le monde est au courant ( si l’on veut de la qualité, on irait les chercher dans un Snack ou une boutique spécialisée)
17 800 likes sur 592 000 fans. Oh , encore le nombre magique , 3%.
Au final, on retrouve le même nombre saint , 3% avec toujours les disparités.( ” va manger autre part alors connard” , ” OH LE bad buzz ptdr” , ” GROS BAD BUZZ” )
Je pose une question: combien parmi les 988 commentaires ont supporté le commentaire en disant ” oui il est vraiment pourri, tu as raison ! ” . J’ai fait le test, j’ai parcouru 100 commentaires ( excusez-moi mais je n’ai pas eu le courage de lire plus) et je n’ai pas pu croiser le moindre commentaire du genre. De plus, le community manager est resté dans le même ton que le message de départ:
Conclusion
Mon but n’est pas de dire qu’on s’en fout, que tout cela, c’est du vent, que vous, en tant qu’entreprise vous pouvez écraser ces petits clampins qui ne représentent qu’à peine 3% ( et encore ) de votre armée de fans.
Non, mon but est de simplement changer le paradigme actuel qui dit que:
” Tremblez marques, les consommateurs ne sont plus des consommateurs: ce sont des consom’acteurs : ils ont pris le pouvoir et peuvent vous démonter en un clin d’oeil”
Par un :
” Les gens vous regardent, on vous pose une question, profitez-en pour exposer les valeurs de votre marque. ”
- Vos valeurs sont l’humour? Répondez-y avec humour
- Vos valeurs sont le service ? Répondez vite et réglez le problème optimalement.
- Vos valeurs sont l’authenticité? Si vous avez fait une erreur, admettez-le et prouvez par la suite que vous y prenez désormais attention.
etc.
La crise devient alors un espace d’expression où le message reflétera le positionnement et les valeurs de la marque.
Un bad buzz, ce n’est pas lorsqu’un consommateur prend à parti une marque , ca n’est pas lorsqu’une visibilité factice vous prendrait en otage , ca n’est pas lorsque les Buzzmakers, “les First”, comme j’aime les appeler, associent le mot “bad buzz” à votre marque.
Un bad buzz, c’est dans le cas où vous ne profiteriez pas de cette visibilité factice, ou pire lorsque vous adopteriez un comportement qui ne reflète pas vos valeurs de marque ou qui va à l’encontre de vos consommateurs.
Au final, les réseaux sociaux rendront ainsi grand ce qui doit être grand : soit le fait que vous traitiez vos 3% comme de la merde, soit que vous traitiez l’ensemble de vos clients et prospects de la même façon et suivant un même système de valeur.
Dans ce deuxième cas, vous en sortirez grandis car plus de gens auront compris quelle était votre marque et vous pourrez ainsi laisser les experts en réseaux sociaux déblatérer sur le prétendu VRAI bad buzz ( au passage, si vous croisez un faux bad buzz, appelez-moi) que vous avez traversés pendant que vos clients et vos prospects sauront ce qu’il en est vraiment.