Il y a des cas où il faudrait ne même pas faire d’article ou de commentaires sur ce qui se produit. Toutefois, ce n’est pas parce qu’il s’agit du premier cas de l’année que je me laisse à écrire mais pour l’opportunité que celui-ci m’offre d’illustrer par un exemple l’article théorique que j’ai écrit pour aujourd’hui sur comment créer son faux bad buzz.
Introduction
Pour rappel, j’y décris le fait qu’une marque puisse penser dans sa stratégie à commettre un faux bad buzz dans le but d’obtenir de la publicité.
Or, ce cas de la marque Numéricable possède les deux caractéristiques : historique et valeur.
Historique
Numericable a vécu une mini-crise le mois passé après que l’URL présente 1 seconde dans sa publicité ( jeveuxuneboué.fr) ait été réservée puis utilisée par un client mécontent qui s’est permis au passage de se foutre de la gueule de Fred & Farid.
Valeurs
Pour qu’une crise prenne très rapidement, il faut que les valeurs soient utilisées, notamment parce qu’elle déclenche des réactions émotives, non rationnelles. Celles-ci, pour certaines d’entre elles ont été identifiées par mes soins et sont les suivantes:
- Le féminisme
- L’écologisme
- La justice
- L’égalité
- Le nationalisme
- La nostalgie
Or, dans ce cas, le féminisme a été choisi.
Les faits
Une campagne est lancée par Numéricable dans différents quotidiens. Celle-ci est d’une misogynie évidente. Première chose, également dans le cas d’une crise qui débute sur Internet sur base de photographie, on peut penser au fake comme dans le cas de ce fake pour Subway:
Toutefois, les publicités Numéricable sont disponibles via Twitter en plusieurs exemplaires:
Cela a le don de montrer deux choses:
- Ceci n’est pas un fake. Avoir plusieurs exemplaires d’une même publicité en moins de 5 heures relève presque de l’impossible.
- L’indignation est multiple. L’indignation n’a pas une origine qui est commune, à savoir un tweet central qui aurait acquis une visibilité par le relais. Et pour cause, je ne cesse de le répéter à travers mes tweets : les crises de valeur féministe sont extrêmement virales. Leur groupe est très communautaire et il suffit d’un tweet d’un membre de leur communauté et la viralitée est en marche
La viralitée est grande, pour preuve:
La courbe prend le même chemin que pour la première crise à seulement 12h46 et alors que ce jour-là a été double puisqu’en plus de la crise 2.0 “jeveuxuneboué.fr” beaucoup des tweets parlaient de la condamnation de Numericable pour l’utilisation du mot ” révolution”
Conclusions
- Il était évident que cette publicité allait créer des remous. La multiplicité des screenshoot, la virilité soudaine, tout est évident.
- L’agence de communication à la baguette est, il me semble, la même que celle de Carambar ( Fred & Farid).
- Tout cela se passe un lundi de rentrée aux affaires, “ca alors !”. Le fait que cela puisse être LE PREMIER BAD BUZZ DE L’ANNEE , augmente encore la viralité
- La valeur de féminisme, véritable huile sur le feu, ne laisse que très peu de doute.
- Le silence de la marque, continuant à tweet sur toutes les choses sauf sur celle-ci montre un désir évident de laisser couler et viraliser la situation.
Il s’agit d’une crise spontanée.
À partir de là, deux choses peuvent être mentionnées:
- Il est dommage que l’on en soit arrivé à “good ou bad buzz, du moment que l’on parle de moi”. Cette vision est nulle et comme je l’expliquais lors de mon article plus théorique d’aujourd’hui, cela ne crée pas de sens, ne créer pas de chose au long terme.
- Il est dommage que des marques ou agences de publicité continuent de penser que se sacrifier sur l’autel du féminisme est un maigre prix pour la visibilité créée. Cela montre l’état de la misogynie d’un certain secteur qui ne pouvant pas utiliser la nostalgie , et voulant se créer un faux bad buzz, se dise que l’on va faire rire en lâchant un truc bien sexiste, les coincés s’offusqueront, les autres riront aux éclats. Pour preuve:
Vous verrez d’autres commentaires du genre sans trop de souci.
La défense sera évidente: dire que l’on voulait jouer sur les clichés plus que s’attaquer aux femmes, “nous nous excusons que cela ait pu créer des remous, nous ne nous attendions pas du tout à cela”. Numericable prendra ainsi les gens pour des cons pendant que ceux-ci s’époumoneront dans leur indignation, le temps passera et tout le monde passera à d’autres émotions, faisant voguer tout ce beau monde dans le champ de l’éphémère tandis que Numericable se masturbera sur le nombre de kilo de tweets échangés au lieu de regarder son chiffre d’affaire : bad ou good buzz, du moment qu’on parle de moi.
Mise à jour du soir
Numericable qui publie la suite de la campagne:
S’il restait, 1% de chance que la campagne n’ait pas été conçue pour le bad buzz, elle vient de s’envoler. On est là typiquement dans la gestion déjà prévue.
Pour rappel, la marque ne souhaite pas répondre aux demandes des journalistes, encore et toujours pour laisser continuer la viralité.
Avec ce message, toujours pas d’excuse, aucune réponse aux internautes, rien. Tout cela pour faire continuer les paroles, mais en disant ” vous voyez, on avait prévu aussi les mecs.”
Du coup, il ne reste plus que les féministes pour attaquer la marque, étant donné que le spectre du rire vient d’être invoqué: celui-là même que l’on utilise pour Dieudonné. Celui-là qui renvoie tout personne voulant se dresser contre la publicité dans le camp des bobos bien-pensants et sans humour. “Pete un coup, ça te fera du bien”.
Seront ensuite invoqués au nom d’une simple phrase, au nom d’une publicité, au nom d’une marque, les dieux du rire Coluche, Desproges ou Bedos. “Ils ne pourraient plus faire aucun sketch aujourd’hui”. Ah triste époque.
P.-S. D’un point de vue connaissance des réseaux sociaux et des bad buzz, du timing, de la mise en place, et de l’orchestration, je trouve que Fred&Farid en connait un maximum et que tout est fait d’une main de maître. Reste à savoir si tout cela est éthique en toile de fond, mais surtout si cela est utile pour une marque et si cela sert ses objectifs annuels. Si tel est le cas, alors bravo. Viendra alors uniquement la question de l’éthique.