Si j’ai eu à de nombreuses reprises l’occasion d’attaquer à l’acide les médias et leur éthique, j’ai rarement pris en grippe les communicants et leurs pratiques. J’estimais qu’ils jouaient leurs cartes et qu’ils avaient le droit de jouer avec les médias. Par contre, quand une marque viole les lois de l’espace public et déclare “on ne sait pas combien ça peut nous coûter, mais l’impact visuel que ça peut avoir est plus fort et plus rentable qu’une amende”, je me demande dans quel monde de communication on vit et je pense que ce genre d’annonceur de pacotille est en train de creuser la tombe de la communication. Analyse d’un buzz qui pue la pourriture.
I. Résumé des faits
La marque Kiabi, connue notamment pour ses déguisements Zoulous a réalisé un véritable attentat sur les villes françaises. Ils ont placé plus de 500 publicités dans plusieurs villes françaises.
Parmi les villes, figure Grenoble, une ville qui a pourtant décidé de ne plus diffuser la moindre publicité dans la ville.
Alors que Kiabi aurait du être totalement gênée d’un tel déploiement et faire profil bas, voilà que l’agence de communication en charge de l’opération y va de sa déclaration :
“On ne sait pas combien ça peut nous coûter, mais l’impact visuel que ça peut avoir est plus fort et plus rentable qu’une amende »
Totalement en accord avec la directrice marketing, Emilie Deligny dont l’obsession pour le buzz fait peine à voir : « L’opération a été faite et le buzz est là, donc c’est le principal. Pour surprendre et étonner, on est obligé de passer par ces modes de communication, même si c’est interdit. Il s’agit là d’une campagne de notoriété et d’image de Kiabi ».
II. Les raisons d’une escroquerie sociale
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La licence sociale de communiquer
Dans la lutte pour obtenir de l’audience pour leur communication, les marques utilisent ce qu’on appelle des carrefours d’audience.
Sur le Web, les marques ont également eu le même réflexe de chercher les carrefours d’audience :
Puis petit à petit, tout le monde s’est rué sur ces carrefours d’audience, augmentant considérablement le prix d’entrée sur ceux-ci. Ils ont commencé petit à petit à occuper également les petits canaux, faisant de la publicité jusque dans nos chiottes :
Quel que soit l’endroit où nous regardons, les publicités sont présentes :
Dans ce contexte de publicité omniprésente, la défiance par rapport à la communication “à la papa” n’a jamais été aussi grande. Les Ad -blocks, sont utilisés par une grande majorité des gens et les mouvements antipubs sont plus que grandissants.
Dès lors, les marques gagnent l’autorisation sociale de communiquer en s’acquittant d’un prix afin de disposer d’un espace géographique (abribus, TF1, etc.) et temporel (avant la séance de cinéma, durant une coupure pub, etc.) qu’on leur alloue. Sous ces conditions, on autorise la publicité.
Lorsqu’une marque brise cet accord par lequel elle acquière la licence sociale de communiquer, c’est une attaque envers l’ensemble de la société. Les circonstances sont d’autant plus aggravantes lorsqu’une ville comme Grenoble a sciemment choisi de supprimer TOUTE publicité.
Par cela, Kiabi est donc en faillite morale et sociale envers tous les citoyens. La marque est d’ailleurs hors-la-loi.
2. Éthique et déontologie
L’éthique définit les règles qu’il faut appliquer professionnellement alors que la déontologie est la somme des règles internes de la profession. À l’heure où l’image du communicant est actuellement mauvaise à tel point que ceux-ci font partie des métiers les plus détestés, il y a un souci commun d’avoir une déontologie commune basée sur des règles éthiques. Or, quand une agence de communication comme celle de Kiabi se plaît à “polluer” la ville, c’est l’ensemble des communicants qui sont touché.
Kiabi et son agence sont donc en faillite par rapport à l’ensemble de ses confrères du marketing et de la communication.
III. Conclusion
La recherche du buzz a encore frappé, nous permettant d’observer de beaux spécimens de communicants et de marketeux sans doute incroyablement fiers de leur irresponsabilité. Qu’importe la vérité, qu’importe la loi, qu’importe la déontologie, pourvu que j’ai du buzz. Kiabi fait donc partie de ces marques irresponsables qui ont l’intelligence d’un Mickael Vendetta ou d’une Nabilla. Finalement, c’est la preuve d’une marque sans valeur, qui n’a tellement rien à proposer pour sortir hors du lot qu’elle nous montre son absence de responsabilité sociale et sociétale. Malheureusement, d‘après France 3, une publicité dans les lieux interdits n’est punie que de 750 euros, voire jusqu’à un maximum de 7500 euros dans certains cas. Pour la visibilité obtenue, c’est tout simplement une véritable goutte d’eau. Kiabi ne sera donc pas puni pour être une marque sans éthique. Pire, je pense que Kiabi sera bénéficiaire de ce fiasco communicationnel. Signe que j’avais plus que raison de lancer un article en juin appelé : “Éthique ou efficacité, il va falloir choisir !“. En attendant, terminons tout de même ce constat défaitiste par une note positive : la publicité de Kiabi est retournée à sa juste place.