Dans un monde idéal, le bien l’emporterait sur le mal ; la déontologie ferait loi et les mauvaises pratiques seraient punies avec acharnement. Seulement, ce monde n’est pas celui dans lequel on vit. Pire, on évolue de plus en plus vers des situations où ceux qui oublient toute morale en sortent gagnants. Vous n’y croyez pas ? Je vous fais la preuve par quatre.
Analyse
1. Le faux bad buzz
Prenons l’exemple des faux bad buzz. La salve avait commencé avec Carambar qui avait annoncé la fin des blagues dans ses bonbons.
Pour ce faire, ils avaient monté des faux dossiers presses, menti durant des interviews et floué tout le monde en annonçant qu’il s’agissait d’une blague.
Si les journalistes ont crié et ont promis de se venger, force est de constater que l’affaire fut juteuse puisque Carambar a pu augmenter son chiffre d’affaires de pas moins de 20 %. Après une enquête, 70 % des gens interrogés avaient apprécié l’opération pour uniquement 3 % d’avis défavorables. Le crime a payé.
Mikado lance un Mikado sans chocolat :
En réalité, ils annonçaient le retour de Mikado King “comme cela, vous savez où on a mis le chocolat”. Les retombées furent conséquentes puisqu’ils ont été 1 er TT France et 3e Monde. Il y a eu 9 millions de vues sur les vidéos YouTube, 10 % d’engagement sur les réseaux sociaux et 230 retombées RP. On s’en fout me direz-vous puisqu’il faut faire du pognon ? Justement, l’augmentation de chiffre d’affaires a été de 17 % pour les Mikado King et 27 % Pour Mikado comparé à l’année passée.
La marque Protein world met dans le métro londonien un troll à féministe dans lequel elles vont copieusement tomber.
Résultat pour la marque ? 30 000 nouveaux clients, 2 millions de livres de ventes supplémentaires. Bref le bad buzz intentionnel fait vendre.
2. Le clickbait
Vous savez ces sites web qui vous vendent du rêve via des titres comme “vous ne devinerez jamais..”, “cela va vous étonner”, etc. Sachez que ces techniques sont des pièges à con, mais qu’elles ont un avantage de choix : le monde des réseaux sociaux est peuplé de cons qui se font avoir facilement. Le site Nextimpact a ainsi décidé de réaliser quelque chose de tout à fait spécial pour le 1 er avril : non seulement fournir des fausses informations, mais aussi des titres racoleurs comparés à d’habitude. Une des leçons qu’ils ont prise est par exemple : “un bon titre racoleur, même pour cacher une micro-information, est efficace.” Et comme le con aime dézinguer les autres pour montrer sa stature et se satisfaire qu’il y a pire que lui, l’autre leçon est que “la méchanceté est plus accrocheuse que la bienveillance : celui des cinq raisons pour lesquelles il faut éviter la Freebox Mini 4K. En effet, nous avons publié cet article ainsi que son opposé au même moment, et pourtant, l’écart de pages vues est important.” Résultat ? +40 % de visiteurs, + 60 % de pages vues. (parce que le con en redemande !)
Comme cela marche et que certains sont assez intelligents pour se dire que les cons, ça s’exploite, certains ont créé des pages Facebook LOL pour revendre tout le trafic de con à grande échelle. Le business paraît tout à fait juteux, même si la démarche prête à sourire. Mais qu’attendre d’un monde où Le Gorafi existe et vit plutôt bien alors que son modèle est de publier des fausses informations toute la journée.
3. La charlatanerie à grande échelle (voire robotique)
De même, tous les blogs créés uniquement dans l’unique but de vendre des livres blancs médiocres écrits avec les pieds et qui apprendront comment monétiser un blog (avouez que la boucle est bouclée), perdre du poids en 2 jours ou devenir un as de la finance, font recette parce qu’ils fonctionnent sur un principe tout à fait incroyable sur le Web : mettez un appât à cons sur le web, il y aura toujours un con pour tomber dessus. Sur les milliards d’internautes, il y aura en effet toujours quelques naïfs dont l’exploitation permet de nourrir sa famille.
Sur les réseaux sociaux, c’est exactement la même chose. Il y a ceux qui construisent patiemment une audience, et ceux qui sont des growthackers qui profitent de la naïveté apparente des internautes. Ainsi, les favoris/listing automatique sur certains mots clefs suivi d’un massive following font recette :
Cela n’est pas éthique, mais cela fonctionne. Dès lors se pose la question de pourquoi s’en priver ?
4. Les magouilleurs s’en sortiront toujours.
Vous avez battu votre femme à coup de ceinturon parce qu’elle n’était pas assez musulmane à votre goût ? Il y aura toujours une place pour vous dans un conseil communal au lieu de la réhabilitation dans la société pour nommer après à l’intégration républicaine (alors qu’on trouvait sa femme pas assez musulmane). Même si c’est le contribuable qui paie. Les gens réagissent ? On trouvera bien une place.
Les grands magasins de la distribution arnaquent les clients belges pendant 5 ans ? C’est pas grave, un petit arrangement à l’amiable :
Agnès Saal dépense le PIB du Gabon en taxi ? Il reste une petite place au ministère de la Culture.
En quelques exemples de l’actualité de la semaine, on prouve petit à petit qu’il vaut mieux magouiller, quitte à se faire prendre que de ne pas magouiller du tout.
Conclusion
Il est désormais un fait qu’entre éthique et efficacité, il va falloir faire un choix. Les deux ne vont pas forcément de pair, au contraire. Parce que les gens se font berner trop facilement par des marques ; parce qu’ils s’ennuient assez que pour cliquer sur le moindre lien qui génère du publicitaire ; parce qu’ils ne reconnaissent pas un bot quand ils en voient un ; parce que la société est devenue passive. Le crime paie, et il paie plus que jamais. A vous de choisir si vous voulez en payer le prix réputationnel, parce que du côté de votre compte en banque, il n’y aura aucun souci.