La crise des migrants fait rage alors qu’une photo d’un petit enfant mort a fait la une de la majorité des médias. Sur Twitter, le combat fait également rage pour faire la promotion des réfugiés alors que des groupuscules d’extrême droite organisent la contre-offensive. Comment se déroule cette bataille de hashtag ? Décryptage via Visibrain Focus
I. Le récit d’une guerre de hashtag : de #jaieteMigrant à #TaGueuleMarine en passant par #Jeveuxresterfrancaisenfrance
Au départ de cette bataille de hashtag, le lancement d’un hashtag #jaietemigrant commence par quelqu’un qui veut vraisemblablement lancé le hashtag :
Viens ensuite des tweets évoquant la une de l’Obs et des récits :
https://twitter.com/EmmanuChelmi/status/638989467852894209
Petit à petit, chacun se retrouvant dans ces mots vont donner leur “j’ai été migrant” recevant des retweets qui feront grossir le hashtag :
Un internaute va alors également faire parler les hommes politiques de droite :
Et l’Obs active :
Le hashtag prend donc de l’ampleur et une contre-offensive faite par Marine Lepen est menée via : #Jeveuxresterfrancaisenfrance :
Et très rapidement, un contre hashtag est lancé :
Il y aura désormais deux hashtags conjoints. Le Hashtag #JaiEteMigrant aura encore quelques pics suite à l’histoire de la photo :
Et fera l’objet d’un article :
Il continuera à vivre sa vie normalement avec un ratio de tweets par utilisateurs totalement normal :
La propagation du hashtag est retranscrit par l’animation suivante sans la variante d’accent qu’a utilisé Marine Lepen montre ceci : (la fin figée se retrouve au fond.)
On voit donc bien le départ qui provient du Nouvel Obs, puis petit à petit chacun raconter son histoire, et chaque communauté grandissantes. Maintenant si je prends le hashtag avec tout compris et en enlevant les gens avec – de 2 degrés (cela faisait trop de monde à considérer), j’obtiens un beau schéma de guerre opposée entre deux communautés :
S’engage alors une bataille de tweets :
https://twitter.com/humourdegauchee/status/639083532925710336
Et dans une bataille, ne dit-on pas que tout est permis ? Dès lors, on observe un florilège de compte double ou “bot” (au choix, mais je ne pense pas qu’il y ait véritablement de bots)
Et ces comptes-là sont tellement gentils avec leurs camarades qu’ils font profiter tout le monde :
Et ce n’est certainement pas le seul :
Avec des comptes plus que assez louches :
Même des comptes comme celui-ci :
Disparu depuis :
Mais j’ai eu le temps de screenshoot les tweets en question :
Au total, ce sont 300 à 400 utilisateurs (parmi les 14 000) que l’on peut qualifier de “louches” et qui nécessiteraient une vérification, car parmi ces utilisateurs, certains sont tout à fait réels et certains sont des comptes créés par l’autre côté. Cela nous montre néanmoins que certains militants FN ont tout à fait compris l’importance d’être présent en masse sur Twitter et de faire “du bruit”.
Une fois que Marine Lepen avait enclenché son contre-hashtag, elle s’est directement fait rejoindre par le parti, Phillipot et Nicolas Bay
L’ensemble est d’ailleurs millimétré :
Les crieurs publics sont alors de sortie :
https://twitter.com/FRPatriot/status/639045138761826304
https://twitter.com/FRPatriot/status/639045239823572994
On se retweet allègrement l’un l’autre :
Tout est fait pour faire grossir le hashtag.
Presque directement, un camps opposé rejoint le hashtag et en lance même un autre :
https://twitter.com/MouvAntiFN/status/639045397550399488
Et le problème, c’est qu’ils vont être nombreux à parler du hashtag, ce qui va faire une véritable Cyber-War entre deux clans qui s’opposent :
Ils vont ainsi faire baisser le ratio de tweets par personnes qui restent assez élevées :
Le dernier hashtag de bataille, #TaGueuleMarine est lui aussi avec un ratio bien trop élevé :
Pas vraiment d’intérêt derrière ce hashtag.
II. Analyse
1. Analyse sémantique
JeveuxresterfrançaisenFrance
Dans l’ensemble, on voit bien que tout cela ne ressemble pas à grand-chose au niveau sémantique, puisqu’on voit que Marine Lepen et son message prennent le dessus sur tout.
Jesuismigrant
Même chose pour jesuismigrant, la totalité est influencée par Marine Lepen, et l’on voit que L’Obs est fort derrière le hashtag
TaGueuleMarine
On voit clairement que c’est un hashtag fait pour dénoncer le FN et rien d’autre.
2. Analyse des intervenants
Pour rappel, j’utilise la technique de l’analyse des réseaux où chaque tweetos est symbolisé par un point, chaque lien entre les tweetos par un lien. Les points les plus gros sont ceux qui récoltent le plus de mentions et les couleurs désignent une communauté particulière sur base des interactions.
Jesuismigrant:
On remarque de multiples centres de réseaux et un paquet assez homogène. C’est typique d’une conversation normale. Dans cette conversation, en jaune et bleu, on voit le FN qui est venu s’immiscer dans le hashtag.
JeveuxresterfrançaisenFrance
On voit parfaitement que deux camps s’affrontent. Le FN et les autres.
TaGueuleMarine
Hashtag très compacte où chacun a lancé sa propre salve contre Marine et de nombreux twittos ont twitté plusieurs personnes dans le réseau. On voit donc qu’ils rentrent aussi dans le jeu de production de la masse de tweets où là aussi, des comptes fabriqués de toute pièce vont être utilisés :
Seulement, quand je zoome sur les profils :
Je découvre des gens d’extrême droite déçue du parti. Si j’en découvre rien que parmi ceux qui ont 0 follower, il est fort probable qu’ils soient également présents dans ceux qui ont participé à ce pugilat.
3. Le Top 5 des tweets
Jesuismigrant:
Marine Lepen domine largement le tout vu qu’on voit qu’elle a complètement contaminé le débat si l’on regarde celui-ci en “kilos”.
JeveuxresterfrançaisenFrance
Dans le top 5, à part le tweet de Marine Lepen, rien n’est PRO hashtag.
TaGueuleMarine
En gros, cela tourne à l’opposition pure et nette :
III. Conclusion
Il y a fort à penser que j’aurais pu découvrir bien plus dans le détail l’étendue de l’utilisation de ses techniques, mais cela demanderait beaucoup de temps pour peu de choses en plus. Je pense néanmoins avoir démontré que si ces exemples existent, il y a fort à parier que cela soit bien 10 à 15% du bruit.
Ce qui importe plus, c’est qu’il est un fait que la Cyber War a commencé. Elle n’en est qu’à ses débuts, mais il est devenu clair et net que nous sommes dans une situation où Twitter devient un champ de bataille. Il faut montrer qu’un basculement de l’opinion publique a lieu. Et pour cela, tout le monde sort ses armes. À ce jeu-là, le FN joue clairement une carte qui n’est pas tout à fait nette. Les hashtags sont plus que floodés, les ratios tweets/users explosent. Par contre, les opposants du parti d’extrême droite sont naïfs, car le FN les trolls et ils rentrent dans leur jeu. Dans une bataille où l’on compte les coups gagnants en tweets et où on compare la taille des hashtags comme un adolescent devant un film pour adulte, le tout est de rester sur son terrain, sous peine que l’on dise que “l’on cache la vérité aux Français, regardez à quel point nous pensons tous comme cela, et sortez du bois”.
Nous vivons dans un monde où La Russie a déjà son usine à troll, où les élections en Corée se jouent sur base de faux tweets, où le FBI crée de fausses entreprises et fausses personnes sur le Web pour couvrir ses activités d’espionnage. Il y aura donc un véritable défi pour les journalistes et les politiques pour identifier ces enjeux. Ces premiers tenteront de le débusquer quand ces seconds tenteront de l’orchestrer ou de découvrir les bassesses de leurs concurrents. Tout le monde va essayer de faire croire que son opinion est la plus partagée. Le danger est que nous sommes de plus en plus d’indécis sur tout et que les gens sont influencés par la masse. L’extrême droite dès lors Twitter comme un moyen de dire que l’opinion est massivement partagée. Est-ce normal ? Ce n’est pas à moi d’en décider, je ne fais que remarquer que des pratiques existent et qu’elles sont de plus en plus utilisés. Cela fait presque un mois que chaque semaine un exemple tape à notre porte.