Nouveau concept basé sur « Des paroles et des actes de France 2 » , L’interview interrogeait le premier ministre belge Charles Michel à l’occasion de l’anniversaire des élections. L’occasion était donc belle de comparer les discussions sur Twitter en Belgique par rapport aux cas Français (celui d’interviewPR de François Hollande et celui du retour de Sarkozy) à l’aide du logiciel Visibrain Focus TM.
Précisions pour des motifs méthodologiques que les mots-clefs crawlés étaient les suivants :#interviewRTBF
Charles Michel, @CharlesMichel,#begov, #RTBF, De Brigode , @FdBrigode, Montay ,@JohanneMontay, @himad, Messoudi, Gadisseux, tgadisseux, De Vadder, Ernens, @Catherineernens, @vaderriVRT et #MR (que j’aurais dû choisir MRBE)
I. Analyse
a) Courbe de vie
Cela ferait donc 2791 tweets pour 681 personnes alors que le débat politique en France faisait 155 701 tweets pour 39111 personnes. En comptant que nous sommes 4 M de francophones, le ratio appliqué ferait donc à peu près 41 000 tweets. Il est donc un fait que la Belgique est à la traîne en terme de population sur Twitter.
1. Placement des sujets
Avant l’émission, il s’agit essentiellement de journalistes qui tweetent autour de l’émission :
Cela se confirme d’ailleurs par la cartographie des intervenants :
Puis, au début du discours, les citoyens surviennent et les conversations commencent avec ce qu’ils attendent du « match » :
Chacun discute dans son coin et les retweets sur quelques tweets tombent créant des centres :
2. Discussions des réponses et commentaires divers
Puis petit à petit, la courbe va monter progressivement où les intervenants vont interagir et discuter sur ce qui est dit. Cela crée une augmentation du volume de tweets entre ceux qui attaquent le premier ministre, ceux qui le supportent, ceux qui relaient, et ceux qui parlent du fond et de la forme sans oublier les éternels blagueurs.
Exemple de « blagueurs » :
https://twitter.com/sofille65/status/601090529015771139
Exemple de critique :
Exemple de forme :
Exemple de retranscription :
https://twitter.com/flohendrickx/status/601091171700576257
Exemple de supporters :
La plupart échangent désormais. Il est intéressant de voir qu’aucun centre de conversation ne se crée. ( À part Charles Michel qui est le point bleu foncé en haut à gauche.
En terme de communautés, nous avons ceux du PS [turquoise], ceux de la RTBF [Or], les commentateurs de l’émission [Vert] , les social media [mauve] et ceux qui visent Jacqueline Galant.
Au 2/3 du débat et dans une cartographie simplifiée [ceux qui ont moins de 4 échanges sur Twitter] , voici la configuration qui est sensiblement la même :
3. Le Bilan
Vers la fin, à l’instar des commentateurs sur le plateau, les twittos vont dresser le bilan de ce qu’ils viennent de voir.
https://twitter.com/cedubeton/status/601100323860697088
Comme en France, il y a très peu de « troisième mi-temps ». Celle-ci est ici assurée par les médias qui font le point sur l’événement. Toutefois, le volume de tweet citoyen est très minime.
B) Analyse démographique
En comparaison avec la France où beaucoup de tweets provenaient de l’étranger, notamment de la Belgique, le débat fut suivi uniquement en Belgique ou par des expatriés belges.
Par contre, le mauvais chiffre provient de la gente féminine. Totalement absente jusque dans les témoins de l’émission :
Au niveau des publics :
Essentiellement des journalistes, des communicants, des étudiants en communication/ en politique et des militants. Tout cela donne donc une certaine aristocratie consanguine qui représente bien l’écosystème de la twittosphère belge francophone. À noter que ces occupations sont à peu près les mêmes qu’en France :
En début d’émission, il y avait une forte part de tweets depuis un ordinateur. Ce taux est redevenu semblable à la France :
Les consommations Social TV sont donc semblables entre les deux pays. (63% de mobile en France)
Il faut donc de même préparer des messages prêts à l’emploi.
C) Analyse des messages
Le top des tweets est le suivant :
Le « je me suis trompé » a occupé tout l’espace avec le PS qui a su mobiliser quelques messages même si cela reste extrêmement timide.
Le moment fort est incontestablement l’erreur d’appréciation. Au niveau du détail, les lunettes bleues de François de Brigade ont visiblement fait mouche. Concernant les thèmes, l’handicap salarial, le saut d’index, les pensions et la réforme fiscale était sur le devant de la scène. Enfin, il est intéressant de voir l’omniprésence de la NVA dans les discours sur Twitter vu que celui-ci est le 3e mot le plus tweeté :
Cela confirme le fait que la NVA est un acteur important aux yeux des francophones et que finalement, rien ne peut être discuté sans évoquer le parti nationaliste flamand.
Au niveau des hashtags, il est intéressant de remarquer que ceux-ci sont utilisés comme instrument de diabolisation et comme attaque à l’encontre de Charles Michel :
Ainsi, on peut voir la contamination du dossier nucléaire (#marghem, #nucléaire) et des diabolisations comme #thatchérisme.
D) Analyse de la propagation de l’information et des acteurs
Le traditionnel gif de la propagation des discussions est le suivant :
On évolue d‘un broadcast network à une foule étroite ce qui montre le microcosme des Belges sur Twitter.
Finalement ceux qui visaient Jacqueline Galant appartiennent au réseau du parti socialiste. En mauve, nous avons la communauté #socialmedia ; en jaune, le PTB ; en turquoise, nous n’avons plus que les commentateurs neutres ainsi que les gens du MR. Les plus mentionnés furent les suivants :
II. Discussions
A. Sur l’émission en elle-même
C’était une première pour l’émission. Celle-ci avait le mérite d’exister et est une initiative très intéressante. Toutefois, le format de l’émission est bien trop préparé. Les séquences s’enchaînent à une vitesse supersonique ce que n’a pas manqué de signaler de nombreux twittos :
Ce schéma fait le jeu du politique, car il a préparé quelques réponses types de 2 à 3 phrases pour chaque sujet sensible et ce n’est pas un hasard si beaucoup l’ont vu arboré un sourire tout au long de l’interview, à l’instar d’un étudiant en plein examen oral dont le professeur lui pose toutes les questions qu’il a justement étudiées profondément. Le journaliste se retrouve bloqué puisqu’il se doit de suivre un canevas déterminé pour rester dans les temps alloués au show comme le relève Himad Messoudi :
Cela explique pourquoi cela fut une partie de plaisir pour Charles Michel :
En plus de cela, l’émission est finalement bien courte, sans doute pour garder une dynamique, mais qui ne laisse pas la place au vrai débat et au fond. Si l’émission garde ce format-là, elle va rapidement devenir un graal pour le politicien accueilli tant il est aisé de la préparer en isolant les différentes thématiques et en préparant 2 à 3 phrases savamment orchestrées.
https://twitter.com/laurahid94/status/601111798058745857
Le journaliste ne pourra jamais secouer autant un politique qu’un adversaire ce qui a été également souligné :
Quant aux différents « témoins », un duplex sur leur lieu de travail empêche tout véritable dialogue en créant une barrière géographique à tel point que l’exercice frôle parfois les fausses questions de Jean-Luc Lemoine. Cela rend le tout superficiel et faussement démocratique, tant les intervenants sont d’ailleurs stéréotypés :
https://twitter.com/KarimLDZ/status/601095835733139456
L’enjeu pour l’émission est à mon sens de préparer mieux leur teasing avant l’émission, ( invité des twittos/blogueur, montrer la préparation, etc) introduire un adversaire politique, avoir des témoins qui posent des questions en plateau (pas à 150 000 km sans avoir droit à une véritable réponse), et surtout rallonger le temps de l’émission.
B. L’éternelle faute du politique
On a eu droit à la fameuse « faute » introduite par Anne Hommel en communication. DSK avait sa faute morale, Cahuzac son démon passager, Charles michel a désormais son erreur d’appréciation. Préparée en amont, la phrase a pour but de désamorcer la question de façon à être certain que le journaliste passera à autre chose tant il sera content d’avoir obtenu cette réponse qui fera le tour de la presse plus tard. Voici que toutes les questions sur la NVA vont passer à la trappe grâce à ce tour de passe-passe.
C. Le biais de confirmation
Sur les réseaux sociaux, nous consommons l’information avec des gens qui sont proches de nous et qui ont des avis similaires au nôtre. Cependant, certains oublient complètement ce constat et tirent des conclusions plus que hâtives croyant que leur réseau se résume à une opinion globale. Ainsi, nous avons pu voir ceci :
Alors que dans l’autre temps :
Il ne faut donc pas perdre de vue que notre timeline ne reflète en rien une réalité objective. A vrai dire, à part via un logiciel comme Visibrain qui a accès à toutes les données, il est impossible d’avoir tous les tweets à sa disposition.
III. Conclusion et enseignements
La Belgique n’est donc pas encore un eldorado au niveau de Twitter. Mais pas uniquement parce qu’il n’y a pas d’utilisateur. Le problème est surtout que l’on n’offre aucune raison d’y être.
Tant au niveau de la RTBF qui n’offre aucun goodie que des partis politiques, l’offre en terme de contenu est tout à fait nulle et à 10 000 lieux des standards de ce qui se fait en France.
Les deux acteurs souffrent de cela, car ils ne cherchent que du bruit : des retweets et des messages à l’instar des deux campagnes flops du thunderclap de la NVA/PS et de Injuste.be pour les politiques alors que la RTBF n’a pour seule stratégie sociale que de passer des tweets à l’écran et un livetweeting.
On en oublie l’essentiel qui est :
1) L’éducation : des jeunes MR tweetent déjà, mais il n’y a aucune organisation. Il faut entraîner les différents groupes politiques à la participation sur les réseaux sociaux. Aucun politique MR ou presque n’a tweeté pendant ce temps-là. Cela doit passer par des séances de sensibilisation et de formation.
2) Le contenu : voilà ce qui manque. Tant la RTBF que les partis politiques ne cherchent qu’à faire sortir des choses des réseaux sociaux. Ils ne pensent pas assez à ce qu’ils font rentrer à l’intérieur.
Le MR aurait dû tweeter des chiffres, du contenu et autres pour accompagner le discours. Ce n’est pas un hasard si le tweet le plus tweeté au bout de 24 h (et pas seulement sur le temps de l’émission) est celui d’Himad Messoudi :
Plus que des slogans creux, de la propagande ou de la communication, il faut introduire de l’information qui nous arrange dans les débats politiques afin de capter les personnes neutres et les spectateurs. Car s’il n’y avait que 681 tweetos qui ont été actifs, ils étaient bien plus à regarder le hashtag depuis leur tablette.
À mon sens, le premier parti politique qui comprendra l’importance future des conversations sur Twitter prendra un avantage sur les retardataires. D’ici là, je vous donnerai rendez-vous pour d’autres analyses de conversations de débat politique sur Twitter !