Marine Lepen était l’invitée de “Des Paroles et des Actes” sur France 2 ce 22 octobre. Pourtant, elle a rejeté l’invitation en dernière minute évoquant une “mascarade”. La raison ? Le programme de l’émission a sans cesse changé en raison de pression de Nicolas Sarkozy et de MM. Cambadélis qui ont mené à l’introduction en dernière minute d’un débat sur les régionales de 45 minutes avec MM. Bertrand et de Saintignon. Récit de ce fiasco télévisuel (ou justement non télévisuel) via Visibrain Focus TM
I. Le récit
Déjà le jour précédent l’émission, Marine Lepen prend la parole pour dénoncer les machinations du PS contre sa personne :
Vers 11 h ce matin, les discussions allaient bon train. Du côté des anti-FN, on reproche à l’émission d’inviter beaucoup trop souvent la responsable du Front National :
Mais également que France 2 aurait fait une “promotion morbide”, en disant qu’il s’agit d’un “événement” :
https://twitter.com/SylviePichot/status/657127127331045376
De l’autre côté, on clame déjà des pressions anormales sur Marine Lepen :
https://twitter.com/adroitetoutes01/status/657126117741064192
D’autres se réjouissent que le débat ait lieu :
https://twitter.com/m_lemasson/status/657126710186541057
Mais on montre déjà que le CSA s’implique dans le débat :
Ce qui fera même troll quelques membres du FN :
Très intéressant, Marine Lepen va alors prendre les twittos à témoin dans les négociations en dénonçant le climat mis en place et via communiqué de presse interposé :
Elle attendra une réaction, qui ne viendra pas : (bon ça ne faisait que 7 minutes)
Voyant le communiqué, l’UDI décide de réagir également par communiqué de presse :
Notons que certaines déclarations ne sont pas faites pour donner une autre lecture des événements puisque Pierre de Saintignon dira qu’il “a obtenu de France 2” :
Plus tard, Marine Lepen reprend la parole :
Attend un instant, et relance une salve :
La lecture des événements est en train de se mettre en place : une machination UMPS. Il est donné comme consigne de faire “pousser” le message de Marine Lepen :
https://twitter.com/AloisNavarro/status/657177303768801280
Le couperet tombe :
Immédiatement, l’annonce est supportée par une bonne partie des cadres du parti, ce qui dénote d’une bonne utilisation de Twitter :
https://twitter.com/RobertMenardFR/status/657238530666668032
Tandis que ses adversaires politiques essaient aussi d’installer leur lecture des événements :
Seulement, il a mis ce tweet sans hashtag et en citant Marine Lepen en tête de tweet, ce qui fait que le message ne peut pas être vu par ses followers. un gros LOL qui illustre le fossé entre la connaissance de Twitter par le FN et par les partis traditionnels. Résultat, il a réécrit le tweet 30 minutes plus tard :
L’autre politique invité nous fait une réponse totalement old school :
Dans un Twitter où il fait bon de développer son sens de la petite phrase, on a donc un élu qui se fout avec sa photographie de campagne et nous fait un CP sur Twitter. Comment voulez-vous que quelqu’un qui ne vote pas pour lui retweet son message ? Inaudible.
Pour clore ce récit, montrons quelques tweets font le bilan de l’histoire :
https://twitter.com/FrDesouche/status/657292508003749888
II. Analyse
Note méthodologique : les tweets commencent le 22 octobre à 11 h sur les mentions suivantes :
DPDA” des paroles et des actes”
desparolesetdesactes
@MLP_officiel
Marinelepen
@DavidPujadas
Pujadas
davidpujadas
“Le pen”
lepen
@xavierbertrand
“xavier Bertrand”
xavierbertrand
Saintignon
pierredesaintignon
@pdesaintignon
Lenglet
francoislenglet
@SLeFoll
“Le Foll”
sebastienlefoll
@jclagarde
Lagarde
Duhamel
AlainDuhamel
@GillesBornstein
Bornstein
1. Courbe de vie
On voit qu’on est monté très haut en terme de tweets et qu’on a une véritable polémique puisqu’il y a un ratio d’à peu près 4 tweets par personne. Par contre, on comprend via le taux énorme de retweets (66 %) que l’on a aussi affaire à une machination du “bruit”, chose somme toute habituelle quand le Front National est impliqué.
2. Analyse des tweets
Dans les expressions, c’est le FN qui prédomine :
Quand on enlève les Retweets :
Cela reste sensiblement la même chose. Dans les mentions sans retweets : Marine Lepen est également la plus présente :
Dans les liens les plus partagés avec retweets, c’est bien sûr les liens de Marine Lepen qui gagne haut la main :
Sans les retweets, c’est un autre classement :
Et pour cause, comme d’habitude, les faux comptes du FN étaient de sortie :
Sur 1645 qui ont retweet les tweets de Marine Lepen, il y a au moins 14 % que l’on pourrait qualifier de “louche”.
3. Analyse des communautés
Pour cette analyse, j’utilise l’analyse des réseaux : chaque twittos devient un point et chaque dialogue/RT devient un lien reliant deux points. Les personnes plus en “gros” sont ceux qui ont eu le plus de mentions/RT. Les couleurs signifient “les communautés qui échangent beaucoup de dialogues” et les points centraux sont les plus connectés au réseau. De même, plus on s’éloigne du centre, moins les personnes sont connectées à l’ensemble du réseau.
On observe dans les discussions 3 types de communautés (j’ai utilisé un filtre qui enlève ceux avec moins de 5 interactions)
En jaune on retrouve la “gauche” :
En bleu clair, la droite et le centre :
Vient ensuite le plus gros morceau : le FN.
Avec leur cible à l’intérieur : c’est à dire David Pujadas, Nicolas Sarkozy et François Hollande/Parti socialiste.
III. Conclusions
1. L’effet streisand : par peur du boulevard médiatique, on offre un boulevard au FN
Il fut un temps où le FN était complètement marginalisé et où la peur du parti n’était pas celle qu’elle est maintenant. Les gesticulations des Républicains via Nicolas Sarkozy et du PS via Cambadélis illustre un fait : ils ont peur de Marine Lepen et du FN. Et cette peur donne du crédit au FN parce que cela les rend crédible. Là où on ne devrait pas avoir peur que Marine Lepen ait un boulevard médiatique tant son discours est caricatural et irréaliste, les deux partis principaux de la France ont offert une visibilité parfaite au front national ce qui est bien résumé par le tweet suivant :
2. Le FN n’est plus en recherche de visibilité, il est à la recherche du développement de son image
Surtout qu’il y a un constat implacable: là où le FN avait autrefois besoin de visibilité à la télévision, ce n’est plus du tout le cas. Sa notoriété et ses idées sont maintenant acquises auprès d’une certaine population. Ce n’est pas une émission comme Des Paroles et Des actes qui vont affecter les pourcentages de vote du parti. En marketing, quand on cherche à faire la promotion d’un produit, il y a différents stades d’objectifs illustrés par la pyramide du modèle de Dagmar :
On cherche d’abord à assurer la notoriété du produit, puis la connaissance du produit, l’appréciation et la préférence du produit et enfin on vise l’achat. Le FN a dépassé le stade de la notoriété. Le parti n’en a plus besoin. Ce qu’il cherche à développer, c’est la connaissance de ses idées et installer un climat de “vous pourriez voter pour moi” là où les autres partis sont actuellement dans une logique de “votez pour moi”. Cette stratégie de “vous pourriez voter pour moi” se décline de deux façons :
- Donner l’illusion d’une majorité de gens qui sont acquise à leur idée. Cela passe par des récupérations d’actualité et autres déjà illustrés à travers d’autres de mes articles.
- Décrédibiliser les autres partis pour montrer un système UMPS complètement pourri :
https://twitter.com/ElyseeMarine/status/657290800418717700
De façon à installer un vote de contestation. Le Vote FN serait ainsi plus un “contre” qu’un “pour”. Pour ce deuxième point, l’effet Streisand mis en place par les partis via le CSA a offert une opportunité en or au FN. Parce que pour l’instant, concernant les régionales, les sondages sont ultras bons pour Marine Lepen :
https://twitter.com/DMdoubleV/status/657233949853392896
Elle n’a donc aucune raison de perdre cette avance. Dans un climat comme celui-ci, les débats politiques télévisés sont justement une opportunité en or pour les adversaires de renverser la tendance. Par contre, ici on lui offre un moyen parfait de montrer que la télévision est à la solde du “système” UMPS qu’il faut combattre.
3. Ne soyons pas hypocrites
Par ailleurs, on peut pointer du doigt le manque de pugnacité de Marine Lepen ou dire qu’elle fuit complètement le débat. Reste que j’estime qu’il ne faut pas être hypocrite, en disant qu’il est tout à fait inacceptable pour n’importe quel homme politique de ne pas savoir le programme qui l’attend sur des débats de plus de 2 h.
Une émission TV, ça se prépare. Surtout quand on passe sur le grill avec des journalistes et hommes politiques qui n’ont eux qu’un seul thème à travailler. Du coup, quand on change le planning d’une émission, c’est d’autres sujets qu’il faut préparer afin de ne pas être pris au dépourvu ou attaquer sur un point technique tel “combien coûte aujourd’hui une baguette, madame ?”. Surtout pour le FN qui est en quête de crédibilité politique. L’annulation est donc parfaitement compréhensible même si totalement orchestrée politiquement par le FN dans le sens où elle était d’accord tout au long et annule au dernier moment
4. Un écart entre FN et les autres sur Twitter
Au fil des analyses que je mène sur les pratiques du FN sur Twitter, j’en arrive à isoler des tendances d’organisation qui sont :
- Le FN aime Twitter parce qu’il correspond à sa structure de parti. Face à l’organisation traditionnelle hiérarchique des partis traditionnels, le FN se déploie en réseau, ce qui correspond parfaitement au parti. Comme leur ligne politique et leurs valeurs sont très simples et connues de tous, il n’y a pas besoin de concertation pour prendre la parole. Comme les militants se suivent l’un l’autre sur Twitter, le chemin de l’information fait très vite son chemin.
- Le Fn aime la reprise de l’actualité. L’extrême droite adore mettre le zoom sur des actualités qui l’arrange et qu’ils vont récupérer politiquement. De simples tweets, ils arrivent à instituer la polémique. De plus, ils aiment jeter le discrédit sur le traitement médiatique des affaires pour au final, apposer leur grille de lecture
- Le Fn se déplace en meute. Face à des partis traditionnels dont les représentants parlent en leur nom de leur pub, de leurs visites, de leurs apparitions médiatiques, mais qui ne communiquent jamais de front, on a là un Front National qui met la pression sur Twitter en communiquant par l’ensemble de ses cadres au même moment et sur le même sujet. Cela permet de rapidement toucher les “réseaux” frontistes qui se mobilisent ensuite sur Twitter.
Et là, face à cette organisation, on a parmi les adversaires prévus au débat droit à un “c’est dommage” de Le Foll, un autre qui se trompe en mettant un “@” en début de tweet et un dernier qui renvoie à un CP avec son affiche de campagne dessus. Tout cela de manière “personnelle” et sans front des partis. De l’autre côté, on a une logique de meute où la voix se fait entendre et où tout le parti fait front sur Twitter en maniant la petite phrase très habilement. Cela montre une fois de plus que les partis traditionnels sont pour l’instant à la rue sur Twitter. C’est donc une confirmation que le FN s’organise de plus en plus sur Twitter, où les autres élus ne réagissent pas beaucoup à cette affaire laissant un boulevard au FN sur Twitter qui peut donner l’illusion qu’elle est majoritaire sur Twitter. Espérons pour la démocratie que cela ne soit le cas que sur Twitter.