Un intéressant ouvrage sur la transparence vient de paraître aux Presses Universitaires de Louvain. L’occasion d’aborder ce sujet qui devient de plus en plus une mode communicationnelle.
Le résumé officiel
La notion de transparence pénètre largement la construction comme la circulation des objets et des pratiques signifiantes de nos sociétés. De ce foisonnement de « transparence » dans plusieurs domaines (politique, économique, social, culturel), ce volume considère d’abord ce qui concerne les organisations et leur communication. L’organisation, qu’elle soit marchande, non marchande, politique ou publique, doit rendre poreux et transparents ses frontières et ses non-dits, dans l’objectif espéré de garantir la confiance de ses parties prenantes externes et internes.
Ce volume explore différentes manifestations et variantes de cet impératif de transparence en communication organisationnelle, en proposant des analyses d’auteurs scientifiques et professionnels de divers pays et continents. Cette notion est analysée comme objet de discours (communication sur la transparence) et comme processus (la transparence de la communication), en mobilisant des approches et concepts multiples afin d’offrir des clés de lecture innovantes d’un phénomène complexe.
Ma lecture
Dès l’introduction, l’ouvrage souligne l’omniprésence de la transparence, allant jusqu’à parler d’une “société de transparence”. La transparence et la communication ont une étroite relation. Soit elles veulent dire la même chose, soit elles sont un moyen de communication, soit elle en est la finalité.
De plus, le concept de transparence est généralement présenté de manière positive et performative. Il est donc devenu un enjeu stratégique et tactique où tous les moyens sont bons pour faire ce que le livre appelle “le jeu de la transparence”. Dans l’élaboration de sa stratégie, le communicant doit alors se poser la question de ce qu’il rend transparent et ce qu’il met “dans l’ombre”. Se pose alors une triptyque :
- Le thème : ce que je peux dire
- Le public : à qui puis-je le dire ?
- Le temps : quand puis-je le dire ?
L’ouvrage est alors scindé en plusieurs parties :
1. La première étant une approche théorique et conceptuelle de la transparence où celle-ci est analysée comme un processus d’influence dont les discours dominants font la promotion (Françoise Bernard, Université d’Aix-Marseille), qui est nécessaire à la construction de la controverse et de l’évaluation du risque, mais qui constitue également un élément de discorde. (François Allard-Huver, Université de Paris-Sorbonne) C’est un guide moral, mais on vante également ses qualités opérationnelles (Olivier Raaz, Université de Greisfwald). Récemment, de nouveaux moyens sont arrivés pour permettre une transparence. C’est le cas des open Data (Samuel Goëta, Telecom ParisTech) ou du making-of (Eleni Mouratidou, Université Paris XIII)
2. La deuxième partie parle de la transparence en communication publique et politique. On découvre ainsi des moyens de réaliser cette transparence, comme l’implication des citoyens dans le processus (Anne Piponnier, Université Bordeaux-Montaigne), l’utilisation de chiffres, d’images et même de logo (Hakim Akrab, Université Stendhal Grenoble 3) ou plus étrangement la confidentialité au service de la transparence. (Joseph Pirson, UCL) montrant qu’il est nécessaire d’analyser la transparence au regard de l’opacité.
3. La troisième partie aborde la transparence dans la communication des associations et des mouvements de citoyens. En effet, si la transparence est demandée par les ONG, celle-ci s’applique également à eux. (Amara Errecart, Université Paris XIII). Dans une partie du chapitre que j’ai trouvé très intéressant, Marianne Chouteau, Marta Atias, et Céline Nguyen (INSA, Lyon) vont décrire les attaques liées à la notion de transparence :
- la révélation d’un secret et la découverte : lorsque la révélation tardive d’un événement survient.
- L’exigence de publicité des porteurs de projet au mensonge : puisque les décideurs ne rendent pas la chose visible, c’est forcément qu’ils cherchent à dissimuler quelque chose et qu’il y a un défaut de démocratie
- Carences et absence de concertation et de reconnaissance : on attaque le fait que l’on agisse sans prendre en compte les acteurs.
- Exploitation des zones d’incertitudes : toutes les zones d’incertitudes seront attaquées pour décrédibiliser le projet.
4. La quatrième partie parle de la transparence dans le discours et la communication des organisations marchandes. Dans celle-ci, on aborde le fait que pour que transparence il y ait, il faut qu’elle soit visible. Cette visibilité passe par un processus d’accessibilité en 4 étapes (Bernard Dagenais, Université Laval) :
- Accessibilité à l’information
- Accessibilité à la documentation
- Accessibilité aux renseignements utiles
- La diffusion de l’information
Il dresse également les dangers de la transparence à tout prix, qui fait que plus on est visible, plus on est critiqué. Moins on en fait, moins on a de critiques et dénonce la dérive du concept très intéressant de carnet bombing, soit “le fait de divulguer l’information sans donner les clés pour la décrypter.”
Enfin l’ouvrage se termine par deux articles de professionnels.
Avis général
On le voit, l’ouvrage apporte de nombreuses grilles de lecture sur la transparence. Ainsi, on a un panorama plus ou moins complet de ce qu’est la transparence, quels sont les moyens pour la mettre en scène, quels sont les moyens de critique des ONGs pour en obtenir, et quels en sont les dangers. Il fournit de nombreuses analyses de cas. (Michelin, la maison du projet, les forces armées en Espagne, le Venezuela et Chavez, etc.) Si les académiques, mémorants sur le sujet y trouveront parfaitement leur compte, le professionnel devra soit être averti pour se lancer dans la lecture de l’ensemble des articles, soit se contenter de prendre le contenu qui l’intéresse à travers le livre. Toujours est-il que si le concept de communication transparente vous intéresse, il constitue à coup sûr un must-dead sur le domaine, quitte à se passer de la lecture de certains articles très spécifiques.
Si l’ouvrage vous intéresse, il est disponible ici.