Le 29 mars 2015, Korben lâche un article à la suite d’une discussion Twitter sur la façon de « rebooter » la France avec 10 plans d’action. Cela a enthousiasmé ses lecteurs qui ont créé une véritable dynamique. Comme il est rare de voir un mouvement politique naître à partir et à travers le Web, je me suis dit que cela vaudrait l’analyse. (On me l’a d’ailleurs suggéré)
I. Introduction
Lancé comme un article utopique et une déconnade, le projet Reboot France a 10 buts :
- On se fait un bon petit programme intelligent et sérieux tous ensemble sur un Etherpad en mode « On reboote la France ». Pas de trucs trop complexes. Des trucs de base, simples, qui vont faire du bien et qui vont permettre de repartir sur de bonnes bases.
- On trouve un mec ou une meuf intelligent(e) qui en veut, qui souhaite changer les choses et qui n’a pas peur de se faire assassiner. (Qui est volontaire ? On m’a suggéré Benjamin Bayart ;-))
- On oublie toutes les vedettes de la politique et on se fait un bon casting de gens normaux avec de l’expérience et qui soient sympas. C’est important d’être sympa.
- On se trouve un nom cool qui déchire.
- On lance un Kickstarter mondial pour choper du pognon de partout.
- On contacte les copains de 4Chan et de Reddit et on leur demande de nous aider à faire buzzer et à financer parce que c’est « marrant » de rebooter un pays.
- On demande aux députés de signer. Là faudra être malin, mais j’ai quelques idées 😉
- Avec nos 999 999 milliards récoltés, on fait une campagne de taré.
- Les gens votent pour notre Super Président(e) et on gagne ! (Obligé, on gagne)
- On change tout, on reboote et dès que c’est fait, on démissionne comme des punks pour laisser la place aux suivants et on renfloue la France avec le pognon qui reste.
Aujourd’hui, le projet est présent sur pas mal (trop ?) de plateforme dont Twitter (1315 abonnés) et 325 j’aime. Twitter étant en plus la communauté la plus grande, je me suis dit que j’allais mener l’analyse : comment s’est propagé le mouvement sur Twitter ? Qui sont les gens qui sont intéressés par une nouvelle politique ?
II. Analyse
L’analyse de la propagation prend en compte le hashtag #rebootFrance et #rebootlafrance, car je considère qu’à partir du moment où les gens se rallient à un hashtag, c’est qu’ils s’inscrivent dans le mouvement et ne font pas que « passer » l’information.
A. Propagation de l’information
1. Le 29 Mars
À la lecture du billet de Korben, c’est Cedric Bonnet qui lance le hashtag :
C’est donc lui le point en vert de départ. Il y a quelques isolés qui reprennent également le hashtag comme :

On voit clairement que nous sommes dans le registre de l’annonce/l’information.
2. Le 30 mars
À partir de maintenant, les graphiques montrent également les jours précédents :

Le mouvement grandit et devient entre une « foule étroite » et un « réseau de diffusion ». Pour rappel, la typologie des conversations pour décrypter ses graphiques se trouvent ici.
Cela veut dire que les gens discutent entre-eux et à s’organiser :
https://twitter.com/cleverdawn/status/582505487922520064
On voit clairement que nous sommes dans une phase d’organisation
3. du 31 mars au 2 avril
La formule finale du schéma de propagation est le suivant :

Cela donne clairement un réseau de soutien ! Pour cela, on a vraiment vu 3 phases différentes :
– La création d’un « nous ». Il n’y a plus d’information, d’appels à projets, mais la création d’un nous fédérateur qui structure le réseau et qui cherche à faire jouer l’esprit de communauté.
https://twitter.com/lesechogaucho/status/582999891636396032
Ce nous sera ensuite renvoyé aux acteurs extérieurs :
Phase de publicité : maintenant que le groupe est fédéré, il cherche à propager son identité aux acteurs extérieurs, mais aussi en interne.
https://twitter.com/RebooteurFou/status/583561989194133504
Cela marchera :
L’ensemble donne la propagation suivante :

B. Analyse des followers
Pour voir qui ce mouvement avait réussi à toucher, j’ai regardé comment les followers du compte @reboot_france se suivaient l’un l’autre :

Si vous ne voyez pas la plupart des gens, c’est normal ! Cette cartographie n’a pour but que de montrer les « nœuds » de réseau et les différentes communautés.
On voit directement que Korben, initiateur du mouvement, recueille pas mal de suffrage puisque la communauté mauve constitue des gens qui ne font presque que suivre celui-ci…
La deuxième personne la plus suivie n’est autre que Benjamin Bayart dont on parle pour représenter le mouvement à l’élection présidentielle.
Les autres personnes qui rassemblent dans la communauté verte sont Fabrice Epelboin et Pierre Beyssac.
Enfin, Cedric Bonnet a également amené sa communauté (orange/rouge)
En conclusion de l’analyse de ces followers, on peut dire que la proportion de communautés différentes est très minime. Cela est somme toute logique pour un mouvement qui date de… 5 jours !
III. Conclusion
On a pu voir les différentes phases de la création d’un mouvement :
1. Information : annoncer la création et les grands principes.
2. Organisation : regroupement, organisation pour assurer la communication.
3. Communautarisation : création d’une identité commune et d’une énonciation en « nous ».
4. Publicité : une fois que le « nous » est créé, il faut envoyer son image vers l’extérieur pour recruter.
Si cette analyse montre un enthousiasme et une euphorie certaine, elle s’explique également en grande partie parce que finalement les communautés touchées sont déjà existantes et déjà structurées autour d’idéaux communs. Le tout maintenant sera de voir si d’autres personnes partagent ces idéaux en dehors de ces communautés. Dans une France où presque la moitié des Français ne va plus voter et où la politique n’a jamais été autant conspuée, l’initiative a quelques atouts de son côté, mais pourrait aussi s’essouffler à l’instar de tous les buzz médiatiques. L’avenir nous dira si cela portera ses fruits, mais la jurisprudence en la matière est remplie d’échecs.