Les mémoires des crises 2.0 sont de retour en ce début d’année 2014. Mon marathon à travers l’histoire étant enfin fini pour coller le plus à l’actualité. Mais qui dit plus coller à l’actualité dit aussi moins de recul sur les crises 2.0 ce qui causera certainement des éditions d’articles.
Cela aura aussi un effet intéressant: vous verrez des “bad buzz” dont vous n’aurez sans doute même pas entendu parler, preuve que les “bad buzz” ne sont pas aussi dévastateur qu’il ne paraît.
1. Numéricable
Lieu d’où survient la crise : Offline (Publicité)
Lieu de mécontentement : Twitter
Niveau de crise : 1
Une campagne est lancée par Numéricable dans différents quotidiens. Celle-ci est d’une misogynie évidente.
Cela a le don de montrer deux choses:
- Ceci n’est pas un fake. Avoir plusieurs exemplaires d’une même publicité en moins de 5 heures relève presque de l’impossible.
- L’indignation est multiple. L’indignation n’a pas une origine qui est commune, à savoir un tweet central qui aurait acquis une visibilité par le relais. Et pour cause, je ne cesse de le répéter à travers mes tweets : les crises de valeur féministe sont extrêmement virales. Leur groupe est très communautaire et il suffit d’un tweet d’un membre de leur communauté et la viralitée est en marche
- Il était évident que cette publicité allait créer des remous. La multiplicité des screenshoot, la virilité soudaine, tout est évident.
- L’agence de communication à la baguette est, il me semble, la même que celle de Carambar ( Fred & Farid).
- Tout cela se passe un lundi de rentrée aux affaires, “ca alors !”. Le fait que cela puisse être LE PREMIER BAD BUZZ DE L’ANNEE , augmente encore la viralitée
- La valeur de féminisme, véritable huile sur le feu, ne laisse que très peu de doute.
- Le silence de la marque, continuant à tweet sur toutes les choses sauf sur celle-ci montre un désir évident de laisser couler et viraliser la situation.
Il s’agit d’une crise spontanée.
À partir de là, deux choses peuvent être mentionnées:
- Il est dommage que l’on en soit arrivé à “good ou bad buzz, du moment que l’on parle de moi”.
- Il est dommage que des marques ou agences de publicité continuent de penser que se sacrifier sur l’autel du féminisme est un maigre prix pour la visibilité créée. Cela montre l’état de la misogynie d’un certain secteur qui ne pouvant pas utiliser la nostalgie , et voulant se créer un faux bad buzz, se dise que l’on va faire rire en lâchant un truc bien sexiste, les coincés s’offusqueront, les autres riront aux éclats. Pour preuve:
Vous verrez d’autres commentaires du genre sans trop de souci.
La défense sera évidente: dire que l’on voulait jouer sur les clichés plus que s’attaquer aux femmes, “nous nous excusons que cela ait pu créer des remous, nous ne nous attendions pas du tout à cela”. Numericable prendra ainsi les gens pour des cons pendant que ceux-ci s’époumoneront dans leur indignation, le temps passera et tout le monde passera à d’autres émotions, faisant voguer tout ce beau monde dans le champ de l’éphémère tandis que Numericable se masturbera sur le nombre de kilo de tweets échangés au lieu de regarder son chiffre d’affaire : bad ou good buzz, du moment qu’on parle de moi.
S’il restait, 1% de chance que la campagne n’ait pas été conçut pour le bad buzz, elle vient de s’envoler. On est là typiquement dans la gestion déjà prévue.
Pour rappel, la marque ne souhaite pas répondre aux demandes des journalistes, encore et toujours pour laisser continuer la viralité.
Avec ce message, toujours pas d’excuse, aucune réponse aux internautes, rien. Tout cela pour faire continuer les paroles, mais en disant ” vous voyez, on avait prévu aussi les mecs.”
Du coup, il ne reste plus que les féministes pour attaquer la marque, étant donné que le spectre du rire vient d’être invoqué: celui-là même que l’on utilise pour Dieudonné. Celui-là qui renvoie tout personne voulant se dresser contre la publicité dans le camp des bobos bien-pensants et sans humour. “Pete un coup, ça te fera du bien”.
Seront ensuite invoqués au nom d’une simple phrase, au nom d’une publicité, au nom d’une marque, les dieux du rire Coluche, Desproges ou Bedos. “Ils ne pourraient plus faire aucun sketch aujourd’hui”. Ah triste époque.
Enseignements
- Confirmation du phénomène des crises spontanées que j’avais déjà théorisé en avril.
2. 1robe.fr
Lieu d’où survient la crise : Blog
Lieu de mécontentement : Blog
Niveau de crise : 1
Une blogueuse reçoit une demande de partenariat de la marque 1robe.FR. En échange d’un article sponsorisé, celle-ci pourra recevoir la robe de son choix. Celui-ci fait, il se trouve que la robe en question est bloquée à la douane et elle doit payer 39,40 euros. Lorsque, finalement, la blogueuse reçoit sa robe, elle se rend compte qu’il ne s’agit ni de la bonne robe ni des bonnes mensurations.
Dans le microcosme des blogs féminins, l’information circule très vite et d’autres blogueuses racontent leurs mésaventures, ce qui va au final se solder par une avalanche d’articles négatifs.
Plus d’informations sur : http://www.eme-beaute.com/un-partenariat-qui-me-laisse-un-gout-amer/
Enseignements
- Ne pas honorer un partenariat avec un blogueur est suicidaire.
3. BN
Lieu d’où survient la crise : Offline
Lieu de mécontentement : Blog / Twitter
Niveau de crise : 1
La marque se fait apostropher pour une blague sexiste présente sur un de ses packagings:
Déjà en octobre, une blogueuse avait contacté la marque afin de lui faire part de son indignation à la blague sexiste. La marque avait simplement répondu avoir voulu “apporter une pointe d’humour décalé” accompagné d’une réduction de trois euros.
Cette fois-ci, dans un contexte général de sexisme, BN a dû faire marche arrière et retirer les blagues.
Enseignements
- Confirmation une fois de plus de la théorie du trigger. Il a fallu attendre 3 mois pour que la mayonnaise prenne. Preuve aussi, que les crises peuvent connaître des revivals.
4. DH Radio
Lieu d’où survient la crise : Facebook
Lieu de mécontentement : Facebook
Niveau de crise : 1
La DH, quotidien belge, vient de lancer sa radio ( en fait changer le nom d’une radio qui leur appartenait et déguiser le tout en nouveau lancement) . Pour en assurer sa promotion, ils ont fait des campagnes hyper personnalisées en visant les “fans” d’autres radios concurrentes. Résultat ? Des commentaires acides et contre-productifs.
Enseignements
- Cela manque d’esprit “social media” et au lieu de promouvoir la radio, on a cherché à diminuer la concurrence auprès de leurs propres auditeurs.
- La technique de viser spécifiquement des fans de page très spécifiques n’est pas sans poser une question éthique.
5. Microsoft
Lieu d’où survient la crise : Blog
Lieu de mécontentement : Blog / Twitter
Niveau de crise : 1
L’entreprise américaine a contacté par l’entremise de Machinima des Youtubers afin de leur proposer la somme de 3$ pour chaque 1000 vues où il y aurait une promotion de la Xbow One. Il leur fallait tagger celle-ci avec le code XB1M13.
Cela n’est pas sans rappeler une autre crise de 2006 où son concurrent, Sony, s’est fait attraper pour les mêmes choses.
Enseignements
- Malgré que les cas de ce type sont présents depuis 2006, il y a encore des entreprises qui sont prêtes à réaliser des pratiques fallacieuses qui sont absolument contre-productives et établies selon un schéma TOP-DOWN qui n’a pas sa place sur le Web 2.0.
- Tout se sait un jour où l’autre sur le Web.
6. Larousse
Lieu d’où survient la crise : Twitter
Lieu de mécontentement : Twitter
Niveau de crise : 2
Larousse édite un ouvrage “Les perles des tweets et du net” qui est un recueil de 289 tweets. Le souci est que l’éditeur n’a pas contacté les auteurs de ces derniers. Or, ceux-ci sont leur propriété au nom du droit d’auteur.
La maison d’édition n’aura aucun autre choix, si ce n’est celui de retirer le livre de la vente.
Plus d’informations sur : http://www.slate.fr/story/82495/twitter-larousse-propriete-intellectuelle
Enseignements
7. Minute Buzz
Lieu d’où survient la crise : Site d’information
Lieu de mécontentement : Twitter/ Blog / Facebook
Niveau de crise : 1
Maxime Barbier, cofondateur du site Minute Buzz, reprend une vidéo Youtube de Casey Neistat :
Plus d’une inspiration, le mot plagiat est vite évoqué et l’auteur originel de la vidéo se déclare indigné.
Au-delà du plagiat, le fait que la vidéo ait été recyclée en incorporant à la vidéo le hashtag de la campagne ” Des raisons d’y croire” (#DRDC) de Coca Cola France, a définitivement fait réagir les gens et ce d’autant que la vidéo était sous-titrée dans le but de toucher un maximum de personnes.
Beaucoup de choses ont été dites sur ce cas, notamment à propos “d’ascenseur émotionnel”. Pour ma part, j’estime qu’il n’en est rien. J’ai franchement du mal à imaginer des gens émus face à cette vidéo. De plus, il s’agit clairement d’un cas de critique rationnel, basé sur des normes.
Le bruit de la vidéo avant bad buzz, même s’il fait le même bruit que celui d’après la vidéo n’est absolument pas le même pour la simple raison que ce ne sont pas les mêmes publics ( grand public Vs Communauté marketing & communication) : il n’y a donc pas d’ascenseur émotionnel.
Allons plus loin même en disant que les gens qui ont aimé la vidéo sont déjà partis depuis longtemps vers une autre info, un autre buzz, une autre émotion.
Enseignements
- Cas typique de double bruit. Un bruit provenant d’un public, l’autre d’un autre public. Petit à petit, ma prédiction est que les marques auront de plus en plus des bruits provenants de publics différents où il faudra choisir celui que l’on souhaite.
8. Haribo
Lieu d’où survient la crise : Site d’information
Lieu de mécontentement : Twitter/Facebook
Niveau de crise : 2
Haribo est critiqué dans les pays scandinaves pour ses bonbons noirs que certains consommateurs jugeaient “racistes”.
La marque a du annoncé qu’ils ne seront plus commercialisés, ce qui a suscité la polémique sur les réseaux sociaux européens entre les “pour” et les “contre”.
Enseignements
- Dans un contexte de marque international, la crise 2.0 peut être,elle aussi, internationale.
9. Mariages Frères
Lieu d’où survient la crise : Site d’information
Lieu de mécontentement : Twitter/Facebook
Niveau de crise : 2
Mariages Frère a vu un grand nombre de commentaires sur sa page Facebook fustigeant son thé qu’elle a nommé “Exposition coloniale”.
La marque de thé a dû faire marche arrière, mais a également pratiqué une politique de censure telle que l’on ne l’avait plus vue depuis des années. ( Plus aucun message n’est visible après avril 2013)
Plus d’informations sur : http://blogs.rue89.nouvelobs.com/rues-dafriques/2014/01/31/exposition-coloniale-mariage-freres-se-debarrasse-des-clients-mecontents-232247
Enseignements
- Crise typique de valeur d’égalité.
- La censure est encore pratiquée en 2014.
Voilà pour les 9 crises 2.0 de janvier 2014. Oui, déjà 9. Espérons que le rythme des Bad Buzz se ralentira parce que sinon ça risque d’être dur de suivre la cadence d’écriture.
Un ensemble de crises avec un doux parfum de nostalgie, puisqu’il semblerait presque que l’on retourne en 2006, avec des crises pratiquant la censure, impliquant des marques qui n’ont rien compris aux réseaux sociaux et ont des pratiques malhonnêtes.
On observe également un grand taux de crise niveau 2 puisque des produits, des packagings et autres sont purement et simplement retirés, ce qui a un vrai impact financier pour la marque qui subit la crise.
Je vous donne rendez-vous au mois de mars pour les mémoires des crises 2.0 du mois de février, mois historiquement très calme ( 3 crises 2.0 en 10 ans)
La suite ?