Introduction
En 2014, alors que les fonctions et les bonnes pratiques du community manager commencent à être théorisées, que les programmes universitaires et formations en tout genre commencent à fleurir çà et là, j’avais envie de faire un article sur la nécessité pour la stratégie des marques de privilégier la do not list par rapport à la to do list.
En milieu publicitaire, la copy strategy ou briefing créatif a pour habitude d’inclure une do/do not list et il est également conseillé de réduire cette dernière à sa plus simple expression, le désir étant de ne pas briser la créativité par des contraintes trop présentes.Ces contraintes, qui peuvent être temporelles, de circonstances ou d’univers ont le don de briser la créativité des créatifs, et peuvent empêcher la sérendipité. (création par hasard)
Or, j’ai l’impression qu’aujourd’hui dans les stratégies de social media, les contraintes ne sont plus dans ce qu’il ne faut pas faire, mais dans ce qu’il faudrait faire.
Ce qui m’a intéressé dans les crises 2.0, n’était pas uniquement les comportements humains, que j’adore, mais aussi le fait que j’étais convaincu que, devant l’immensité de ce qu’offre le Web, les interactions avec les gens, le développement jusqu’alors impossible,au jour le jour, des valeurs d’une entreprise ou d’une marque, la seule chose qui devrait guider les entreprises ne devrait pas être pas ce “qu’il faut faire” sur les réseaux sociaux, mais ce qu’il ne faut pas faire.
Je m’explique. Lorsqu’un enfant naît, il découvre le monde : d’abord son corps, il est surpris par ses propres mouvements ; ensuite, son univers proche, ses parents ; enfin, l’univers qui l’entoure. Pour explorer ce dernier, on ne lui enseigne pas ce qu’il faut faire, il ne sait pas ce qu’il doit faire ; soit on lui dit ce qu’il ne faut pas faire et pourquoi, soit il apprend par ses propres erreurs.
Nous sommes à une époque similable en terme de stratégie social media, à savoir que lorsqu’une marque veut bâtir celle-ci, elle regarde d’abord les valeurs de l’entreprise, qui elle est; ensuite elle regarde quel est son univers proche ( ses stakeholders) ; enfin, elle apprend par erreur.
Lorsque les premières marques ont commencé à interagir leurs clients, ils ne l’ont pas fait, car c’était la chose à faire, ils l’ont fait, car il n’y avait rien qui disait qu’on ne pouvait pas le faire. C’est exactement ce pour quoi je vais essayer de vous convaincre de jetter tous vos blogs CM qui vous disent quoi faire pour vous laisser libre.
Pourquoi il est nécessaire de réaliser ce changement de paradigme.
1. La peur du bad buzz
J’ai beau crié partout que le bad buzz n’a presque pas d’impact sauf pour quelques cas par an, la peur du bad buzz est présente.
Or, plus de la moitié d’entre eux peut être simplement évité par une simple liste de chose à ne pas faire. Il suffira de lire d’autres articles de ce blog pour faire sa liste de chose à ne pas faire. D’où la nécessité également pour les marques, de faire attention aux cas qui ont concerné les autres marques afin d’éviter de les réitérer.
Je suis toujours atterré de voir des crises presque semblables se produire encore et encore. Récemment, on revit d’ailleurs des crises telles qu’on ne les avait plus vues depuis plus de 5 ans. Ceci explique les raisons pour lesquelles je tiens les mémoires des crises 2.0.
2. À force de bonnes pratiques, tout le monde produit la même chose.
Une marque de distribution comme Delhaize a axé sa communication sur les promotions et sur “les petites recettes”, les conseils et la saisonnalité ( Chandeleur, Noël, Nouvel An chinois, etc.)
Il s’agit là d’un exemple de bonne pratique “comme d’habitude”.
Une marque concurrente, Intermarché Belgique, avec plus de 10 fois moins de followers développe exactement la même stratégie:
En quoi est-ce créateur de valeurs ? Qu’est-ce que cela apporte comme avantage stratégique à des marques de produire la même chose ?
Vous aurez certainement d’autres exemples, tant les “bonnes pratiques” sont adoptées par toutes les marques, sans relief et de façon lisse.
Tout le monde produit les mêmes concours, les mêmes choses : Quizz à deux sous, tirage au sort, mots mystères.
Il en est de même pour les blagues en tout genre, les questions qui ne servent à rien, bref, les machines à engagement.
Allez,d’ailleurs je vais jouer avec vous aussi, devinez de qui provient ce tweet: ( je vous laisse un blanc avant de scroller)
Oui Windows. Voic deux autres perles gratuites qui illustrent la stupidité de ce à quoi nous mène “les bonnes pratiques” :
On leur a dit que dans leur to do list, il fallait susciter de l’engagement. Pourquoi ? Parce qu’au départ, il y avait un désir légitime de se débarrasser de la dictature de l’audience au profit de l’engagement. Seulement, on arrive à des stupidités pareilles, pourquoi ? Parce qu’on a fait de l’engagement un must.
Personne n’a remarqué que l’époque du content marketing est positionnée sur la courbe de vie du produit à son pic maximal: tout le monde produit du contenu. Pire, les marques ne produisent plus uniquement du contenu, ils en sont à un point où ils paient pour que celui-ci soit lu. Quel paradoxe lorsqu’on sait que ce content marketing avait pour principal attrait qu’il utilisait la technique du “pull” plutôt que celle du “push” !
3. Le colonialisme à outrance
- Pinterest se lance, les femmes bourrées de pognon y sont ? Investissons là-dessus.
- Les adolescents se lasseraient de Facebook pour exposer leurs parties intimes sur Snapchat ? Investissons là-dessus.
- Il y a des gens sur Quora ? Allons bombarder des questions là-dessus.
Nous sommes dans une politique de colonialisme des réseaux sociaux : s’il y a un espace vierge, il faut le souiller même si cela ne remplit pas les valeurs de marque.
Mais là n’est pas le débat, puisque nous parlons de la “to do list”. Le problème est que la majorité des marques attendent que les autres se lancent avant de tenter l’aventure.
Les marques attendent trop souvent que les bonnes pratiques surviennent pour les copier simplement.
Pourtant, lorsqu’une application sort, il me suffit de lire sa description et de la tester pour voir si elle me conviendra. Par exemple, j’ai directement accroché à Twitter, car le réseau social correspond à mes besoins. Pourquoi en serait-il différent pour les marques ? Pourquoi les marques doivent-elles attendre que les bonnes pratiques, les “to do list” surviennent avant de se lancer ? Pourtant, il suffit d’une “don’t list” pour connaître les limites pour la bonne et simple raison que celle-ci est la même pour tous les réseaux sociaux, que cela soit Twitter, Facebook, Pinterest, les e-mails, etc.
Conclusions
Aujourd’hui, les marques ont tout intérêt à ne pas suivre les bonnes pratiques pour la simple raison que si celles-ci sont établies, cela signifierait qu’elles ne constituent plus du tout un avantage compétitif car elles sont adoptées par tous.
Dans un monde tel que celui-ci, le vrai danger pour les entreprises serait ainsi d’avoir une communication lisse, sans relief.
Les marques doivent considérer les réseaux sociaux comme un gigantesque espace de liberté délimité par les frontières dictées par la “do not list” et dont le chemin sera tracé par les valeurs de marques, véritable boussole.
Cette liberté emmènera une créativité, une cohérence et rendra le discours de la marque plus vraisemblable à une époque où ce qui compte n’est pas la vérité, mais la perception que les gens ont de celle-ci.