Je n'avais plus fait d'analyse de communication de crise depuis Bretigny mais je trouve que le cas de Disneyland Paris est très intéressant dans la mesure où il permet d'illustrer pas mal de choses développées au cours des derniers mois sur ce blog.
Par contre, je pose directement un disclaimer dans la mesure où nous sommes dans le début de la communication de crise du parc d'attractions et que cet article est fait à chaud ( peut-être trop ?) ce qui laissera quelques inexactitudes et remarques précipitées.
I. Introduction des éléments
a) les faits
Vers 16h20, un enfant de 5 ans accompagné de son père a été déséquilibré de sa barque alors qu'il était sur l'attraction Pirate des Caraïbes du parc Disneyland Paris. Ses jours ont été en danger.
b) les éléments négatifs
- La période: nous sommes dans une période importante pour Disneyland à savoir la période de vacances de Toussaint où une campagne de promotion spéciale Haloween a été réalisée. Pire, demain nous sommes le jour d'Halloween qui doit être un jour important pour le parc.
- L'émotion: on touche aux enfants, le sujet est très émotionnel. Cela peut donc susciter des réactions très impulsives et rapides.
- L'historique: comme tous les parcs d'attractions, il y a des défauts de sécurité qui font partie de l'historique des crises de l'organisation. Ceux-ci sont statistiquement normaux, mais ils peuvent jouer un rôle d'accumulation pour faire penser que "cela arrive souvent, ce n'est pas très sécurisé".
Le risque étant que cela fasse ricochet et soit ramener sur le devant de la scène.
c) Les éléments positifs
- Le capital réputationnel: Disney, c'est le rêve. On croise encore des adolescents , voire des adultes où la simple évocation de Disneyland Paris évoque en eux le rêve et l'envie. C'est également un parc qui mise fort sur la sécurité et l'encadrement. Ce capital est une aubaine pour l'organisation. Disneyland Paris dispose aussi d'une communauté de fans très large qui n'a même pas besoin d'évoquer le sujet pour disposer de défenseurs:
- L'agenda médiatique: chance pour Disneyland Paris, l'agenda est très occupé en France par la libération des otages enlevés au Niger et en Belgique par l'annonce du programme politique de la NVA , le parti séparatiste flamand.
- L'événement en lui-même: même si l'événement est tragique et soudain, il est loin d'être imprévu. En effet, on est dans la situation type de la crise d'un parc d'attractions dans la mesure où c'est l'événement qui, étant donné sa gravité et sa probabilité d'occurence figure en tête de liste de l'analyse des menaces / la gestion de risque.
II. Analyse du début de la communication de crise
a) les faits
J'insiste à nouveau sur le mot début. L'événement commence à avoir une couverture médiatique vers 18h, heure à laquelle la plupart des alertes smartphones retentissent.
Pourtant, aucune réaction n'est donnée par Disneyland Paris, que cela soit sur les réseaux sociaux ou le site corporate. Cette inaction laisse la plupart des articles sans point de vue de leur part:
A ce moment-là , toujours aucune news sur les réseaux sociaux ou autres. Cela aurait pu être préjudiciable dans la mesure où les derniers tweets de l'organisation auraient pu être utilisés mal intentionnellement:
Avec des messages nauséabonds du style : "vous allez maintenant avoir un enfant en plus à l'hôpital, etc."
Néanmoins, alors que les faits sont connus, je vous laisse juger ce qui est posté sur le fil Twitter:
(Malgré ce qui est indiqué, le tweet est posté après 18h.
Les médias devant réalimenter le sujet et sans commentaires dans un premier temps de Disneyland sont obligés de ressortir les archives de tous les accidents, archives qui resteront désormais à chaque modification de l'article.
Le journal de 20 H arrive et toujours pas de vision du parc d'attractions durant celui-ci. Il faudra attendre 20h40 pour voir arriver des modifications d'article avec la version des faits de l'organisation.
Une vidéo arrive par la suite de l'interview du vice-président, Julien Kaufman:
Une interview où le constraste avec le président de la SCNF est frappant:
- Un manque de sentiment d'empathie au moment des paroles.
- Des mots repetés un peu trop souvent ( rapidement, intervenu, priorité , sécurité) qui font penser à une répétition préalable des éléments qu'il fallait divulger à la presse et qui rajoute au manque d'empathie.
A 22h50 , soit 6 heures après les faits et alors que tout le monde est allé se coucher ( sauf moi) , un communiqué de presse est diffusé sur Facebook et est recopié par la suite sur Twitter via 5 tweets. Le communiqué est classique, représentatif d'un premier communiqué de crise dans un but d'attente et contient tous les éléments nécessaires:
b) Analyse
Une gestion de crise classique "efficace".
Les secours sont très rapidement intervenus et tout était préparé. Le communiqué de presse est bon dans sa conception. Les éléments classiques sont donc respectés ( on reparlera du timing et de la forme)
Les réseaux sociaux n'ont, par contre, pas été utilisé. Pire, ils étaient au moment du drame occupés à assurer la promotion d'un autre événement et lorsqu'ils ont été utilisé, ca n'était pas avec la même compétence que la SCNF.
En effet, Twitter est un réseau social de l'instantané, il doit être le premier média utilisé pour distiller les informations et faits très rapidement. Or, ici, il n'a été utilisé qu'après tous les autres médias, de plus en copiant simplement une information disponible sur Facebook.
De plus, aucun espace de dialogue n'est mis en place par un hashtag.
On peut également se demander pourquoi le site corporate ( si c'est bien celui-ci qui est utilisé) ne contient aucun communiqué de presse:
Timing chaotique
Le manque de réaction a ainsi poussé les journalistes à broder sur d'autres éléments qui font de l'ombre à Disneyland Paris.
La décision de communiquer sur les réseaux sociaux à 22h50 est également difficillement expliquable. Pourquoi si tard ? Qui lit encore de tels informations à une heure si tardive?
Sans oublier que 6 heures pour répondre, à l'heure des réseaux sociaux: cela est bien trop long. Pour preuve, le désir d'information était présent puisque à l'écriture du terme Disneyland sur Twitter, voici les propositions disponibles:
Mieux vaut toujours prendre la parole pour créer le cadre informationnel, le "framing" dans lequel les médias et les citoyens vont se positionner.
La suite?
Il est encore trop tôt pour faire des conclusions, juger une communication de crise ou faire des suppositions.
Toutefois, il y a fort à parier que Disneyland Paris va se sortir de cette crise sans embûche dans la mesure où l'enfant est tiré d'affaire, que sa gestion de la crise ( et non la communication) est jusqu'à présent bonne , que sa responsabilité a très peu de chance d'être impliquée et surtout que son capital réputationnel lui permet de voir très large.
C'est finalement peut-être là le principal enseignement de ce cas: un bon capital réputationnel peut permettre à une organisation de voir venir et de commettre des erreurs que d'autres ne peuvent pas se permettre, car elle aura des gens pour la défendre sans qu'elle ne prenne la parole.
Et ca, dans ce monde de l'immédiateté où répondre après seulement 6 heures paraît comme un retard et où moins de 12 heures après les événements, des gens se permettent d'analyser ceux-ci sur un blog, cela vaut son pesant d'or.