Voici maintenant presque un mois que Gaia Belgique s’en prend à Quick et demande le boycott de la chaîne de restauration rapide. Pourquoi ? Parce que celle-ci utilise des œufs provenants de poules en cage, un combat que Gaia mène depuis un moment, attaquant diverses entreprises. Pourtant, l’initiative a l’air de stagner et le vent du peuple peine à souffler sur les réseaux sociaux. Pour cause, il y a quelques couacs de communication à côté de bonnes actions. Analyse.
Boycotcot
Opération Boycotcot. Le ton est lancé, le jeu de mot est tout trouvé. La nouvelle cible sur le tableau de chasse de Gaia Belgique sera Quick. Et pour ce faire, l’utilisation de visuels est diablement importante. Seulement, le tout fait ici bien amateur. Le site et le hashtag ont l’air de sortir tout droit de Paint. Alors que la campagne est sensée attaquer l’utilisation de poules en cage, on montre un poulet sans plume, ce qui pour le non sensibilisé ne veut absolument rien dire. Pourtant, l’idée de cage est dotée d’un important potentiel créatif qu’un directeur créatif aurait pu mobiliser.
Pour le deuxième visuel, nous sommes exactement dans le même amateurisme puisque le bandeau blanc fait tout autant penser à l’utilisation de Paint.
Au niveau de l’exécution, on est donc loin d’être au point. Au niveau stratégique, la copie est également à revoir.
a) L’utilisation des codes visuels de la marque
Lorsqu’on attaque une marque, on cherche à reprendre ses visuels pour créer une condensation sémiologique. Spécialité de Greenpeace qui allait jusqu’à reprendre le packshot, graal du publicitaire et du marketer pour la « condenser » avec le thème de l’huile de palme et l’extinction des Orang-Outan.
Pour s’attaquer à Mattel, l’ONG avait également repris les personnages de Barbie pour les faire vivre et dire ce que l’organisation environnementale avait envie de dire :
Même chose pour Lego, où l’on reprenait le thème en l’associant avec l’emblématique cube de Lego :
C’est encore plus flagrant dans ce visuel :
Bref, la technique consiste à se servir de tous les éléments visuels d’une marque (Logo, typographie, packshot, produits, etc.) pour les associer avec l’objet du litige. Dans ces deux visuels, on reprend uniquement le logo, une vague charte graphique (on ne reprend même pas la même police), ce qui ne produit pas d’attribution.
b) La headline et le visuel ? Un call to action
De plus, dans les mouvements de cette nature, il faut pousser à l’action davantage que sensibiliser : pousser à la signature, au partage, et à la mobilisation. Pour ce faire, deux solutions sont possibles :
Pour Bloom contre Intermarché, c’est passé par l’entremise d’une BD qui avait une narration parfaite pour faire passer le méchant Intermarché comme un destructeur des océans :
Pour Greenpeace contre Kitkat, c’est la vision du sang :
De plus, tout doit être fait par écrit pour pousser à l’action. « Prends 5 minutes et signe » de Pénélope Bagieu ou encore « Dites à Lego », etc.
Ici, dans les deux visuels : pas le moindre call to action. Un questionnement « sérieusement ? » et une affirmation « c’est un minimum ». En réalité, tout sonne comme si le destinataire de l’affiche n’est pas le public, mais Quick. Autant dans le visuel que dans la headline, rien ne pousse donc à la mobilisation.
Pire, sur le site, la vidéo qui présente l’action est une vieille vidéo de 2012 où les militants attaquaient D&L. Ce genre de gesticulation fait sensation au sein des militants, nettement moins au sein des personnes neutres.
La faute à un site dédié qui n’évolue pas en fonction de la cible, mais qui « stock » toutes les campagnes sur le même sujet.
Tout doit être fait pour que les supports de communication circulent le plus pour assurer un « effet de masse ». Les champions jusqu’à présent dans cette pratique avaient été Baraka City et Al Kanz. L’ONG avait mis en place tout un dispositif de viralité incluant un compteur de tweet et une plateforme :
En plus de cette viralité, des tweets avec du contenu étaient proposés :
Pour Gaia, sur le site est présent un call to action qui envoie un mail pré-écrit :
Pas de prise en charge des réseaux sociaux via le principal call to action. Par contre, un bouton partage est disponible :
Cependant, le message sur Twitter est… comment dire :
Sur Twitter, presque pas de tweets de la part de l’association mis à part ceux-ci :
Tout est fait pour pousser au mail puisqu’on encourage à leur écrire. Et pour cause, la plupart des ONGs n’agissent que par rapport à leurs succès précédents. Or, Gaia a réussi à faire plier Pizza Hut. Un résultat « à mettre sur le compte des centaines d’e-mails de protestation envoyés. » Cela explique donc pourquoi la place des réseaux sociaux n’est pas aussi grande que pour d’autres campagnes.
c) Absence de relais de la presse
Alors que l’ONG a pourtant l’habitude de convier la presse à ses actions, comme pour cette action :
Il n’y a eu aucune mention dans la presse de cette campagne. Greenpeace, à cet effet, est un spécialiste de rendre toutes ses opérations de communication comme des événements de campagne marketing :
Conclusion
Si Gaia a réussi à atteindre quelques victoires :
Elle n’a pas encore pris le virage numérique : pas de pétitions en ligne, pas d’actions menées sur le long terme, pas de social media, pas de prise en compte de potentiel de viralité dans la stratégie. Un simple coup d’œil aux mentions Twitter sur un mois nous montre le calme numérique ambiant :
Ce n’est pas pour cela qu’ils n’obtiendront rien de Quick, c’est juste la preuve qu’ils n’ont pas encore intégré certains codes déjà utilisés par d’autres ONG en France.