Les mémoires des crises 2.0 reviennent dans le dernier virage de l’année afin de retracer mois par mois toutes les crises 2.0 qui ont fait l’année 2014. Je reviens cette fois-ci sur le mois de juillet, particulièrement actif.
52. Crédit Lyonnais
Lieu d’où survient la crise : Offline
Lieu de mécontentement : Twitter/Blog
Niveau de crise : 1
Une petite entreprise de Bijoux, Laudate , se doit de retirer tous les logos LCL de son site internet et de ses enseignes. Client depuis 3 ans, l’entreprise ne comprend pas. L’affaire devient médiatisée à partir du moment où le site famillechrétienne.fr en fait l’écho, déclenchant des articles de blog et de nombreux tweets. Ceux-ci parlent de plusieurs familles fermant leur compte de la banque.
Interpellée par les internautes, LCL réagira par l’entreprise de son responsable de presse : « l’obligation de neutralité implique que le logo de LCL n’apparaisse pas pour toute entreprise ou association à caractère politique, syndical et religieux »
Et celui-ci de rappeler les engagements avec diverses organisations catholiques :
« Nous travaillons avec des fonds éthiques, comme Hymnos créé avec l’aide de congrégations religieuses, poursuit Olivier Tassain. Et nous sommes partenaires d’œuvres comme Habitat et Humanisme du Père Devert ou les Orphelins apprentis d’Auteuil. Tous ceux qui connaissent l’histoire de la banque savent que nous sommes heureux de travailler avec les catholiques. »
Enseignements:
- Les communautés déjà fortement structurées sont particulièrement rapides à se mettre en place et à provoquer une crise 2.0.
- L’importance de la communication sensible avant qu’une crise arrive. LCL demande la neutralité dans ses logos mais rappelle son engagement avec des associations catholiques. Elle paraît donc plus crédible et limite grandement la crise puisque même le site famille chrétienne ne met plus en ligne que l’article comprenant la réponse de la marque.
53. Lego
Lieu d’où survient la crise : Site Web
Lieu de mécontentement : Twitter/Facebook/ Blog
Niveau de crise : 3
C’était la grande guerre numérique de l’été. Greenpeace avait décidé de lancer son armée contre Lego :
Aucune tentative de rendre la chose émotionnelle et uniquement de nombreux militants Greenpeace sur les réseaux sociaux pour relayer cet article.
J’en avais fait la conclusion que c’était un flop avant de me raviser en disant que la tactique de Greenpeace était en réalité un artefact de communication.
Finalement, Greenpeace a gagné sa bataille contre Lego mais pas encore sa guerre contre Shell.
Enseignements:
- Tout ne se passe pas forcément sur le Web. Si Greenpeace a su obtenir son succès, c’est assurément e par son travail sur le terrain et certainement un travail dans les coulisses. Les réseaux sociaux n’ont été qu’un agenda setter plus qu’un outil d’opinion. On peut même se demander s’il ne s’agit pas d’un outil de communication interne pour mobiliser les équipes sur le terrain à travers de nombreux pays.
54. Sebastiano
Lieu d’où survient la crise : Offline
Lieu de mécontentement : Twitter/Facebook/ Blog
Niveau de crise : 1
En Martinique, c’est la marque Sebastiano qui va créer la polémique avec une publicité affichage quelque peu sexiste et qui joue sur les codes du viol :
Cela a bien évidemment créé une vive polémique à laquelle l’un des responsables de la marque a répondu par mail :
“J’ai bien reçu votre message et suis attentif à vos remarques et sensible à l’attention que vous portez aux conditions des femmes dans notre région.
Nous sommes sincèrement désolés si nous avons choqués certain à travers cette campagne de communication, notre intention n’était pas là.
Cette campagne est basée sur le thème des vacances d’été, les amis, le sport à la rivière.
Le mannequin femme est danseuse classique, nous voulions faire une publicité un peu décalée en adoptant cette posture liée à sa passion sans penser que cela pourrait choquer.
Nous avons peut-être été maladroits mais sachez que nous avons fait enlever ce visuel de notre page Facebook, notre site internet ainsi que les PLV dans tous nos points de vente.
Nous veillerons à ce que nos prochaines campagnes de communication véhiculent une image plus positive.
Cordialement.
J.J Karam”
Enseignements:
- Une énième crise parce qu’une marque veut se la jouer “décalé”. Le vrai enseignement est donc qu’une image simulant un viol est une image décalée.
55. Monoprix
Lieu d’où survient la crise : Offline
Lieu de mécontentement : Twitter/Facebook/ Blog
Niveau de crise : 1
Une affiche présente au Monoprix de Reims crée la stupeur :
Une première internaute lance un tweet :
Comme d’habitude, sans preuve physique du forfait ( et avec seulement 344 followers) , cela ne prend pas du tout. Avec un peu plus de followers et surtout une image, cela prend beaucoup mieux :
C’est surtout également la machine médiatique qui s’est mise en marche en plein été, puisque Rue89 , le Nouvel Obs et d’autres médias en feront l’écho. La marque s’excusera uniquement que le lendemain, sans doute le temps de mener l’enquête interne :
“Nous partageons votre indignation et ne pouvons tolérer de telles communications. Cette affiche a immédiatement été retirée”.
Enseignements:
- Une nouvelle preuve que le bad buzz a besoin de sa preuve publique. Il faut une image ou une vidéo du forfait sans quoi le coefficient de viralité est très amoindri.
- La difficulté de la communication interne lors d’un bad buzz est à nouveau prouvée.
56. Il Giardino
Lieu d’où survient la crise : Offline
Lieu de mécontentement : Twitter/Facebook/ Blog
Niveau de crise : 1
Une blogueuse est condamnée par la justice pour avoir publié une critique du restaurant Il Giardino situé au Cap-Ferret. Cette critique était en effet très acide puisqu’elle a titré “l’endroit à éviter du Cap-Ferret : Il Giardino”. Lassé de retrouver cette critique, le propriétaire du restaurant va attaquer la blogueuse en justice et celle-ci a tranché : cela sera 2500 euros d’amende et la suppression de l’article. Bien entendu, l’effet Streisand a joué puisque cette nouvelle juridique a fait l’effet d’une bombe pour la liberté d’expression. D’une visibilité de 490 impressions, on est passé à des dizaines de milliers puisque de nombreux médias et les réseaux sociaux en ont fait l’écho. La note sur Google et TripAdvisor est également fortement descendue par les internautes.
Enseignements:
- L’attaque en justice n’est plus une solution viable pour les petites entreprises. Il faut établir un dialogue et ne pas être obsédé par tous les commentaires négatifs.
57. Air BnB
Lieu d’où survient la crise : Site Web
Lieu de mécontentement : Twitter/Facebook/ Blog
Niveau de crise : 1
Le logo devait symboliser les points suivants :
Seulement, les internautes, comme d’habitude dans ce genre d’événement vont détourner le logo dans toutes ses formes :
Après les parodies, AirBnB publiera une infographie à propos du phénomène :
Enseignements:
- Je l’ai déjà dit : toute marque connue qui change son logo aura ce genre de phénomène.
58. SFR
Lieu d’où survient la crise : Offline
Lieu de mécontentement : Twitter/Facebook
Niveau de crise : 1
Le jeudi 24 juillet, le réseau SFR tombe dans une énorme panne et cela ne manque pas de devenir le sujet de prédilection des réseaux sociaux. Cela commence d’ailleurs très mal pour SFR qui communique bien après les médias :
La gestion des cas est ensuite catastrophique puisque face à des demandes de geste commercial de la part des clients, il n’y aura pour seule réponse que “bande d’ingrats”
L’humour présent dans le premier screenshoot était à nouveau de mise :
https://www.reputatiolab.com/wp-content/uploads/2014/11/rLTvik5.jpg
Certains ont pointé la bonne transparence de SFR durant la panne :
Pour ma part, je trouve les photographies trop esthétiques et cela ne vient pas gommer les autres erreurs de communication.
Les raisons de la panne étaient également les mêmes qu’Orange à son époque. Il est donc difficilement compréhensible que cela se passe 2 ans plus tard. Comme les raisons sont les mêmes, les clients de SFR attendaient les mêmes compensations ce qu’ils n’ont pas obtenu. Pour seul gain, ils auront “la voix et les SMS illimités ainsi que 2Go de données (en France métropolitaine) pendant un mois”.
Enseignements
- Toujours prendre connaissance de l’historique des crises qui se sont passées, surtout dans son secteur. De plus, la compensation serait toujours appréciée en fonction de ce qu’il est coutume d’avoir. Si un concurrent a mis en place telle compensation, les utilisateurs s’attendent à la même chose.
- L’arbre de la transparence dans la communication de crise ne doit pas cacher l’arbre de la gestion de crise. Plus que la communication durant la crise, il faut avant tout avoir une gestion de crise. Or, les temps des crises ont été très mal gérés (nouvelle sortie par les médias) tout comme les compensations, etc.
59. SNCF
Lieu d’où survient la crise : Site web
Lieu de mécontentement : Twitter/Facebook/ Blog
Niveau de crise : 2
Pour faire la promotion de la SNCF auprès du jeune public, celle-ci a décidé de lancer un faux-site porno sur le modèle de ce qu’a fait Orangina.
Si au départ, l’accueil n’est déjà pas très bon pour le site, la situation va rapidement évoluer encore plus négativement. Les deux associations “Les Chiennes de garde” et “Osez le féminisme” vont, en effet, attaquer la SNCF. En effet, au-delà des phrases tendancieuses, on retiendra notamment “Mais jusqu’où ira-t-elle pour seulement 10 euros?” pour faire la promotion de billet à moins de 10 euros.
Finalement, la SNCF a du retirer sa campagne ce qui ajoute un petit coup budgétaire à une perte d’image tant on comprend mal comment le dispositif s’insérait dans les valeurs qui sont les siennes.
Enseignements:
- Toujours respecter ses valeurs de marque lorsqu’on communique. Il ne faut pas vendre son âme pour le prix d’un buzz éphémère.
60. CNAM
Lieu d’où survient la crise : Blog
Lieu de mécontentement : Blog / Twitter
Niveau de crise : 1
Un blogueur attaque les formations de la CNAM dans son article. Les réactions sur son article ne manqueront pas de fleurir sur Twitter et dans ses commentaires.
Enseignement :
- Lorsqu’une frustration ou pensée négative est partagée par beaucoup de personnes, il suffit d’un élément cristallisant pour mobiliser tout le monde.
61. Renault
Lieu d’où survient la crise : Youtube
Lieu de mécontentement : Blog / Twitter /Facebook
Niveau de crise : 1
Une série de publicités pour vanter la nouvelle Twingo a été mise en place par Renault Belgique. Sur celles-ci, les clichés s’amoncellent. Petit florilège des vidéos développées :
Si la situation ne passionne pas les foules en Belgique, des internautes français vont allumer la mèche, ce qui va se propager jusqu’en Belgique. Renault va alors supprimer la vidéo sans expliquer sa démarche.
Or, le simple fait de supprimer directement la vidéo prouve que la démarche de second degré n’est pas totalement assumée, ce qui ne fera qu’engendrer des republications de la même vidéo de la part des utilisateurs.
Par cet acte, la non-information (une énième publicité sexiste) devient une information (Twingo a supprimé sa publicité !). Libération et France TV sont parmi les premiers médias à en faire l’écho.
Ne comprenant toujours pas, Renault va alors contacter les auteurs des vidéos afin qu’ils suppriment celles-ci, ce qui ne fera que mettre de l’huile sur le feu.
Finalement, Le Figaro uploadera la vidéo sur ses propres espaces, ce qui coupe toute possibilité à Renault de faire jouer la censure.
Dès lors, on peut se poser la question de savoir si l’influence sur ce bad buzz est dû à des facteurs :
– culturel : l’anti-sexisme serait ainsi plus prononcé du côté francophone que néerlandophone. Certains cas de bad buzz ont déjà confirmé cette dimension culturelle. Ainsi, la mascotte de McDonald a fait le bad buzz aux Etats-Unis alors qu’elle s’est installée sans souci dans d’autres pays, dont la France.
Autre cas : Guillaume Pley avait fait une vidéo sur “comment embrasser une fille en 10 secondes” et subit les foudres des réseaux sociaux alors que le concept avait déjà été réalisé sans souci en Australie et aux États-Unis.
– de masse critique : Morton Grodzins, alors qu’il étudiait le voisinage américain dans les années 60, a découvert que la plupart des familles “blanches” restaient dans le voisinage jusqu’à ce que la part de familles noires devienne trop importante. À partir de ce seuil, appelé “tipping point”, elles déménageaient massivement vers un autre endroit.
Si l’on applique cette théorie au cas Renault, on peut donc supposer qu’il n’y a pas eu de masse critique de Belges ayant eu écho de ces publicités pour que ça induise un comportement massif, de rejet ou d’adhésion.
Nul besoin de rappeler une nouvelle fois ce qu’est l’effet Streisand, dans une actualité qui ne fait qu’en parler, mais celui-ci a particulièrement joué puisque parmi les vidéos supprimées, seule celle qui a été reprise puis supprimée à la demande de Renault fait partie intégrante des articles sur le sujet.
Personne n’a ainsi vu les autres vidéos qui étaient pourtant également très sexistes (l’une d’elle proposait un rouge à lèvre à l’achat d’une Renault.)
Enseignements :
- Le bad buzz n’a pas de frontière. Belgique ou France.
- L’effet Streisand n’est toujours pas compris par tous.
- Le terrain du sexisme est trop “touchy”
62. Paramount
Lieu d’où survient la crise : Twitter
Lieu de mécontentement : Blog / Twitter
Niveau de crise : 1
A l’occasion de la sortie des tortues Ninja, Paramount sort en Australie l’affiche suivante :
Des tours en feu, une sortie le 11 septembre. Il n’en fallait pas plus pour que l’affaire fasse un buzz mondial et soit vraiment décriée aux USA.
Enseignements:
- Il n’y a plus de frontière sur le Web.
- Ne l’ont-ils pas fait exprès ?
Voilà pour ce mémoire des crises 2.0 de juillet ! Si vous remarquez que j’ai raté un bad buzz, n’hésitez pas à me le communiquer.
La suite ?