Knysna, voici un mot que la majorité du monde ne connaît pas, et ne saurait même énoncé. Pourtant, ce nom de ville a une signification particulière pour la France : une sorte de bérézina du 21e siècle, un nom de ville qui pourrait devenir un nom commun synonyme de fiasco, irrespect et défaite.
Nous sommes en 2010, la France vient de se qualifier grâce à la main de Dieu de Thierry Henry, tricherie qui fera le tour du monde qui assurera la qualification de la France à la coupe du monde. Pourtant, cette qualification, même les Français, pourtant connus pour être chauvins, ne l’estiment pas méritée.
Les événements qui se dérouleront ensuite seront la crise de l’été, à savoir un attaquant qui insulte le sélectionneur de « fils de p. » et qui se fait donc logiquement exclure de l’équipe. Cette décision va faire que les joueurs, en ce jour du 20 juin 2010, feront grève en refusant de descendre du bus. Cette situation ubuesque avait fait intervenir le président de la République, Nicolas Sarkozy et entraîné de nombreux remous et sanctions à la fédération française de football.
Les Français pensaient ce cauchemar bien lointain. Jusqu’à ce qu’Adidas décide d’une opération marketing absolument pitoyable :
Ivre, des communicants décident de filmer le bus de Knysna en train de se faire détruire.
Ce qui semble être une opération de Buzz marketing (voir d’embush marketing pour avoir piqué le sujet équipe de France à Nike, les puristes décideront) est en fait une erreur monumentale.
1. Où sont les valeurs de marque ?
A quoi ce spot publicitaire sert-il ? La marque Adidas est une marque qui bénéficie d’une grande awareness au sein du grand public. Cette notoriété sera d’ailleurs développée au cours du mondial via les différentes équipes que la marque sponsorise.
Il est donc indispensable de développer les valeurs de marque ce que Nike a très bien compris comme on peut le voir avec son application Nike + est d’ailleurs un modèle du genre. Ici, en quoi, cela montre-t-il les valeurs d’Adidas ? Les valeurs d’Adidas sont la destruction ?
2. Pourquoi s’associer à la marque France ?
L’équipe de France est maintenant sponsorisée par la marque Nike. Dès lors, à quoi cela sert-il de communiquer sur l’équipe de France ? N’est-ce pas s’associer à une marque dont le bénéfice ira directement dans la poche de son plus grand concurrent ? Cela met un focus supplémentaire à l’équipe de France, alors que celle-ci n’est pas associée à Adidas.
Exemple sur Twitter :
3. Pourquoi faire jaillir à nouveau une mauvaise image sur la marque Adidas ?
Après l’affaire de Knysna, de nombreux sponsors ont voulu attaquer l’équipe de France afin de récupérer leurs billes. On ne peut pas non plus dire que la marque Adidas en a été bénéficiaire. La marque a été associée avec de mauvaises valeurs telles que l’argent, le manque de discipline, etc. Faire parler de la marque Adidas à nouveau par le prisme de Knysna est une erreur de relations publiques. De plus, la première question que l’on se pose est « pourquoi est-ce que ce bus est en possession d’Adidas ? » (Il s’agit en fait d’une reproduction !)
4. La violence
Le spot présenté est d’une violence qui cadre mal avec les valeurs du sport. Ce bus se fait littéralement dépecer en 15 secondes chronos. Le contraste avec l’interview du directeur marketing, souriant, est aussi particulièrement criant.
5. Think Global
Adidas est une marque mondiale. Or sur le Web, si vous communiquez en français, vous aurez des gens du monde entier (marocain, belge, français, suisse, canadien, etc.) qui vous regarderont.
Ne pas tenir compte de cet aspect de globalité est une erreur qui serait d’un nombrilisme criant. Que vont penser les autres nationalités de ce spectacle désolant ? Si tant est que ceux-ci sachent même ce qu’est Knysna, ils n’en auraient que faire de ce moment de l’histoire et ne comprendraient pas le rapport de cause à effet.
6. Stéréotypes en action
Tous les êtres humains cherchent à simplifier le monde complexe qui les entoure. Nous faisons face à une overdose d’information tous les jours. C’est pour quoi notre cerveau utilise des mécanismes qui simplifient ce monde complexe. (Les stéréotypes, la dissonance cognitive, etc.)
Quel est le premier stéréotype du footballeur ? Qu’il est con, tout juste bon à tirer dans un ballon jusqu’à ce que la baballe rentre dans le but.
![](https://www.reputatiolab.com/wp-content/uploads/2024/02/09823917.gif)
Adidas revisite le stéréotype du footballeur. Il prend un bus, le détruit en 10 secondes et vient s’extasier devant la caméra en disant avoir commis une bonne action pour le mondial. Le soulagement est total.
Exemple sur Google + : ![Capture d’ecran 2014-05-27 à 13.09.50](https://www.reputatiolab.com/wp-content/uploads/2024/02/Capture-decran-2014-05-27-a-13.09.50.png)
7. Où est la marque responsable ?
Alors que les consommateurs sont en attente de marques responsables dans leurs actes, que l’on vit une crise sans précédent, que le framing de la coupe du monde se résume à l’image suivante :
![](https://www.reputatiolab.com/wp-content/uploads/2024/02/topelement.jpg)
La marque Adidas détruit un bus neuf qui aurait pu servir à quelque chose de positif. Ce gaspillage, autour d’une violence qui répond à des envies animales restera bien le peu de ce que l’on retiendra de ce spectacle abject. Ce n’est pas une preuve d’une marque qui est à l’écoute du monde dans lequel il vit, ce n’est pas une preuve d’une marque qui est responsable, ce n’est pas une marque qui promeut le monde du sport et encore moins le football, c’est juste la preuve d’une marque qui veut avoir du REACH, du LIKE, et du BUZZ.
Pour une marque qui a déjà vécu un bad buzz pour son manque de responsabilité, on ne peut pas dire qu’ils ont retenu les leçons.
![3623951_t-shirt-bresil-adidas](https://www.reputatiolab.com/wp-content/uploads/2024/02/3623951_t-shirt-bresil-adidas-2.jpg)
Edit: Il semblerait que le bus sera compressé, et ensuite transformé en une œuvre d’art par le sculpteur-designer Louis-Guillaume Piéchaud. L’œuvre qui sera exposée au magasin Adidas des Champs Élysées sera par la suite mise aux enchères au bénéfice de l’association Diambars, pour son programme socio-éducatif Stade Sup qui vise à faire du « sport passion un moteur pour l’éducation »
Cela a tout de l’alibi bancal.
Exemple sur YouTube :
![Capture d’ecran 2014-05-27 à 13.26.34](https://www.reputatiolab.com/wp-content/uploads/2024/02/Capture-decran-2014-05-27-a-13.26.34.png)
Exemple sur Twitter :
![Capture d’ecran 2014-05-27 à 14.17.21](https://www.reputatiolab.com/wp-content/uploads/2024/02/Capture-decran-2014-05-27-a-14.17.21.png)
Conclusions
Il aurait suffi de demander à quelques bien-pensants ce que l’on aurait pu faire avec un bus, ils auraient certainement permis de trouver de bons projets. (don à une école, don à des enfants pour qu’ils partent en voyage ou même à un club de football dans le besoin ce qui aurait eu le mérite de parler football)
Il aurait également suffi de demander à quelques bons communicants ce que l’on aurait pu faire avec un bus, ils auraient certainement permis de trouver de bons plans de communication. (Envoyer des enfants défavorisés en bus pour assister à la coupe du monde au Brésil, le bus qui aurait fait le tour du Brésil, etc.)
On a préféré faire un événement qui coûte, qui buzz, avec quelques invités triés sur le volet pour faire monter la sauce du like. De ce fiasco, j’en retire une liste de 3 choses indispensables avant de faire une campagne virale :
- Toujours penser à ne pas nourrir ses concurrents grâce aux actions de communication.
- Toujours communiquer sur ses valeurs de marque. Ce sont elles qui doivent buzzer, pas autre chose. Si c’est pour buzzer sur du vent, autant faire une campagne TV.
- Penser global et responsable, dans un monde devenu universel, en quête de sens et de responsabilité.
En conclusion, Adidas a du faire la grève de la créativité, se refusant à sortir du bus de sa marque, et ce alors qu’il aurait pu voir qu’en dehors de son nombril, il y a un monde avec des valeurs, il y a des concurrents qui leur ont pris l’équipe de France, il y a des gens qui rêveraient d’avoir un bus, et surtout, il y a un monde qui est plus vieux de 4 ans : il a donc évolué et l’équipe de France avec.
Pour une version bien mieux écrite, je vous invite à lire l’article du blog du communicant 2.0 !