On a beaucoup parlé du défi de l’écoute des réseaux sociaux (veille, mise en place de dispositif de dialogue, alertes, etc.), du défi de la réaction (rapidité, empathie, résolution du problème, etc.), et du défi de la cicatrisation. (prendre les mesures nécessaires, rebondir, se rénover, se repenser, etc.)
Pourtant, il y a un domaine qui est totalement inabordé et qui revêt pourtant d’une importance capitale : le défi de la communication interne. J’estime qu’il est plus que temps que cette problématique soit abordée, car elle est à mon sens le vrai défi actuel pour les entreprises.
Analyse
Le premier aspect de cette problématique est la délocalisation de la communication et du fonctionnement opérationnel qui amène un manque de contrôle de l’entreprise, dès lors qu’elle est prise à partie sur les réseaux sociaux, à savoir un monde globalisé alors que son propre monde est lui, fragmenté.
1. La délocalisation communicationelle
Il est, en effet, de plus en plus fréquent avec Facebook de voir arriver des morcellements de la communication, surtout en retail, où chaque magasin ou région possède sa propre page Facebook, , sa propre ligne éditoriale, mais surtout avec son propre communicant, parfois complètement inexpérimenté. Cela n’est pas sans poser problème :
Tout le monde a vu cette photographie et tout le monde l’a attribuée à la Caisse d’Épargne. Pourtant, le message provient d’un compte de province :
La délocalisation communicationelle peut aussi avoir des effets bénéfiques et laisser passer des bad buzz qui n’auraient pas eu le même destin sur une page avec plus de personnes :
Ou encore :
Elle permet aussi de revenir à des anciennes méthodes archaïques, à savoir la censure. A cet effet :
Le community manager va alors tout faire pour supprimer chaque message négatif.
Cette délocalisation communicationelle est donc un défi à relever pour proposer du personnel adapté, une ligne éditoriale commune et une charte de communication pour définir la marge de manœuvre.
2. La délocalisation fonctionnelle
Plus important défi et surtout plus problématique en cas de bad buzz : la délocalisation fonctionnelle. Particulièrement présente pour les grosses entreprises qui possèdent des magasins et des employés disséminés à travers le pays, elle rend la quête d’information particulièrement difficile.
Cas très récent (hier) de Monoprix :
Très vite, Monoprix réagit (en premier), mais la marque ne peut pas savoir d’où provient la photographie. Vous êtes, simple CM, dans un bureau parisien au chaud : il est impossible de savoir ce qui se passe à l’autre bout de la France. Seule indication : la géolocalisation Twitter qui indique que la personne vit à Nice, ce qui permettrait à Monoprix de communiquer avec tous les magasins de la zone.
Avril 2012, une photographie de combat de chien montre un sponsoring de Heineken :
Le défi pour la marque ? Alors que celle-ci est une marque mondiale, trouver le pays, le lieu où l’investissement a été réalisé et fournir une explication le plus vite possible pour panser la plaie. La piste nous mène dans une petite discothèque de Mongolie. Imaginez un peu l’enquête qui a été nécessaire.
Août 2012, l’enseigne Quick reçoit une photographie d’un de ses magasins avec des rats à l’intérieur :
Pour Quick, le sprint est lancé afin de savoir de quel restaurant il s’agit, qui a pris la photo, et comment.
Octobre 2012, un prétendu-cadre d’Orange est filmé en train d’insulter un employé de la SCNF.
Le défi pour Orange ? Sur base uniquement de la voix, retrouver un de ses milliers d’employés.
Juin 2013, un employé de Taco Bell poste une photographie sur Instagram en train de lécher des Doritos :
Il fallait alors trouver l’employé en question et l’interroger. Finalement, il s’agissait de biens destinés à être jetés.
En juillet 2013, Royal Canin est accusé sur preuve d’une vidéo d’avoir parrainé un combat entre chien et ours en Ukraine. Ce partenariat a été dévoilé par une association autrichienne de défense des animaux à quatre pattes (Vier Pfoten).
Pour l’ensemble de ces cas, beaucoup de pays d’activité, beaucoup d’employés et donc des difficultés dans un environnement mondialisé à faire face à ces nouveaux défis qui nécessitent une réponse rapide et où le public pense avoir affaire à une entreprise ultra puissante, hyper informée et où toutes les décisions sont centralisées alors que c’est rarement le cas. Cela peut même être encore plus lent dans le cas où le community management est externalisé.
3. La problématique du fake
Mais la délocalisation n’est pas le seul problème des entreprises avec les réseaux sociaux. Les adeptes du Klout et autre personal branling, n’hésite plus à mentir et lâcher des fakes dans le but d’obtenir un moment de gloire éphémère.
Les fakes facts
Pour exemple, un twittos qui avait voulu faire croire qu’Ikea se foutait de notre « g… » car le nom de ses meubles signifiait des insultes en suédois.
Rapidement repris partout. Il s’agissait en réalité d’un fake :
Autre cas lorsqu’à la nouvelle année, je vois sur Facebook ceci de 9gag :
Quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’un peu plus tard, je vois le même tweet refaire le buzz sur Twitter en version française screenshootée.
Mais cela peut aller plus loin où l’on peut faire porter à quelqu’un des paroles qu’il n’a jamais tenu. Ainsi, récemment, le chroniqueur Pierre Ménès est l’objet d’un fake screenshoot de la part de quelqu’un qui veut assurer sa publicité de sa page Facebook (regardez le lien au milieu)
Les fakes accounts
Autre plaie pour les marques, les fake accounts créés qui peuvent parfois porter atteinte aux marques :
Les fake Ads
Enfin, une autre problématique de plus, celle des fausses publicités qui seraient scandaleuses. Une publicité est transformée pour crier au bad buzz et arracher des retweets. Il y a peu, Malaysia Airline en avait fait les frais :
Ciblé par un site du style Gorafi qui avait mis une fausse publicité, le prétendu bad buzz de Subway était alors arrivé jusqu’en France :
Il est pourtant impossible pour un community manager de connaître l’ensemble des publicités mises en place lorsque la marque est mondiale ou qu’elle est délocalisée. Pourtant, plus l’attente est grande, plus la viralisation l’est aussi.
Conclusions
Je termine avec un cas qui résume toute la situation : celui de l’enseigne Paul. En 2011, celle-ci est prise dans la tourmente après la photographie d’une souris à Montparnasse :
Cette année, une autre photographie est prise :
Où l’on pense que la photographie provient du même jour, et donc n’est qu’un revival d’une ancienne crise. Pourtant, il s’agit d’une nouvelle photographie. L’enjeu est illustré parfaitement avec ce cas : vérifier la véracité de l’information, localiser le lieu et agir.
À travers l’ensemble de ces nombreux cas, il apparaît évident que devant le nombre croissant de fausses informations circulant, la vérification de celles-ci en interne apparaît comme stratégique. Seulement, les délocalisations communicationnelles et structurelles rendent cette dernière compliquée. C’est pourquoi il est nécessaire de mettre en place des réseaux de communication permettant de simplifier celle-ci. (intranet, réseau Facebook, réseau social d’entreprise, etc.)
Car là où le débat tient actuellement sur la capacité d’une entreprise à capter des discussions négatives le plus vite possible, où l’on cherche à accélérer la mise en place d’alerte, notamment par des alertes par SMS, le vrai défi du bad buzz consiste à mettre en place un système de communication permettant à l’entreprise de pouvoir faire face à une crise en ayant les informations nécessaires à sa disposition le plus rapidement possible. Ce système est déjà en place lors de crise dite « normale » avec le centre de crise, signe que le web ne change rien et qu’une fois de plus, rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme. Est-ce que les entreprises ont, elles aussi, été transformées afin de faire face aux défis du web ?