L’affaire fait grand bruit dans tous les médias : SNCF et RFF ont commandé 2000 nouvelles rames qui seraient trop larges pour passer sur certains quais.
En une phrase, vous avez compris la force de la nouvelle, à savoir qu’elle tient dans 140 caractères et qu’elle paraît tellement absurde qu’on a qu’une seule envie : la tweeter avec un « LOL » ou un « FAIL ». De plus, la bourde est tellement imagée qu’elle permet le détournement facile.
Toutefois, j’ai une profonde défiance envers les histoires toutes faites, car elles me font penser au cas Carambar. C’est quand le manque d’information est au plus haut que les agendas cachés sont le plus présent. Retour sur un cas « LOL » qui cache une réalité lobbying.
I.Historique des événements
Le 20 mai, le canard enchaîné sort l’article qui fera l’effet d’une bombe. Le jour avant, les articles en ligne sortent massivement. Le lendemain, le président de RFF, Jacques Rapoport, monte au créneau. Comme d’habitude dans le cas de crise grave, il est de coutume d’envoyer la personne la plus responsable au front. Ce cas ne déroge pas à la règle.
« Des travaux qui coûteront 50 millions d’euros » par Europe1fr
L’entrée en matière avec « savez-vous que » est généralement mauvaise dans la mesure où il s’agit d’un cas typique de discours fuyant très utilisé par les politiciens lorsqu’ils ont une question gênante soit pour établir une liste de faits longue comme un anaconda, soit pour noyer le poisson dans le but de réfléchir à la réponse à donner. Quelques mots un peu trop techniques furent utilisés comme « matériel roulant » ou « un septième des quais ». (là où il aurait mieux fallu parler en pourcentage, surtout dans un contexte de radio où les gens sont souvent occupés à faire autre chose) Il est intéressant de remettre en perspective (millions par rapport à milliards, 1 % du matériel roulant, 1/7 des quais) mais à force de trop vouloir remettre en perspective, on n’assume pas l’erreur qui a été commise. En insistant sur le faible pourcentage, on néglige notamment le coût de 50 millions qui reste non négligeable pour tout public qui entend parler de cela. L’impression est dès lors que cela ne représente rien pour RFF, ce qui ne peut que faire monter les crispations éventuelles par rapport au gaspillage. Ce n’est que par la suite qu’il dit comprendre que cela représente beaucoup aux yeux des gens. Cette construction empathique aurait dû survenir bien avant tout comme l’impact pour le public, à savoir aucun retard dans le plan, une meilleure optimisation pour les personnes à mobilité réduite (qu’il se sent obligés de nommer « handicapés » comme si on avait peur que l’on ne comprenne pas) et l’absence d’impact sur le prix des billets.
On a également assisté à un cas d’école, à savoir que le principal intéressé était plus que vraisemblablement entraîné à l’interview (pour preuve la répétition des 1 %), mais uniquement sur des données et questions factuelles. Dès lors, lorsque le journaliste a utilisé la métaphore de la voiture et du garage, le Jacques Rapoport s’est emmêlé les pinceaux et a été catastrophique. « Quand on achète une voiture, on peut avoir des travaux d’adaptation à faire chez soi pour la faire entrer où on doit la faire entrer » dira-t-il. Cela fera bien sûr des traces sur Twitter :
La question de la responsabilité est, elle, restée sans réponse.
Enfin, j’ai trouvé cela un peu bizarre que le président de RFF mentionne le regroupement nécessaire entre la RFF et SNCF sachant qu’il ne peut subsister après cela qu’un seul président. De plus, il s’agit d’un aveu de faiblesse de ne pas avoir su coordonner la communication entre les deux entités.
Les réactions s’enchaîneront :
- Pour Alain Rousset, président socialiste de l’Association des régions de France, les régions refusent de verser un seul centime sur cette réparation.
- Frédéric Cuvilier, ministre socialiste annonce vouloir une enquête interne. Pepy lui la promet pour lundi. Il en a également profité pour dénoncer la confrontation et l’opposition entre SNCF et RFF.
- Ségolène Royal veut que les responsables « paient » dans cette affaire tandis que la rapporteure, Valérie Rabault, PS du Budget à l’Assemblée estime que Guillaume Pepy « doit démissionner ».
- le premier secrétaire du Parti Socialiste Jean-Christophe Cambadélis a mis directement en cause les dirigeants de SNCF et de RFF « C’est proprement hallucinant. Je pense que la responsabilité des dirigeants est engagée »
- « Il faut trouver où sont les responsabilités, pour que ça ne puisse pas se reproduire » a exprimé le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger
Cela semble de la gesticulation, mais il peut paraître étonnant d’avoir autant de réactions socialistes et que celles-ci visent autant Pepy et SNCF. D’autant que de son côté, l’UMP par Valérie Pécresse a ciblé les régions.
Plus tard, le directeur de la communication de RFF est également intervenu :
L’intervention est beaucoup plus maîtrisée et l’on voit que l’on a affaire à un professionnel. Il rappelle le fait qu’il n’y aura aucun retard, qu’il y a déjà 300 quais qui sont réalisés, qu’il ne s’agit que de quelques centimètres à casser, que cela facilitera l’accès des personnes à mobilité réduite et que c’est RFF qui paiera l’entièreté des travaux. On se demande un peu pourquoi le discours n’a pas été aussi rassurant depuis le départ.
II. Analyse
Analyse des polémiques
Un curieux agenda
Il se trouve que l’Assemblée nationale doit examiner le 16 juin le projet de réforme ferroviaire. Dans celui-ci se trouve une fusion entre RFF et SNCF. Ce projet serait une vieille revendication de la CGT et de Sud Rail que certains décrivent comme des électeurs déçus
Mais tout était déjà dit
Un premier article de blog circule et met déjà en doute la version du canard enchaîné. Ainsi, l’auteur témoigne : « Or, je peux témoigner pour avoir travaillé pour Bombardier, l’un des deux fabricants de rames concernés, avant qu’il ne reçoive la commande, c’est-a-dire il y a plus de 5 ans, avoir déjà eu l’information qu’il faudrait retoucher les gares les plus anciennes. »
RFF a confié au Figaro que le problème était connu depuis 2 ans. D’ailleurs, le RFF ne connaissait pas les mesures de l’ensemble des quais de France (8700). C’est pourquoi ils ont lancé en 2013 une campagne afin de mesurer ceux-ci. C’est la raison pour laquelle les travaux ont déjà eu lieu pour 300 quais. Selon Slate, on pouvait lire depuis le 17 janvier que des travaux de rabotage des quais nécessiteront quelques aménagements. Les quais datent d’ailleurs d’il y a plus de 50 ans. On peut d’ailleurs lire sur des forums depuis mars que le problème est discuté entre cheminots.
De plus, ces travaux auraient été nécessaires un jour ou l’autre dans la mesure où il aurait fallu répondre aux normes internationales de l’UIC.
Le nombre de rames
Si SNCF et les régions ont signé un accord avec Bombardier et Alstom pour l’achat de plus de 1800 rames, seuls 182 Regiolis et 159 Regio2N ont été commandés de façon définitive. On est donc loin d’un renouvellement de flotte qui rendra obsolète l’ensemble du réseau. D’ailleurs un article de blog de cheminot confirme que le chiffre de 2000 annoncé ne provient d’aucune source tangible.
Le prix
Les discussions sont dignes d’un comptage de manifestants. Ainsi, le directeur de la communication PiedNoël affirme que cela coûtera 50 millions alors que le Canard Enchaîné avait lâché le chiffre de 80 millions et que l’UMP parle de 300 millions.
Qui va payer ?
Autre bataille et là on remarque directement que des antagonismes existent entre les 3 acteurs concernant le prix. Imaginez plutôt : les quais appartiendraient à la SNCF, mais la bordure à RFF. Si la bordure empiète sur le quai, c’est à SNCF de payer. Quant aux régions, elles semblent avoir une dent contre la SNCF (jugeant ses tarifs hors de prix), tandis que le président de RFF dira qu’elles devront payer.
Finalement, une déclaration surviendra assez tardivement annonçant que RFF se chargera de payer.
Le curieux acharnement sur Pepy
Je trouvais déjà anormale la phrase de Rapoport sur le fait qu’il faille rassembler les deux entreprises. Je trouve également étrange que le PS soit sorti aussi vite et aussi massivement. Enfin, je trouve encore plus étrange que les critiques se portent sur Pepy alors que la responsabilité semble provenir de RFF. Valérie Pécresse les pointera d’ailleurs en dénonçant le fait qu’elles ont bâclé les appels d’offres dans le but de tenir les délais avant les élections régionales. Ainsi, les chiffres sur lesquels SNCF s’est basée pour établir le cahier des charges ont été donnés par RFF selon le blog traincabview.
Analyse de la communication
Sur Twitter, les réactions peinent à venir. Il faudra attendre presque 7 h du matin avant le premier tweet de SNCF alors que RFF lâchait déjà le communiqué de presse commun le 20 mai à 22 h 53.
http://twitter.com/RFF_presse/status/468992953310912512
Il est à noter que le tweet n’est pas épinglé, ce qui est pourtant très recommandé et qui aurait montré la compréhension des nouveaux outils de Twitter. (Comme j’avais montré pour une précédente analyse que l’utilisation des images et des réponses à la chaîne constituait un nouvel outil intéressant)
« Communiqué de presse :
RFF et SNCF réalisent, entre 2014 et 2016, des travaux de modernisation sur 1300 des quais du réseau ferré afin d’accompagner l’évolution technologique du matériel roulant.
RFF et SNCF réalisent, entre 2014 et 2016, des travaux de modernisation sur 1300 des quais du réseau ferré afin d’accompagner l’évolution technologique du matériel roulant.
Le trafic des TER connaît depuis 10 ans un accroissement sans précédent : + 50 % de trafic en Ile-de-France et + 40 % sur le reste du territoire. Afin de répondre à la hausse du nombre d’usagers, les régions françaises, qui ont le rôle d’autorité régionale de transport, ont commandé de nouveaux TER plus capacitaires pour améliorer le confort et l’accessibilité des voyageurs.
La mise en circulation sur le réseau de cette nouvelle génération de trains, plus larges pour répondre aux attentes du public, requiert la modernisation de 1300 quais sur les 8700 quais du réseau ferré français. Ces trains sont aux normes internationales. Il s’agit de mettre les quais aux mêmes normes internationales.
L’objectif des régions est d’améliorer la qualité de service pour les voyageurs. Il est donc important que l’infrastructure s’adapte à cet enjeu.
Ces travaux d’adaptation de 1300 quais font partie d’un plan d’action défini en 2012, qui représente 50 millions d’euros, ce qui représente 1 % des 4 milliards d’euros annuels d’investissements consacrés à la maintenance, modernisation et développement du réseau.
Le calendrier des travaux, déployé de fin 2013 à 2016, correspond au calendrier de livraison des nouvelles rames dans les régions. 300 quais ont déjà été traités à ce jour, 600 le seront à la fin 2014. »
Moi je dis que cela manque de chiffres, et vous ? À part ce commentaire stylistique, on est loin de la formule habituelle de gestion de crise qui se déroule actuellement dans un ordre: empathie, explication, et mesures à prendre.
Enfin, constante sur Twitter, RFF n’utilisera jamais de hashtag : autant envoyer une bouteille vide à la mer. Les retweets de RFF seront, eux aussi, d’un amateurisme assez fort dans le sens où ils retweetent tout ce qui bouge, et ce même la bourde de communication à propos de la voiture de Rapoport.
Par contre à SNCF, tout est rodé comme du papier à musique. C’est la deuxième fois que je le dis en un an après la crise de Bretigny, mais je trouve qu’ils sont bons.
Liens pour expliquer comment on réalise les aménagements, hashtag parfaitement en phase avec les conversations. Un bémol : les liens du communiqué de presse vers le dossier presse mènent vers une erreur 404
Les bourdes de communication
En fait la communication fut absolument brouillonne. Entre le discours et les arguments développés au matin et ceux qui seront au soir, les versions ont changé. De plus, on a cherché à noyer le poisson alors qu’il aurait suffi de faire preuve de transparence en étant didactique. De plus, si les communiqués de presse étaient signés conjointement, les conférences de presse et interviews étaient réalisés en solo ce qui prolonge l’idée de chaos. Enfin, la communication fut à l’image de la caricature : on essaie de faire entrer un train qui n’a pas la place pour se garer. Lorsqu’on essaie de faire un parallèle avec la voiture et le garage, une simple pirouette stylistique pour rappeler qu’on parle de train, et on en avait fini. Quant à Pepy qui dira que « cela passe, mais tout juste » et « jusqu’à présent tout passe », cela ne rassure pas et ce sont des arguments qui sont inutiles.
La communication aurait dû être plus calme, sans foncer dès le matin pour éteindre un feu qui était déjà parti. Elle n’aurait pas du essayer de fuir ses responsabilités. Un simple :
« Nous comprenons l’émoi de la population, mais permettez-nous de nous étonner que cette affaire survienne maintenant alors que depuis XXX temps, nous sommes au courant de cette problématique comme le témoigne notre site internet. Cette situation est tout à fait normale et s’inscrit dans notre plan de renouvellement du secteur ferroviaire afin de permettre aux personnes à mobilité réduire une meilleure accessibilité et afin d’améliorer le confort au sein de notre flotte. Ses quais ont plus de 50 ans et nous devons les rendre adaptés aux normes. Nous avions deux choix : soit réaliser des achats pour des milliards alors que la qualité ne sera pas optimale, soit réaliser des achats avec une qualité optimale, mais avec des aménagements nécessaires pour quelques millions d’euros. Nous avons choisi le meilleur investissement pour le train de demain. »
En clair, empathie, explications du plus simple au plus compliqué, et enfin vision pour l’avenir. Dès lors, plus besoin de vouloir à tout prix justifier des choses qui n’ont pas besoin d’être justifiées.
Analyse du « bad buzz »
Typologie
J’ai pris comme habitude de fournir une typologie des conversations lors de mes analyses de bad buzz. Pour rappel, il s’agit de cartographier les discussions afin de voir l’étendue des dégâts (si plusieurs communautés sont impliquées, et comment elles le sont) :
J’ai donc pris 2000 tweets parmi les mots #TER et RFF ce qui permet d’avoir un échantillon plus ou moins représentatif :
On peut voir que la cartographie est typique de la typologie du broadcasted network (que j’ai traduit par « réseaux de diffusion »). La conversation aura ici un point central de diffusion d’une information. On est clairement dans le registre de la breaking news où un média sort l’information en premier et les gens qui conversent sur le sujet sont reliées à la source de cette information.
En clair, l’information est extrêmement diffuse et implique de nombreuses communautés. On est donc dans le cas d’une crise assez forte au niveau de l’audience touchée. (On s’en doutait, mais c’est toujours bien de confirmer la théorie)
Pour le reste de l’analyse, Visibrain a été extrêmement réactif et a pu me fournir depuis hier 15 h les tweets qui sont apparus sur SNCF, TER, et RR depuis le 20 mai à 20 h auxquels j’ai appliqué un filtre pour enlever les tweets en espagnol et portuguais (ils utilisent à outrance des TER)
Courbe de vie
- 64 358 tweets ce qui est absolument énorme et parmi les crises les plus commentées qu’il m’ait été permis d’observer.
- 37 024 utilisateurs différents ce qui montre que l’audience est extrêmement diffuse.
- Seulement 35 % de tweets originaux. Cela s’explique par tous les tweets de « LULZ » qui ont reçu un nombre extrêmement conséquent de retweets.
Parmi le panel des journalistes que met Visibrain à la disposition de ses clients,
L’affaire de la SNCF occupe une bonne place, mais elle n’arrive pas à dépasser Canne 2014 ce qui illustre le framing actuel.
Voici les tweets provenant de journalistes qui ont eu le plus d’impact. Quelle tristesse de voir que le Lulz l’emporte ! À noter toutefois que le lien avec le plus d’impact dans le panel journaliste est celui de Verel sur la bévue imaginaire.
Analyse du contenu
On peut y voir :
- Que le framing est axé sur les ingénieurs de la SNCF. Il est logique que le public se demande “comment est-il possible que cela arrive avec des architectes et des ingénieurs ?”
- Que se mêle le monde du Lulz (Tillthecat, MonsieurLapique, #Durex pour leur publicité) avec le monde de l’information (Le Figaro, Le Parisien, SNCFinfo)
- Que l’on est typiquement dans la typologie du #Fail.
Tweets les plus partagés :
http://twitter.com/Umlaut_doubleN/status/469055558478471169
http://twitter.com/SNCFinfo/status/469212760840994816
L’ensemble des tweets les plus partagés sont des articles de blagues.
Articles les plus partagés :
- Verel : Bévue imaginaire – Verel : signe que parmi le LOL ambiant, l’information arrive quand même à parvenir à un maximum de personnes. Il y a eu 1008 tweets avec ce lien.
- Pour renouveler ses TER, la SNCF commande des rames… trop larges – Le Monde (880 tweets)
- La SNCF aurait commandé 2000 rames de TER trop rapides pour son réseau | Le Gorafi.fr Gorafi News Network (762 tweets)
- La SNCF aurait commandé des rames trop larges pour 1200 quais – Le Parisien (677 tweets)
- » TER au mauvais gabarit, une info trop large ? – Sylvain, cheminot : confirmation que derrière le FAIL/Côté drôle, les informations circulent. (625 tweets)
Types de contenu
Le type de contenu confirme que le côté humoristique l’a apporté sur la réelle polémique. 22,229 photos ont ainsi été partagées
Les domaines les plus partagés sont :
Analyse démographique
L’analyse des pays montre l’écho international de l’affaire. Le paradoxe est que l’on dit qu’il s’agit d’une blague à la belge alors que la Belgique s’est allègrement moqué des Français.
https://twitter.com/Maricasblog/status/469064045577109504
Les journalistes ont bien entendu été les plus commentateurs. Le reste constitue un peu la majorité des publics de Twitter même si les conseillers municipaux occupent une place qu’ils n’ont d’habitude pas dans la répartition des métiers qui commentent les crises. Preuve que cela implique tous les niveaux politiques. Ce framing politique est confirmé par les intérêts des intervenants :
III. Conclusions
Le journalisme en crise
Si nous avons affaire à une crise ici, c’est essentiellement une crise du journalisme. L’affaire a vraisemblablement été parachutée par deux médias qui ont voulu faire du sensationnel : BFM TV et Le Canard Enchaîné.
Il a ensuite fallu attendre un certain temps pour avoir des informations qui ne furent que des déclarations de politiques. Ce n’est qu’au soir que nous avons eu quelques informations en plus sur cette affaire alors que les articles sur « Comment le Web se fout de la gueule de SNCF » pullulaient ça et là. Pourtant la majorité des informations « croustillantes » étaient disponibles sur Twitter et sur des blogs. Pour autant, il aurait fallu que l’on se donne la peine de les chercher. Au final, Le Monde reste le seul quotidien de qualité qui est d’ailleurs une source pour la plupart des cas de crise que j’observe. (Slate fait également du bon boulot)
Il est certain que de sortir une image bien drôle sur son compte Twitter personnel aura toujours plus de retweet qu’une information intéressante. Mais pour autant, sommes-nous dans une dictature du tweet ? Ne pourrait-on pas capitaliser sur la crédibilité plutôt que sur la gloire éphémère ?
Un espoir
Si j’ai pu réaliser une analyse qui, je l’espère, couvre tous les aspects et contient toutes les informations nécessaires pour décrypter ce cas au-delà du rire, c’est bien parce que des informations sont disponibles à chacun. Le prisme du Lulz sur Twitter ne doit pas non plus être parodié pour résumer que Twitter ne sert qu’à cela. Non, Twitter fournit également des informations autrefois inaccessibles. De ma Belgique, j’ai pu via des liens et des tweets comprendre une situation qui m’est complètement étrangère. Les liens les plus partagés sont aussi ceux qui apportent de vraies informations. Cela doit montrer le chemin à la presse et doit montrer que si les réseaux sociaux apparaissent comme des caisses de résonance loufoques, c’est uniquement parce que les gens ne retiennent que cela et ne se donne pas la peine de chercher. Tous ces articles sur les meilleures blagues qui circulent, les meilleures réponses de marques, c’est uniquement ce que les médias nous montre des réseaux sociaux alors qu’il y a bien mieux, et de manière même pas cachée.
Une erreur de communication
En communication de crise, il y a une des plus grandes règles : communiquer en premier et prendre la main. Si SNCF et RFF subissent cette crise, c’est uniquement parce qu’ils n’ont pas pris la main pour définir les angles et apporter le framing nécessaire. Imaginez que SNCF et RFF aient communiqué bien avant sur cela en disant qu’ils vont emménager les quais et que cela ne correspondrait qu’à 1 % des investissements prévus. Personne n’en aurait entendu parler. Ici, c’est le caractère loufoque du framing de l’information qui a fait que la mayonnaise a prise et que tout se résume en une phrase. « LOL CA PASSE PAS FAIL »
L’arbre du bad buzz
Thierry Libaert avait eu cette phrase dans le magazine de la communication sensible que j’avais déjà reprise, à savoir : « l’arbre du bad buzz 2.0 ne doit pas cacher la forêt des crises. »
S’il avait absolument raison, il se trouve que l’on évolue de plus en plus vers le fait que l’arbre doit aussi être considéré dans la stratégie, car dans ce cas, ce qui pose problème n’est pas la forêt, mais l’arbre, car la majorité du public ne voit que celui-ci et aucunement la forêt.
Preuve une fois de plus que ce qui compte n’est plus ce qui est vrai, mais ce qui est vraisemblable. Dès que l’information est sortie, les réseaux sociaux s’en sont emparés. Et même si ceux-ci peuvent être négligés et qu’il faudrait quelquefois ne pas en tenir compte, les réseaux sociaux font que la presse ne regarde que l’arbre, ce qui fait que les gens ne voient également que l’arbre. Au final, les dirigeants doivent donc abattre celui-ci pour découvrir la forêt qui se cache derrière. Tout l’enjeu est là pour des crises de ce type.
Qui bono ?
Dans une de ses premières plaidoiries, Ciceron avait utilisé cette formule à de multiples reprises : qui bono ? À qui profite le crime ? Car au-delà des blagounettes faites sur Twitter, et du caractère hilarant de la chose, il est évident que cette nouvelle a été parachutée par quelqu’un. Selon arrêt sur image, la taupe ne serait autre que le socialiste Alain Rousset, président de l’Association des Régions Française, qui aurait fait sortir l’affaire pour ne pas payer et qui s’est empressé d’avoir le don de la formule « Les régions ne sont pas des pigeons ». C’est cette information qui est importante : pourquoi est-ce que cela sort, pourquoi maintenant, et dans quel but ? C’est en voulant répondre à ces questions que l’on serait arrivé à la taupe, à la décision prochaine de fusionner les entreprises sous une même entité (en réalité, on va assister à un morcellement en 3 parties), et à la situation de tensions permanentes entre les 3 acteurs. (SNCF, RFF et les régions)
Ces questions seront évoquées, mais uniquement quand le projecteur sera parti et que l’affaire n’intéressera plus personne, que les gens seront passés à autre chose, d’une émotion à une autre. Au final, c’est le framing de la situation qui a fait que cela a pris des proportions énormes, car plus c’est gros, plus ça passe même si apparemment ce n’était pas le cas pour les TER.