Quand le bruit devient un instrument d’influence . Le cas #TelAvivSurSeine

La polémique gronde à la suite de l’organisation d’une fête de 24 heures où Paris plage prendra des airs de Tel-Aviv dans le cadre d’un partenariat entre la ville de Paris et la ville israélienne. Ce qui est une agitation militante devient une saga médiatique tant les réseaux sociaux agissent comme une légitimité éditoriale puisque Le Monde commence l’article par « de nombreux internautes et plusieurs associations protestent contre l’organisation » , 20 minutes débute son introduction par le fait que cela produit « des vagues sur les réseaux sociaux » et l’Express indique que cela « suscite l’ire de nombreux internautes propalestiniens et de quelques élus » . J’ai donc décidé de retracer l’historique de cette histoire via Visibrain Focus TM, tout en donnant les principaux enseignements que cela nous donne sur le monde médiatique dans lequel nous vivons désormais.

A noter que cet article se retrouve en version plus courte et plus grand public sur Rue89

I. Le récit sur Twitter

Au lancement du hashtag, le premier tweet utilisant le hashtag est en réalité… un tweet positif qui reprend un tweet sans hashtag du directeur de la communication de l’ambassade d’Israël qui indiquait l’événement:

Il faut attendre le 5 août pour qu’un compte ProPalestinien ne reprenne le hashtag pour dénoncer le partenariat entre les deux villes :

Pour autant, le premier tweet négatif est celui de Quentin Faure qui alpague Anne Hildalgo pour lui demander « si les arabes devront passer un checkpoint ».

Mais si cela a plus lieu du troll qu’autre chose, c’est surtout « Moonbee » qui fait entrer le hashtag dans le militantisme :

Et qui active l’autre tweet :

 

Tel Aviv Sur Seine

 

Elle montre d’ailleurs dès le départ que cela n’a rien à voir avec Tel Aviv mais est plus en rapport avec la politique globale d’Israël :

Une Française d’origine palestinienne réagit également :

Dès le départ, on comprend que la personne visée est Anne Hidalgo autour de multiples communautés : (L’ensemble de mes cartographies se lisent de la façon suivante : une couleur désigne une communauté de par les discussions qu’ils ont ensemble, un point (une boule) signifie un compte Twitter. Plus celle-ci est grosse, plus le compte a de mentions.) :

TelAvivSurSeine Cartographie 1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voyant la polémique monter, un élu du front de Gauche va jusqu’à parler d’apartheid :

Son avatar sur Twitter ne laisse planer aucun doute sur sa position par rapport au conflit israélien

Avatar Extrême Gauche

Cela reste pourtant un petit sujet très peu discuté puisqu’ils ne sont que 465 personnes à en parler. La journée du 8 août, sera par contre le vrai départ de la chose avec un entraînement presque militaire tant la simultanéité des posts est forte puisque l’on va passer de ceci :

Cartographie Paris Hidalgo Juifs Musulmans

A ceci :

Cartographie

Une communauté bleue composée de Oxymorus, Karimab_ et PaulDraszen, que l’on peut qualifier sans souci de proPalestinienne, comptabilise à eux trois 2000 des tweets qui ont circulé :

Capture d’ecran 2015-08-10 à 14.50.28

Une communauté mauve, menée par rania2palestine, madjifalastine et servale45 qui comptabilise 1000 tweets à eux trois :

Capture d’ecran 2015-08-10 à 14.58.11

La communauté verte constitue des communautés qui ne sont touchées que par une seule personne dont nous avons en haut à gauche, Demineur (medinrecords):

Ybenderbal (citoyen du monde) qui a été très prolifique, produisant pas moins de 25 tweets et comptabilisant à lui tout seul 1197 tweets :

Capture d’ecran 2015-08-10 à 15.02.11

On remarque qu’il s’agit clairement de gesticulation verbale.

Enfin, Sihame Assbague (s_assbague) , militante sur de nombreux sujets :

Capture d’ecran 2015-08-10 à 15.12.41

En orange, on retrouve Al Kanz , un des principaux médias musulmans français en ligne, dont nous reparlerons plus tard.

On peut donc dire que ceux qui attaquent Anne Hidalgo sont des gens propalestiniens (dont les milieux d’extrême gauche)

Enfin, en bleu clair, la communauté pro-événement où l’on retrouve le directeur de la communication de l’ambassade israélienne, Aurore Bergé, Julien Bahloul et Claude Askolovitch. Ceux-ci se sont complètement faits troller puisqu’ils ont contribué à hauteur de 1281 tweets à la polémique.  

Capture d’ecran 2015-08-10 à 15.18.48

D’autant qu’une fois que ceux-ci étaient dans la partie, la presse (absente pour la plupart du graphe, car ils n’utilisent pas le hashtag en question) avait désormais un article puisqu’elle pouvait donner la version des deux côtés du jeu. Ils alertent également leurs différentes communautés qui viennent grossir la polémique en deux camps parfaitement schématisés par ce graphe :

Cartographie finale TelAvivSurSeine

Si Le Parisien est présent dans ce graphe, plutôt du côté des proPalestiniens c’est uniquement parce que ce tweet le mentionne :

Les milieux propalestiniens ont donc habilement joué leur coup en gagnant ce qu’ils étaient venus chercher : du pouvoir. Car maintenant, l’affaire est portée sur le devant de la scène, et les politiques doivent réagir. Ainsi, la conseillère de Paris, Danielle Simonet du Parti de gauche, marque l’essai débuté par Madjid Messaoudene en sortant médiatiquement. Une pétition en ligne est créée pour essayer de faire matérialiser l’opinion publique tandis que Bruno Julliard, premier adjoint de la mairie de Paris, est envoyé devant la presse de façon à ce qu’Anne Hidalgo puisse rester en arrière si la polémique venait à devenir insupportable.

II. L’analyse

1. La ligne du temps.

Ligne du temps SurSeine

Nous avons donc 39 306 tweets fait par 10 428 personnes. A titre de comparaison, pour le maillot de Reims, nous avions 39 688 tweets sur une semaine entière. Ici, c’est atteint en même pas 3 jours. Et pour cause, ils ont compris qu’il fallait faire du bruit :

Dès lors, comment expliquer un tel bruit médiatique ? Déjà, remarquez que les presque 40 000 tweets ne sont réalisés que par 10 000 personnes, en ce compris les différents médias. Soit presque un ratio de quatre tweets pour une seule personne. Pour l’astroturfing du maillot de bain de Reims, c’était 17 000 personnes. Pour vous illustrer la technique d’astroturfing, prenons un tweet très simple et pas forcément antisioniste comme celui-ci :

On y voit plus de 56 retweets. Or, quand on regarde bien finement qui a retweet, on y découvre :

Capture d’ecran 2015-08-10 à 13.29.53 Capture d’ecran 2015-08-10 à 13.30.44 Capture d’ecran 2015-08-10 à 13.36.02 Capture d’ecran 2015-08-10 à 13.37.47

 

Soit des simples comptes avec très peu de followers. Et pour cause, ils sont créés uniquement pour crier.

Cela fait maintenant plus de 2 ans que je scrute chaque frétillement de la toile et ke connais très bien le logo du dernier compte qui est celui de Baraka City. Ces communautés sont rompues à ce genre de combat numérique et sont très entraînées du fait de la relative expérience en la matière.

En 2013, ils se battaient contre la chaîne M6 et son émission Pékin Express, parce que la chaîne de télévision avait commis la bourde d’organiser le jeu en Birmanie, pays où la minorité des Rohingyas se fait massacrer. A l’époque, j’avais montré à quel point nous avions affaire à un astroturfing pur et dur puisque sur cette cartographie des relations (following/followers) de ceux qui ont tweeté, nous pouvons voir que tous les comptes remontaient à Al Kanz et Baraka City et n’étaient même pas connectés entre eux.

Au fur et à mesure des émissions, ils se sont réellement rodés à l’exercice, développant même une plateforme dédiée avec un compteur de tweets par minutes pour motiver les troupes :

Ils proposaient également des tweets prêts à l’emploi :

Ils ont ainsi engrangé des victoires comme la fin de quelques partenariats et une incapacité à suivre l’émission sur Twitter. Les techniques sont restées les mêmes que pour ici, à savoir :

  • L’utilisation d’images-chocs et un axe narratif du massacre dont voici les 4 les plus tweetés
  • Choc Tel AvivLe suivi du hashtag pour retweeter tous les messages.

Lorsqu’ils n’ont pas pu utiliser ces techniques, cela s’est soldé contre un échec ( contre La Société Générale)

Pour notre polémique présente, Al Kanz est présent alertant ses communautés déjà formées :

Capture d’ecran 2015-08-10 à 11.40.13On voit que tous types d’information suffisent pour « nourrir le hashtag ». Et pour cause, ils savent très bien que les journalistes sont pour le moment très limités dans la détection d’astroturfing par des communautés. Il n’y a qu’à lire 20 minutes pour le constater :

« Les internautes expriment leur colère sur les réseaux sociaux, et notamment sur Twitter où le mot-clé #TelAvivSurSeine est très relayé ce week-end – plus de 15.000 fois (selon l’outil Topsy) – donnant parfois lieu à des commentaires très agressifs ou antisémites. Le mot-clé Tel-Aviv figure parmi les hashtags les plus populaires en France ce dimanche. »

Une simple mesure sur Topsy, qui est pour le journaliste à la crise Web ce qu’est Flight Radar à la crise aérienne. Seulement l’outil ne fait que compter. Il ne catégorise pas, et il n’approfondit pas. Un simple exemple, mais ce tweet est un bot qui a profité du hashtag « trending topic » pour tenter d’élargir sa notoriété :

Si je ne prends que les utilisateurs français, je passe de 40 000 tweets à 10,291 tweets par 2,941 utilisateurs. Toutefois, des gens n’ont pas entré leur localisation dans leur biographie ce qui biaise un peu l’exercice tout en relativisant un peu le nombre de tweets. (D’autant que la plupart des gens qui ne la mentionnent pas sont de petits comptes, voire des bots)

Enfin, si j’enlève les retweets qui sont établis par des comptes à faible followers, cela ne fait que 9253 tweets par 2904 utilisateurs. Bref, vous aurez compris que Topsy n’est en rien fiable pour qualifier la puissance d’un bruit.

2. Analyse sémantique

Hashtag TelAvivSurSeine

Le second hashtag « Paris » avec 1412 mentions est bien loin derrière TelAvivSurSeine. Et pour cause, tout est fait pour faire monter le chiffre du hashtag principal, ce qui est typique dans ces actions.

Mentions TelAvivSurSeine

Les mot-clés les plus tweetés montrent que l’on cherche à pointer spécifiquement du doigt Anne Hidalgo, ce qui était déjà bien montré dans les différentes cartographies.

3. Analyse des intervenants

Pays #TelAvivSurSeine

Sans surprise, le profil des intervenants est très international avec une très forte présence d’Israël, du Maroc, de l’Algérie et de la Palestine. Dans un débat qui ne devrait concerner que la ville de Paris, cela a le don d’être cocasse. A noter que les communautés qui ont allumé le hashtag dans les premiers jours sont les suivantes : (cartographie des relations entre les comptes)

Cartographie relationship

III. Décryptage

L’essor du bruit comme instrument de lutte populaire.

Dans une bataille d’influence d’opinion, il est nécessaire de rendre matériel ce qui est immatériel (l’opinion). Avec l’arrivée du Web 2.0, de nouveaux moyens se sont rajoutés à la boite à outil du militant pour apporter la preuve matérielle de quelque chose d’intangible. Parmi ceux-ci, la pétition en ligne a été un des premiers à être utilisé.

Depuis peu, les militants ont également trouvé en les réseaux sociaux un terrain de jeu qui leur sied parfaitement. Dans ces deux techniques, plus besoin de mains ouvrières présentes sur le terrain, il suffit maintenant d’un retweet, un like ou un share pour que l’on comptabilise la manifestation populaire.

Il n’y a également plus de frontière, un militant d’Israël peut aider un militant de Paris. Dans une société où l’on peut tout mesurer et où le contrôle doit être total, les politiques ont tout de même peur qu’ils ne soient plus en adéquation avec ce que l’opinion pense. Et l’opinion, ce sont des voix à gagner ou à perdre. Pourtant, est-ce que l’on a affaire à une action individuelle ou de groupe ? Est-ce de la démocratique représentative dans le sens où cela rejoindrait un opinion publique et non des intérêts particuliers d’un groupe de pression ? Le flou est total, et cela serait dangereux que de balayer d’un revers de la main une manifestation populaire, car cela va à l’encontre du principe même de démocratie.

Dès lors, ce genre d’actions militantes va se succéder dans le futur. La semaine passée, c’était l’astroturfing du maillot de Reims avec l’extrême droite aux manettes. Aujourd’hui, c’est au tour de #TelAvivSurSeine avec l’extrême gauche aux manettes. Demain, cela sera une autre. Car la preuve que cela fonctionne parfaitement pour être dans les médias est bien là, devant nos yeux.

Polémique et média, un couple indétachable

Pourquoi donc un telle bulle médiatique ? Le fait est que nous vivons dans un monde où la normalité est le consensus. Dès lors, que celui-ci est brisé, cela devient une anormalité systémique portant le nom de « polémique » dont il faut parler. Celle-ci va alors vivre dans l’espace médiatique tant qu’il y a discorde et interactions entre des parties. Les médias agissent comme un arbitre entre deux boxeurs. Le fait est que dans ce genre de conflit, il n’y a pas de vérité. D’un côté il y a une impression d’injustice qu’on essaie de retranscrire en voulant acquérir de la visibilité au sein du public et non pas de l’opposant direct. (La ville de Paris, représentée par Anne Hidalgo) De l’autre, on ne comprend pas la polémique que cela engendre. Il y a donc une incompréhension totale qui fait que pour que la polémique cesse, il faut dialoguer. Or, aucune des deux parties ne comprend l’autre. La situation est donc sans fin. C’est finalement l’importation du conflit israélien dans un enjeu municipal.

Peut-on pour autant blâmer les médias ? Pas vraiment pour ce cas-ci, car même l’adjoint au Maire a du réagir. À vrai dire, c’est davantage le paradoxe réactionnel qui est en cause. Cette théorie que j’ai développée autour du faux bad buzz est simple à comprendre. Dans un monde médiatique où le bruit et le combat passionnent les foules, le jeu consiste à « troller » le camp adverse pour faire passer son propre message. On peut définir le paradoxe réactionnel comme « le fait de réagir négativement à un message qui ne plaît pas, et ce alors que cette réaction entraîne une visibilité à celui-ci. » Ce qui nous donne un schéma comme celui-ci :

Paradoxe Reactionnel

Ainsi, pour l’affaire du maillot de Reims, SoS Racisme a réagi à l’affaire, donnant un bruit à cette affaire lancée par des groupes d’extrême droite. Ici, nous avons la même chose puisqu’à la cartographie finale, nous voyons que les « pros » ont contribué à l’essor du bruit autour de cette affaire.

De la même façon, les médias répercutent une affaire qui n’existe que par les gesticulations verbales de certains militants, ce qui leur donne un pouvoir tout à fait grand puisqu’on installe la polémique dans l’agenda médiatique, entraînant toute une série de récupérations et réactions politiques qui seront également relayées par la presse, et ainsi de suite. Cela constitue la preuve ultime que nous n’en avons pas fini avec ce genre de cas, puisqu’il n’y a aucune faille dans ce système qui crée une « loop médiatique » dont on ne sort jamais, jusqu’à ce que cela lasse et que les médias passent au futur événement qui a « buzzé » sur les réseaux sociaux.

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COMMENTS

  • <cite class="fn">Jean</cite>

    Rien de bien nouveau dans cet article si ce n’est les jolis graphiques.Il s’agit d’un mode d’action et de militantisme que l’on retrouve dans la « vrai vie »: manifestations, boycott, actions coup de poings qui sont visibles et pas forcément représentatifs de l’opinion publique.

    Pour donner du corps à son propos l’auteur s’appuie sur une technique à l’allure scientifique mais si l’on regarde de plus près il y’a quelques éléments facheux: sur le podium des pays ayant le plus participé au débat figurent les USA et la Belgique et non le Maroc et Israël (même si ça fait moins vendeur) ensuite l’étude considère comme résidant en France uniquement ceux qui l’indiquent dans leur biographie…mais bon l’auteur précise que  » la plupart des gens qui ne la mentionnent pas sont de petits comptes, voire des bots ». Outre l’affirmation tirée du chapeau gageure du sérieux de cette étude j’apprécie l’utilisation de l’expression révélatrice « petit compte ». Finalement avec ces nouveaux modes de communication même monsieur tout le monde, même le petit compte peut avoir une tribune (comme je suis entrain d’avoir la mienne 🙂 ) sans avoir ses entrées dans les médias classiques et au fond c’est peut-être ce qui dérange. Quid de la représentativité des « experts » et journalistes qui n’hésitent désormais plus à s’impliquer dans de tels débats?

    En revanche l’article parvient bien à démontrer l’importance des militants dans cet événement mais de la à en déduire que cette affaire  » n’existe que par les gesticulations verbales de certains militants »…
    Pour finir et nuancer il s’agit tout de même du principe de Twitter que lorsque vous commentez ou retweetez une information votre « communauté » (plus à même de partager vos idées) la verra et sera susceptible de la commenter à son tour.

  • <cite class="fn">yoananda</cite>

    D’abord, merci, je retire ma critique précédente comme quoi vous ne vous en preniez qu’a la fachosphère.

    mais :
    « faux bad buzz », « une affaire qui n’existe que par les gesticulations verbales de certains militants » : je ne suis pas d’accord, mais, admettons : que serait un « vrai » bad buzz dans ce cas ? comment vous le différenciez du faux ? est-ce que le pékin moyen, s’il n’a pas accès à vos outils d’analyse peut les différencier ?

    comme pour l’affaire de Reims, vous évitez tout de même soigneusement d’aborder le fond : à la rigueur, pourquoi pas puisque vous dites qu’il n’y a pas de vrai fond à ces affaires, mais ce serait bien de le justifier !

    • <cite class="fn">Nicolas Vanderbiest</cite>

      Si on n’a pas les outils, on ne peut pas l’identifier, non.
      Mon but n’est pas d’expliquer qu’il n’y a pas de « vrai fond » mais plutôt d’expliquer que si les médias savaient ce que je viens de monter, ils n’auraient jamais publié l’affaire. Parce qu’au fond, c’est une action de militantisme et pas une manifestation citoyenne générale représentative de la population française.

  • <cite class="fn">Jordi GRAU</cite>

    Bonjour M. Vanderbiest.

    J’ai eu vent de votre étude ce matin, en allant sur le site de France Culture. Voici les deux commentaires que j’ai envoyés :

    Premier commentaire :

    « Bonjour.

    Etant habitué à lire des infos de qualité sur le site de France Culture, je dois dire que je suis vraiment déçu ! La polémique autour de l’opération « Tel-Aviv sur Seine » n’est pas née simplement de quelques tweeteurs. Rappelons tout
    de même qu’une opposition à cette opération s’est manifestée au sein même du conseil municipal de Paris, comme en témoignent les déclarations publiques de Mme Simonnet. Cf. à ce sujet cet article du Figaro (mais on peut choisir
    n’importe quel organe de presse pour trouver des échos de ces déclarations) :

    http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2015/08/10/97001-20150810FILWWW00057-tel-aviv-sur-seine-simonnet-reitere-sa-demande.php

    Ensuite, la propagande n’est pas seulement du côté des « pro-Palestiniens ». La journée Tel-Aviv sur Seine est elle-même une opération de propagande. Rappelons que Tel-Aviv est la seule capitale d’Israël internationalement reconnue. Rappelons qu’elle est à ce titre un symbole d’Israël. Rappelons que l’opération Tel-Aviv sur Seine est soutenue par le gouvernement israélien et par des associations soutenant ce gouvernement comme le CRIF ou la très extrémiste Ligue de Défense Juive (dont la branche israélienne a été interdite tellement elle est jugée dangereuse en Israël). Enfin, rappelons que cela fait à peine plus d’un an qu’une offensive a été menée par Israël contre Gaza. Bilan, d’après un article du Monde rendant compte du travail d’une commission de l’ONU : »2 251 Palestiniens ont été tués,
    dont 1 462 civils et 551 enfants. Côté israélien, 67 soldats et 6 civils ont perdu la vie. »

    Pour plus de détails, cf. entre autres cette tribune parue dans Libération :

    http://www.liberation.fr/debats/2015/08/11/tel-aviv-sur-seine-la-mort-a-la-plage_1362047

    Cf. aussi l’article du Monde cité plus haut :

    http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/06/22/l-onu-parle-de-possibles-crimes-de-guerre-par-israel-et-les-palestiniens-a-gaza-en-2014_4659311_3218.html

    Cordialement, malgré mon énervement,

    Jordi Grau »

    Deuxième commentaire :

    « Encore trois remarques (même si j’ai peur que ce commentaire ne soit pas publié,celui que j’ai posté il y a trois heures
    n’apparaissant toujours pas).

    – Les gens qui s’indignent de l’opération Tel-Aviv Plage ne sont pas forcément « pro-palestiniens ». Peut-être sont-ils tout simplement pour un règlement juste et durable du conflit israélo-palestinien. S’insurger contre les crimes d’un gouvernement (israélien) ne veut pas dire qu’on est systématiquement du côté des adversaires de ce gouvernement.
    – Le fait qu’une polémique, au départ, soit déclenchée par une petite minorité ne signifie pas que celle-ci soit sans
    objet. Cela signifie peut-être que les plus concernés et les mieux informés sont au départ peu nombreux. Il est probable qu’on pourrait analyser de la même manière les mouvemements de protestation contre la Chine ou d’autres pays dont
    la politique coloniale est contestée.
    – Parler de « bruit » ou de « buzz fabriqué de toutes pièces » est une façon de dévaloriser complètement les arguments des adversaires de l’opération Tel-Aviv Plage. Un bruit, c’est quelque chose qui ne véhicule aucune information pertinente, quelque chose qui vient parasiter les sons intéressants. Quel mépris de la part de M. Vanderbiest, et quelle négligence de la part de France Culture, que de laisser la parole à ce monsieur sans proposer aucune analyse critique ni aucun autre son de cloche ! »

    Cordialement, même si je suis en désaccord avec vos conclusions.

    Jordi Grau

    • <cite class="fn">Vanderbiest Nicolas</cite>

      Bonjour,

      Tout d’abord avez vous lu mon étude complète ? Sur ce site (pas Rue89) ?

      1er commentaire :
      Pour le reste, je ne parle que de Twitter, car les médias se justifient en disant qu’ils publient l’information « parce que ça buzz sur Twitter ». Si cela n’avait pas été le cas, je n’aurais rien dit. Par exemple, ici : http://www.reputatiolab.com/2015/04/ratp-et-les-chretiens-dorient-des-reseaux-sociaux-a-la-recuperation-politique/ , c’est aussi que quelques personnes qui râlent, mais la polémique nait de la récupération politique.

      Pour le reste de tout votre énoncé, c’est une analyse sociologique / politique que vous attendez et que je ne fournis pas, car ce n’est pas mon domaine d’expertise ( ce qui se trouve dans les articles que vous citez en est)

      2ème commentaire :
      – Ils sont pro-palestiniens. C’est indubitable et je le prouve grandement. Je peux vous fournir toutes les preuves.
      – Je ne dis pas qu’elles sont sans objet, je le dis même à la fin de l’interview de France Culture.
      – Le titre « bruit fabriqué de toute pièce » est titré par la journaliste de France Culture. Pas par moi. Quand on spam jusqu’à 48 fois les mêmes messages, j’appelle cela du bruit. Je ne sais pas comment vous l’appelez. Toujours est-il que je comprend votre indignation et votre combat, je ne renie pas le sentiment d’injustice que vous sentez. Je dis juste que ce qu’il y avait sur Twitter, c’est du « bruit » à savoir un nombre de messages sans fond qui montrent des cadavres toutes les 3 secondes.

      En bref : je pense que nous sommes d’accord sur la majorité des choses. Le fait est que je ne suis pas sociologue/historien/politologue/spécialisteduMoyenOrient et que je ne m’intéresse qu’à la production médiatique. Je montre uniquement que derrière ce que les journalistes pensaient être un véritable séisme, se cache en réalité seulement quelques personnes qui vont jusqu’à tweeté 32 à 40 fois, des comptes créés pour l’occasion (qui parfois ne connaissent même pas Twitter et tweetent sans aucun follower et sans savoir qu’il en faut) des sites qui proposent en un clic de tweeter des messages politiques, etc. Rien de plus. Je n’ai aucune vision sur le conflit israélien, je n’y connais d’ailleurs rien du tout.

      • <cite class="fn">Jordi GRAU</cite>

        Cher Monsieur,

        Je vous remercie d’avoir répondu si rapidement. Une de vos objections est tout à fait recevable : il est vrai que le titre choisi n’est pas de vous mais de France Culture.

        Par contre, je maintiens le fait que vous surestimez le rôle joué par Tweeter. Je conteste notamment ce passage de votre article : « Les milieux propalestiniens ont donc habilement joué leur coup en gagnant ce qu’ils étaient venus chercher : du pouvoir. Car maintenant, l’affaire est portée sur le devant de la scène, et les politiques doivent réagir. Ainsi, la conseillère de Paris, Danielle Simonet du Parti de gauche, marque l’essai débuté par Madjid Messaoudene en sortant médiatiquement. » Si je vous ai bien compris, vous dites que Mme Simonet ne serait pas intervenue sans la mobilisation des « pro-Palestiniens » (je n’ai pas le temps de polémiquer avec vous sur ce terme). C’est peut-être exact, mais la manière dont vous le présentez suggère qu’ils ont été impressionnés par le nombre (apparent) de personnes indignés et qu’ils ont décidé de réagir en conséquence. Pourtant, il est permis de penser qu’ils ont surtout réagi à cause de leurs convictions politiques. Ce n’est pas un mystère que le Parti de Gauche et les communistes sont en général très critique à l’égard de la politique isréalienne. Certes, le battage médiatique autour des tweets a joué un rôlé. D’après les élus du Front de Gauche, c’est très tardivement qu’ils ont été mis au courant de l’opération Tel-Aviv Plage :

        http://www.communiste-frontdegauche-paris.org/Reaction-des-elu-es-et-militant-es

        Donc, les tweets leur ont permis de prendre connaissance de la journée Tel-Aviv plage, mais ils n’ont peut-être pas joué un rôle aussi grand que vous le dites.

        Ensuite, je trouve que votre étude pèche un peu par omission. Oui, il y a eu une offensive de quelques militants qui ont tout fait pour faire entendre leur parole (je préfère ce terme à celui de « bruit » qui, je le maintiens, est très péjoratif). Mais cette propagande (et je ne mets ici aucune connotation péjorative à ce terme) me paraît justifiée, dans la mesure où les politiciens restaient muets face à l’événement Tel-Aviv Plage, alors même qu’il est difficile de ne pas y voir une façon de redorer l’image de marque d’Israël en général. Cela a même été admis par Hilda Oren, qui dirige une organisation chargée de promouvoir le tourisme à Tel-Aviv. « Tel-Aviv fait partie d’Israël. Nous sommes fiers d’être israéliens. Simplement, nous utilisons [cette image] intelligemment : dans les endroits où la connexion à Israël nous est favorable, nous utilisons la marque du pays. Et dans les endroits où il peut y avoir une connotation négative, nous utilisons la marque Tel-Aviv pour dépasser le conflit»

        Source : cet article de Mediapart :

        http://www.mediapart.fr/journal/france/120815/tel-aviv-sur-seine-anne-hidalgo-et-les-socialistes-dans-leur-bulle

        Donc, il y a bien une opération de propagande de la part d’Israël, opération à laquelle coopère naïvement ou complaisamment la mairie de Paris. Les tweets « pro-israéliens » peuvent donc être vus comme une opération de contre-propagande. De ce point de vue, et contrairement à ce que vous dites dans l’interview que vous avez donnée à France Culture (ou du moins qu’on peut trouver sur le site de cette chaîne), il est parfaitement légitime que la presse ait répercuté cette indignation. Votre étude est intéressante, parce qu’elle permet d’analyser des phénomènes médiatiques, et d’évaluer quantitativement le retentissement d’un événement sur un réseau social et l’amplification du « buzz » par la presse. En revanche, elle ne permet pas de statuer sur la légitimité de la médiatisation de l’indignation des militants. Dans cette affaire, en effet, la quantité ne fait pas tout. Même si une seule voix s’élève pour dénoncer un scandale, il peut se faire qu’elle mérite d’être relayée par les médias. Cette voix est aussi digne d’être entendue que celle des décideurs politiques, surtout si ces derniers sont encore moins nombreux que les militants et qu’ils n’ont pas été élus pour faire ce qu’on leur reproche.

        Pour terminer, je trouve assez étranges deux phrases de votre article : « Sans surprise, le profil des intervenants est très international avec
        une très forte présence d’Israël, du Maroc, de l’Algérie et de la
        Palestine. Dans un débat qui ne devrait concerner que la ville de Paris,
        cela a le don d’être cocasse. » Eh bien non ! Le débat ne concerne pas que la ville de Paris. Si Londres organisait des festivités avec la ville de Pékin ou de Moscou, je me sentirais concerné, en tant qu’être humain et partisan d’un respect des droits universels de l’être humain. Par ailleurs, vous-même intervenez dans le débat médiatique depuis la ville de Louvain, qui n’est même pas une ville française. Personne ne vous en fait le reproche, et heureusement ! Vous me direz que ce n’est pas pareil, que vous intervenez d’une manière scientifique, dénuée d’idéologie…. Ce à quoi je vous répondrai qu’il faudrait être bien naïf ou bien roublard pour croire qu’un article comme le vôtre n’ait aucun impact politique, ou qu’un scientifique puisse être totalement dégagé de ses préjugés idéologiques.

        Cordialement,

        Jordi Grau

        • <cite class="fn">Vanderbiest Nicolas</cite>

          « Elle ne permet pas de statuer sur la légitimité de la médiatisation de l’indignation des militants. » Ah moi je ne pose qu’une question dans l’interview et dans l’article. Dans l’interview je finis par « La question se pose si cela est légitime que cela devienne une question nationale ».
          Je fais mon boulot de chercheur, et je laisse les médias répondre à ma question. Par ailleurs, je statue ceci dans mon texte « Peut-on pour autant blâmer les médias ? Pas vraiment pour ce cas-ci, car même l’adjoint au Maire a du réagir. À vrai dire, c’est davantage le paradoxe réactionnel qui est en cause » où je dis clairement qu’on ne peut pas non plus blâmer les médias.

          Pour la partie sur Mme Simonet, bien entendu qu’elle aurait réagi, mais elle profite du bruit sur Twitter pour émerger.

          Encore une fois, je ne remet pas en cause l’indignation, le sentiment d’injustice que vous avez. Je pose juste la question de : faire du bruit ( pour moi Une parole = un tweet, pas 43 qui sont les mêmes) sur Twitter suffit-il à être légitime pour apparaître dans les médias ?

          Par rapport à la question du côté international, en fait, à partir du moment où l’on dit que cela suscite une controverse sur un événement local, je ne comprends pas pourquoi la voix de personnes étrangères qui sont « intéressés » aurait de l’importance dans le choix de la confirmation ou non de l’étude. Si un événement se verrait annulé parce des Français ont ralé sur Twitter, cela m’embêterait pas mal. ( Maintenant, pour ce cas, il y avait quand même une majorité de Français entendons-nous bien)

          Et si un article comme le mien a bel et bien un impact politique ( je le vois bien, car il circule beaucoup parmi les « pro Israëls ») , je vous assure que je n’ai aucun préjugé sur cette situation. Tout simplement parce que je n’ai aucune opinion sur ce conflit, devenu tellement complexe avec de la propagande des deux côtés. Il n’y a qu’à voir les réactions par rapport à cette étude qui sont hors de proportion. J’ai fait les mêmes études pour alerter sur l’Astroturfing :

          Le FN : http://www.reputatiolab.com/2015/07/laffaire-du-bikini-de-reims-un-astroturfing-du-fn-et-des-medias-a-la-rue/
          Les végétariens : http://www.reputatiolab.com/2015/07/analyse-du-fiasco-de-fleury-michon-et-de-son-pouletquitweete/
          Ou encore montrer comme les catholiques avaient pu compter sur les politiques :
          http://www.reputatiolab.com/2015/04/ratp-et-les-chretiens-dorient-des-reseaux-sociaux-a-la-recuperation-politique/

          Je n’ai jamais eu la moindre remise en question comme je l’ai eu avec cette analyse ici. C’est comme s’il fallait être mis dans une case « Pro ou anti » alors qu’on est juste sans opinion. J’ai une opinion pour la politique de mon pays, je n’en ai pas pour les autres.

          • <cite class="fn">Jordi GRAU</cite>

            Encore une fois, merci d’avoir répondu si vite.

            Comme vous pouvez vous en douter, je ne suis pas entièrement satisfait de votre réponse, mais je pense que notre discussion risque de nous entraîner bien loin et nous retenir très longtemps. Je propose donc de l’arrêter là. Je voudrais seulement vous dire que je ne cherche pas à mettre systématiquement les gens dans une case « pro » ou « anti ». Pour votre article, il m’a semblé qu’il présentait les choses d’une façon biaisée et orientée, mais je ne prétends pas que cela était volontaire de votre part. Quant au fait que cette étude ait davantage suscité de réactions que les autres, cela tient sans doute au fait que le conflit israélo-palestinien suscite énormément d’émotion en Europe, alors même qu’il n’est pas le plus meurtrier de la planète. On peut voir à cela plusieurs causes : le fait que l’histoire d’Israël ne soit pas sans lien avec la Shoah, le fait qu’il s’agisse d’un conflit qui s’enlise depuis des décennies, le fait qu’il y ait pas mal de musulmans en Europe qui se sentent solidaires des Palestiniens, le fait que les juifs israéliens sont souvent de culture européenne, et qu’Israël soit de ce fait perçu comme une sorte de prolongement de l’Europe en Asie, le fait que ce conflit soit perçu comme le dernier avatar du colonialisme européen (même si la politique coloniale israélienne a des traits spécifiques)…. Voilà quelques unes des raisons qui font que ce conflit a une importance symbolique très grande en Europe, alors même qu’il est en apparence mineur, au regard d’autres guerres.

          • <cite class="fn">Nicolas Vanderbiest</cite>

            Bonjour,

            Juste pour information par rapport avec votre article sur Mediapart, le mot « bruit » n’est pas utilisé en raison de ce que vous définissez. En effet, je parle depuis longtemps du mot bruit pour ce qui est sur les réseaux sociaux et qui produit beaucoup de ramdam.

            Exemple ici : http://www.reputatiolab.com/2014/08/vers-sense-making-crises-2-0/ ( l’importance d’aller au-delà du bruit, vous pouvez même le voir en vidéo.)

            Je vous ferais bien un historique de toutes les fois où j’ai utilisé le mot bruit mais je n’ai pas vraiment le temps.

            Par ailleurs, je n’utilise jamais le mot propagande pour « puisqu’elle était en fait une opération de propagande »

            Bref, vous voulez voir en moi des choses qui vous arrange alors qu’il vous aurait suffi de faire votre plaidoyer sur France Culture.

            Bon week-end.

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