Proposer une information produite par les jeunes, pour les jeunes, tel est le concept porté par Hugo Décrypte dont on dit qu’il a réussi le pari incroyable de parler information sérieuse auprès des moins de 30 ans.
Sa popularité croissante sur les réseaux sociaux témoigne d’un changement profond dans la manière de consommer l’information : sur Instagram, Hugo Décrypte rassemble près du double d’abonnés par rapport à Le Monde, souvent considéré comme une institution journalistique en France.
À la tête de ce média, Hugo Travers se distingue par sa capacité à capter l’attention des jeunes publics, notamment grâce à des formats accessibles et directs. Ses entretiens avec des figures de premier plan, qu’il s’agisse du Président de la République ou de personnalités issues du monde artistique comme Billie Eilish, renforcent encore sa légitimité auprès de cette génération connectée. Alors on s’est posé une question très simple : est-ce réellement le cas ? En quoi les audiences sont-elles différentes ?
Le résumé
Une audience jeune, grand public et non partisane
L’audience d’Hugo Décrypte est une masterclass. Elle se paie le luxe d’être structurée avec une segmentation très grand public et marketing (homme / femme) tout en parlant à tous les bords politiques. (Même si cela penche quand même à gauche) Le compte est également le premier le plus suivi par l’audience qui a liké Le Monde. Bref, il ne manque à Hugo Décrypte que l’histoire, le statut d’institution, et une audience qui vieillit pour parler d’égal à égal. (En tout cas sur Instagram)
Le format permet une multiplication des audiences bien plus grande chez Hugo Décrypte que Le Monde.
L’audience du Monde est ainsi bien plus récurrente à travers les publications qu’Hugo Décrypte. Cela fait sens : Le Monde a construit un lectorat fidèle adepte, voire abonné au Média là où Hugo Décrypte obtient des audiences interessées par une actualité par la force du format.
Une absence de pont entre les communautés
Si on prend les personnes qui ont liké Hugo Décrypte et ceux qui ont liké Le Monde et qu’on regarde le pourcentage de correspondance, ils sont 0,5 % en commun. Ce sont totalement deux audiences engagées différentes. (Signalons qu’on a pris que des échantillons dans les engagements vu les volumétries dont on parle) Cependant, ils ont des intérêts similaires : 25 % des comptes suivis par ceux qui ont like le compte du Monde sont également suivis par ceux qui ont liké le compte d’Hugo Décrypte.
Méthodologie sur Instagram
Pour la méthologie, nous avons pris les 15 dernières publications Instagram de Hugo Décrypte et du Monde. Nous avons extraits 1000 likers par publications sur les deux comptes. Nous avons ensuite analyser comment se suivaient ces likers et ce qu’ils suivaient en dehors des deux comptes pour comprendre mieux les audiences.
Les audiences de Hugo Décrypte
L’audience est bien plus diverse avec plus de comptes individuels. L’audience active du compte Hugo Décrypte offre un aperçu des dynamiques culturelles et sociales de la jeunesse francophone. Deux grandes communautés se dessinent et c’est assez fascinant :
- Une communauté féminine autour de la mode, de la musique pop et de la culture audiovisuelle américaine.
- Une communauté masculine attirés par le football, le rap et le basketball.
C’est assez rare mais cela rejoint les segmentations marketing plus traditionnelles que l’on a plus rarement l’occasion de voir lorsqu’on analyse des comptes corporates. Fait notable, seule une figure politique, Jordan Bardella, parvient à transcender ces lignes culturelles pour se positionner dans ce cœur de l’audience.
Car en dehors de ces communautés grands public, on retrouve des fans de politiques (mais très léger avec 8,4% de gauche et 4 % de droite) avec un cluster :
- De gauche : comptes militants écologistes (Greenpeace, L214), LGBT+ (Coin des LGBT+) et féministes (NousToutes) cohabitent avec ceux de figures politiques comme Jean-Luc Mélenchon ou Rima Hassan.
- De droite : des figures telles que Marine Le Pen et Éric Zemmour sont dans la même communauté qu’Emmanuel Macron, ou Gabriel Attal.
Enfin, des communautés de niche complètent cette typologie : les amateurs de J-pop et de K-pop, regroupés dans une sphère homogène où apparaissent néanmoins les comptes de deux députés LFI, Sébastien Delogu et David Guiraud ; les fans de rugby, de cyclisme et de sports automobiles ; ainsi que les gamers et cinéphiles.
En gros, il a réussi à avoir une audience très généraliste et politique. Hugo Décrypte n’est pas que le média des jeunes, c’est le média des réseaux sociaux.
Les audiences du Monde
L’audience du Monde, quant à elle, comporte des jeunes mais de manière beaucoup moins marquée que ce qu’on verra pour Hugo décrypte. On se rend compte par le grand nombre d’institutions suivies que les audiences suivent Le Monde comme telle. L’audience est assez culturelle, assez parisienne est très typée de centre-gauche. Au final, rien ne trouble à part un fait…. Hugo Décrypte est très suivi par les abonnés du Monde : c’est le premier compte en dehors du Monde. Hugo Décrypte parle donc à cette audience, même si celle-ci n’a pas liké ses publications. Et pour cause : lorsqu’on regarde l’ensemble des comptes suivis par les likers des deux comptes :
25 % des comptes sont semblables. Il y a donc des espaces semblables même si 0,5 % seulement ont liké à la fois Le Monde et Hugo Décrypte. Des intérêts communs, mais pas forcement une audience similaire !
La boucle est donc bouclée : le compte et les formats d’Hugo Décrypte touche la jeunesse comme ils touchent les audiences traditionnelles des médias. Il ne lui manque que la réputation, le long terme, et le statut d’institution.
Une étude réalisée par Cyril Dugenet et Nicolas Vanderbiest
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