Y-a-t-il des silences que la grande muette ne peut plus tenir ? C’est en tout cas ce que pense la capitaine de l’armée de terre et députée, Laetitia Saint-Paul qui tente de faire monter la problématique MeToo au sein de l’armée et de la défense.
Une problématique qui doit émerger
Elle tente donc de faire en sort de faire émerger la problématique en la faisant exister en argumentant notamment qu’il est anormal que la cellule Themis n’avait pas reçu la moindre plainte alors que les effectifs de l’armée sont de plusieurs centaines de milliers de personnes. Cela correspond à la première étape du cycle de vie d’une problématique :
Il faut dire qu’un rapide coup d’oeil sur Follaw montre que la problématique n’est pas du tout abordée par les décideurs sur les 4 dernières années :
Et cela parle davantage des viols de soldats français au Congo, de soldats russes en Ukraine, ou du Mali. Loin donc de concerner l’état français. Il en est de même dans les questions parlementaires :
Cela n’a d’ailleurs pas été matérialisé (et c’est assez rare pour le souligner) par une proposition de loi sur le sujet :
Dès lors, est-ce qu’il y a une chance que le mouvement Metoo prenne et emporte la grande muette ?
Les bases de la mobilisation
Reprenons les bases d’un mouvement tel que MeToo et autres. Il faut d’abord un “trigger”,un déclencheur qui va faire en sorte qu’une actualité ou un moment va être avoir de la visibilité. Cet événement sera ensuite très médiatisé. Enfin cet effet médiatique va libérer la parole auprès d’autres personnes qui viendront prolonger le narratif et faire en sorte que la problématique va vivre un très long moment dans l’agenda médiatique.
Avant l’essor médiatique, il y a besoin que la cause dispose d’une base de militance nécessaire à faire en sorte que les informations circulent au sein du premier cercle. Une bulle basé sur l’homophilie (le fait d’aimer la même chose) va donc se créer autour de la problématique avec plusieurs ONGs, associations ou médias spécialisés qui va se regrouper autour d’hashtags, mais également autour de vocabulaires qui seront négociés de manière collégiale.
- Petit à petit des articles vont éclore et permettre d’élargir le premier cercle. Le mouvement devenant très grand, il y aura besoin qu’il y ait du financement.
- Les médias créant un écho médiatique énorme, il y aura une reprise politique. Cette reprise politique donnera encore plus de crédit médiatique au mouvement en élargissant sa couverture.
- Les antagonistes verront alors le mouvement comme une menace. Ils vont dès lors lutter ardemment contre le mouvement, mais ce faisant, ils vont contribuer davantage à la visibilité du mouvement.
- Enfin, la notoriété va s’installer dans la durée. Le souci est que le mouvement sera dès lors tellement grand public qu’il va tenter de se radicaliser ou de se fondre dans la masse.
Tout ca a pour but de faire jouer “l’effet de mode” ou “bandwagon effect”. Il s’agit d’un phénomène selon lequel on serait plus enclin à croire une idée, une opinion ou une croyance si ces dernières sont déjà adoptées par les autres. Cela va, en gros, créer une nouvelle composante sociale qui apparait normal à la majorité des gens parce qu’il a l’air d’être communément admis.
Il est donc très intéressant de voir la première phase, parce que tout repose sur les médias. Le Metoo du cinéma part d’un témoignage qui va ensuite vivre avec des témoignages qui reviennent rappeler le propos. Et ensuite, les césars devient le moment clé et le sommet de la séquence.
Conclusion
Cependant, dans le cas de l’armée, l’histoire racontée ici n’a pour le moment pas permis de créer un débat fort en France dans l’espace public. Il n’a pas créé de seconde prise de parole pour dénoncer des choses similaires et la systémique en place. Il y a donc fort à parier qu’il n’y ait jamais de #metoo des armées, car les composantes nécessaires (Halo médiatique, multiples témoignages, élargissement de la période où la problématique est abordée, etc) ne sont pas réunies pour faire en sorte que la réaction politique soit au rendez-vous.