La continuité de campagne de François Fillon offre une occasion assez belle de plonger dans les bulles informationnelles des militants. Cet article montre que les plus militants ne consomment pas une information de manière homogène : le cadre, le site Web et le décryptage sont tout à fait différents. Petite plongée via Visibrain dans des bulles qui ne sont pas forcément les vitres pour comprendre les positionnements de chacun.
I. Résumé
Chacun son média, chacun son cadrage informationnel
Il y a bel et bien des bulles informationnelles au sein des plus gros militants de chacun des candidats. Libération pour Mélenchon, 24matin pour Macron, Sputnik pour Marine Lepen et Le Figaro pour Fillon. (Silence radio chez Hamon, donc pas d’article…)
Ces domaines ne sont pas juste un branding de journal, mais un cadrage, framing de l’information. Ainsi, nous avons accès aux mêmes faits, mais pas au même cadrage ou décryptage de l’information. Dans le cas de l’extrême droite, l’information n’est pas uniquement “cadrée” ou décryptée autrement, elle est mise en contexte par d’autres informations ou d’autres cadres de pensées. L’information sur les problèmes d’autres candidats qui représentent le système accrédite la pensée plus large que tout cela est une cabale ciblée. (Retrouvez les articles les plus tweetés dans la partie III.)
Ce cadrage se retrouve également dans les expressions et hashtags choisi des différents candidats dont le décryptage est fourni dans la partie III.
Le positionnement des différents militants est également particulièrement identifiable et parfois révélateur des différentes stratégies :
- On n’en fait pas trop du côté des troupes de Macron, on se réjouit juste des pommes qui tombent de l’autre côté du mur.
- Silence radio du côté d’Hamon où les militants regrettent juste le fait que cela occulte sa prise de parole et ses positions.
- Du côté de Mélenchon, on souligne le ridicule de la situation sans prise de parole trop officielle.
- À droite, Le Pen se garde bien de critiquer Fillon du fait de ses déboires judiciaires. On joue dès lors assez adroitement la communication pour profiter de l’aubaine de critiquer le système judiciaire à la solde des socialistes. On abonde donc sur le fond tout en se gardant de critiquer massivement la forme. Histoire qu’on rappelle quand même que Fillon est un adversaire.
- Du côté de chez Fillon, la présence Web est un service après-vente. La conférence de presse servait à éclipser l’information de la mise en examen et donner une clef de lecture globale. Le Web sert à rappeler le côté “chasse à l’homme”.
Du coup, en prenant cette fois=ci l’ensemble des conversations, on obtient une foule polarisée entre les pro=Fillon et Le Pen d’une part, et le reste d’autre part.
II. Méthodologie
Pour mener à bien cet article, j’ai d’abord réalisé une gigantesque cartographie des 10 M de tweets entre janvier 2017 et le 15 février 2017 sur tous les tweets autour de la présidentielle. (Noms des candidats, slogan, pseudo, hashtags génériques, etc.)
Cela m’a permis d’isoler les communautés des différents candidats et m’a permis de dresser une liste des 1000 militants les plus influents (plus de mentions/retweets) dans chaque catégorie. J’ai effectué un filtre sommaire pour enlever les journalistes et médias dans chaque communauté. Ces listes ne sont basées que sur des mentions/retweets. Quelqu’un peut donc faire partie de la communauté Mélenchon sans être Melenchoniste, mais par contre, retweeté très souvent par des pro-Mélenchons. Un des meilleurs exemples est que l’Université Paris 8 se retrouve dans la fachosphère, car elle ne tweete jamais sur la présidentielle, mais qu’elle a été mentionnée par cette communauté en raison d’une actualité avec hamon, dénoncée par l’extrême droite. J’ai toutefois essayé de faire un filtrage manuel sur la plupart de ces cas, mais il peut en rester.
Par ailleurs, dans les top tweets des différentes communautés, un tweet peut apparaître parce qu’il est retweeté par les militants sans que l’auteur de ce tweet ne soit un militant de la catégorie. (particulièrement le cas des Melanchonistes)
Une fois ces communautés mises en panel, j’ai interrogé ce panel via la mention “Fillon durant les dernières 24 heures.
III. Le détail par groupes de militants
Chez Benoit Hamon
Chez Benoit Hamon, c’est le silence complet sur l’affaire Fillon. Les seules mentions du matin sont celles qui font que les propositions de Benoit Hamon paraissent totalement inaudibles compte tenu du bruit ambiant :
Chez Mélenchon
Chez Jean-Luc Mélenchon, les conversations s’ancrent surtout autour du hashtag FillonGate, #Penelopegate et #FillonDegage. Dans les tweets, c’est “l’assassinat politique” et la mise en examen qui émergent tandis que dans le top tweet, ce n’est pas tellement les militants qui ressortent, mais les différentes blagues ou autres casseroles sur Fillon venant de comptes critiques envers celui-ci (et donc pas des militants pro-Mélenchon) qui émergent :
https://twitter.com/nrenard75/status/836872755169673216
https://twitter.com/tropical_boy/status/836903493583716352
Dans les domaines, Libération émerge :
Tandis que dans les top tweets, Fillon est attaqué clairement :
Chez Marine Le Pen
Du côté de chez Marine Lepen, même si #Fillonenprison et #penelopegate se retrouvent en bonne place dans les top hashtags, on voit surtout Macron en bonne place. Le Fillongate ne serait en fait qu’un plan du système (voir expression “objectif du système” dans le top) qui vise à placer Macron devant. Les expressions font davantage émerger une “instrumentalisation de la justice”. Tandis que dans le top tweet, c’est le jeu équilibriste particulièrement intéressant puisque même si sur le fond, ils soutiennent Fillon, candidat attaqué par le “système” et par “l’instrumentalisation de la justice”, ils en attaquent la forme, seul point d’accroche qu’ils ont réussi à faire émerger. Enfin, cette stratégie de communication vient, et c’est assez rare au sein du Front National pour le souligner, du top vers le down, à savoir que ce sont les politiques du FN qui s’expriment et qui émergent des conversations.
Dans les articles, le framing est clair : on cherche à détruite les candidats de la droite alors que les autres ont aussi des casseroles :
Dans les domaines, Sputnik, Dreuz et FrDeSouche en pole position :
Chez Macron
Chez Macron, c’est sa mise en examen qui est surtout mis en exergue. Dans l’ensemble, on la joue cependant très soft. Le but n’est pas tant d’attaquer Fillon, mais de montrer qu’il est un candidat qui justifie le positionnement ni de gauche ni de droite et de renouvellement politique de Macron. Tout au plus, on se frotte les mains pour l’UDI et les élus qui rejoignent Macron.
https://twitter.com/xavier_alberti/status/836903246358851585
https://twitter.com/xavier_alberti/status/836914031088779264
Dans les articles, un ancrage très international (qui tient surtout au fait que les communautés identifiées dans la méthodologie ne sont pas très homogènes et qu’il s’agit clairement du candidat des journaux internationaux) où l’on critique Fillon et on se frotte les mains des nouveaux venus :
Des journaux assez progressistes comme le Temps, Le Monde et autres.
Chez Fillon
Du côté de chez Fillon, on relaie sa prise de parole et affiche le soutien. On en fait appel au rassemble populaire. Mais rien de bien flagrant dans ce top expression et top hashtag, au contraire du top des tweets qui montrent bien que le soutien est là et qu’on dénonce un acharnement judiciaire.
https://twitter.com/zebodag/status/836903106793340933
https://twitter.com/actu_politique3/status/836912941098233856
Les types d’information partagée font éclore le traitement du Figaro, Valeurs Actuelles, BFM et son propre site.
Du côté des articles, il n’y a pas photo sur le “framing” :