Je raffole des crises possédant un hashtag spécifique sur lequel il est facile d’extraire les données pour faire l’analyse. C’est la raison pour laquelle j’ai observé le hashtag #Liberacisme et #Dilcragate. Derrière ceux-ci, les mêmes acteurs, dans une logique de manifestations 2.0 qui produit des effets, puisque les deux affaires ont été largement couvertes par les médias traditionnels. Analyse via Visibrain
I. Libéracisme
L’histoire commence lorsqu’un lecteur de Libération découvre un article appelé “la femme voilée du métro” qu’il juge insultant :
https://twitter.com/Marwan_FX/status/674158482933854209
Presque dans le même temps, la critique est également faite par Sihame Assbague
Cependant le lancement du hashtag semble piloté vu le flux de tweets lancés très rapidement :
Les indignés contactent également des associations susceptibles de prendre position :
En réalité, difficile pour moi de faire une quelconque narration parce que nous avons affaire clairement à une tentative d’astroturfing et de mobilisation 2.0.
Pour preuve, voici le volume sans les retweets :
Un ratio de 5 tweets par utilisateurs. Une fois que je mets les retweets, le montage est le même : 17 700 tweetes par uniquement 4640 utilisateurs.
Je décide donc de me concentrer sur ce qui semble être les leaders du mouvement. Pour Sihame Assbague, on trouve 7 tweets entre 9 et 11 h :
Pour tous les goûts, on retrouve pas moins de 11 tweets sur la même plage horaire :
Mention spéciale à Marwan_FX et ses 41 tweets :
- Pour Alkanz, on comptera au total 17 tweets.
- Pour Widadk, on comptera 17 tweets également.
- OneRadex, seulement 12 tweets.
Tout cela permet de se placer en trending topic :
Avec le trending topic, les bots vont se mettre en marche :
Cela va finalement toucher des gens en dehors de la communauté :
(Bien qu’il semble qu’il ne paie pas 🙂
https://twitter.com/PhilippeBrochen/status/674990503100813313
Et finalement, cela mènera droit jusqu’au médias :
Cette couverture média ouverte par Le Figaro va permettre de toucher tous ces sites : (tableau via Brandwatch)
Et aussi la propagation du hashtag encore plus longue grâce à l’arrivée des communautés de l’extrême droite :
Et communautés “athé”
Au final, le wordcloud de la polémique montre bien le ciblage sur Luc Vaillant et Libération :
Wordcloud Web (Brandwatch)
Wordcloud Twitter (Visibrain)
Le tout prend l’animation suivante :
À noter une énorme présence de compte sans aucun follower ou avec seulement 10 followers.
La part de ces petits comptes est énorme comparé à tous les phénomènes étudiés, notamment durant les études faites sur les comptes et propagandes du FN puisqu’on a pas moins de 37 %.
II. Dilcragate
Le Dilcragate, c’est l’histoire de propos jugé offensif de la part de Gilles Clavreul dont le hashtag commence par une simple reprise d’un tweet :
Le texte qui pose problème est le suivant :
https://www.facebook.com/gilles.clavreul.9/posts/10153764210677418?pnref=story
Pour le reste de l’histoire, on prend les mêmes et on recommence dès le départ :
Les acteurs les plus en vues sont aussi les mêmes :
Seulement cette fois, ils n’ont pas réussi à toucher des communautés externes à les leurs, ce qui fait que cela ne représente que 621 utilisateurs
Et dans les 621, il existe une très grande part de compte créé uniquement pour participer à la manifestation :
La part de ces petits comptes est de 34 %. Difficile de savoir si ces comptes sont des doubles comptes ou des gens qui ont créé des comptes pour l’occasion et parfaitement réel. Toutefois, sur base des historiques, je pense qu’on n’est pas dans le même cas des faux comptes créés par le FN, mais bien dans des gens qui ont simplement un compte Twitter et qui alerté via Facebook ou par Site profitent de leur compte pour manifester également.
La cartographie est exactement la même ou presque sauf qu’on change Libération par Gilles Clavreul :
Le petit groupe isolé autour de Kersiomisa est une contre-offensive :
L’argument développé par la journaliste est le suivant :
“L’enjeu ? Faire céder la République sous les revendications identitaires de l’islam politique. On comprend dès lors la raison du bashing organisé sur les réseaux sociaux (#Dilcragate), vite relayée par nos confrères les plus tolérants envers ce qu’ils considèrent, à tort, comme une lutte légitime et ceux à qui, malgré la littérature considérable sur le sujet, ils continuent d’apporter leur soutien.”
Et attaque Marwan Muhammad :
“Marwan Muhammad twittait aussi sur les «Blancs» le 1er décembre : «#COP21 Des Blancs expliquent aux autres pourquoi il ne faut pas faire comme eux et comment il faut faire pour payer LEURS pots cassés»”
Il ne m’appartient pas de dire qui a raison ou pas, mais encore une fois, l’action sur les réseaux sociaux a bien fonctionné et a permis d’avoir de la mention presse comme le montre Brandwatch :
Et encore une fois, les wordcloud montrent bien la pression sur le protagoniste visé :
Wordcloud Web (Brandwatch)
Wordcloud Twitter (Visibrain)
III. Conclusions
La mécanique
Tout cela commence de la même façon :
1. Création d’un hashtag de ralliement : #dilcragate, #libéracisme.
2. Relai des noeuds de réseau : AlKanz, touslmsgouts, Sihame Assbague, Marwan Muhammad, etc.
3. Multiplication de posts certains allant jusqu’à tweeter 40 fois le hashtag ce qui permet de devenir trending topic
4. Éventuellement, d’autres communautés sont alertées et réagissent
5. La presse réagit nourrissant le hashtag
6. Les groupes d’extrême droite viennent contourner le hashtag pour donner l’antiversion.
La manifestation 2.0 ? On y est
Voici donc la preuve que les manifestations sur Twitter, cela fonctionne et même que cela fonctionne très bien. Il suffit de 600 personnes qui tweetent pour faire entendre une voix et créer une polémique relayée dans les médias. Ces communautés l’ont bien compris puisque l’utilisation de petits comptes est devenue légion. Dans le cas de Libéracisme, l’indignation s’est propagée au-delà des communautés de départ ce qui prouve qu’il y avait manifestement un souci dans la chronique qui a été écrite. À l’opposé, dans le cas du Dilcragate, l’indignation est restée concentrée. Le but de cette analyse n’est pas tant de poser la question de si la couverture médiatique autour de ces polémiques est justifiée ou non, mais de montrer les techniques mobilisées pour se faire entendre. Des personnes tweetant jusqu’à 40 fois. Comme cela a été pointé, il est vrai que dans une manifestation, on crie plusieurs fois le slogan pour se faire entendre et la mécanique est exactement la même.
Toutefois, il me semble indispensable déconstruire la technique pour voir l’envers du décor. C’est ce que je fais sur ce blog pour les Vegans, les féministes, les groupuscules FN, etc. Cela ne pose jamais souci et je n’ai jamais de bashing de la part de ces communautés. Pourtant, ici des communautés pourtant antiracisme, sûrement pour la liberté d’expression se mettent à sortir en meute pour me placer dans une logique politique dans laquelle je ne suis pas, raison pour laquelle vous trouverez Nico_VanderB dans la cartographie et dans le Wordcloud. Le tout pour essayer de montrer une quelconque incompétence :
https://twitter.com/Marwan_FX/status/677213208835395585
https://twitter.com/PDufour651/status/677230107417829376
https://twitter.com/PDufour651/status/677233151626903554
https://twitter.com/PDufour651/status/677241984201924608
Alors je le mets par écrit comme ça je repartagerai l’article à chaque fois que cela sort en meute : je ne fais pas de politique sur ce blog et je ne me mêle pas de toutes les communautés que j’analyse. ( FN, Vegan, féministe, etc.) Je me contente de montrer les techniques de ces communautés pour que leur message soit entendu sur Twitter. Et quand on voit 36 % de comptes créés uniquement pour crier, et des comptes tweetant jusqu’à 3000 fois (pour Tel-Aviv Sur Seine), je trouve cela intéressant de le pointer, ne serait-ce que pour que les gens comprennent la dynamique et puissent juger en connaissant tous les éléments. J’appelle cela de l’astroturfing, non pas dans le sens où il n’y a “rien” derrière ou du vent, mais parce qu’on cherche à faire monter le nombre de tweets pour se montrer plus grand qu’on ne l’est. Tout au plus, je pourrais à l’instar de ce que j’ai fait dans cet article, écrire “manifestation 2.0” et non astroturfing pour que cela soit moins péjoratif. À bons entendeurs, salut.