I. Introduction
A chaque crise surgit le débat: plutôt CP ou FB? Tweet ou dépêche?
Dans un camp, les old school qui, à raison, évoque l’audience des médias traditionnels. De l’autre, la nouvelle génération qui voit peut-être trop les crises selon le prisme des réseaux sociaux, évoquant à tort le fait qu’avec l’apparition du web 2.0 , tout aurait changé.
Personnellement, je ne suis ni l’un ni l’autre. Et pour cause, je trouve le débat inutile. Pourquoi ? Parce que, comme une hésitation entre une boule vanille ou chocolat, je demande simplement une glace avec les deux saveurs dessus.
II. Éléments de théorie
Je vais m’efforcer ici de dresser le tableau à travers une série de minichapitres, qui je l’espère permettra à tout un chacun de ne plus jamais évoquer ce débat stérile.
La chaîne de propagation de l’information
Dans une communication de crise, l’information suit une propagation de l’information à peu près uniforme. Dans le cas de crise très rapide et retentissante , il peut arriver qu’un maillon soit éclipsé ( les blogs par exemple). J’avais schématisé cette propagation comme ceci:
Actuellement, il n’y a plus de crise qui ne soit pas sur les réseaux sociaux en premier lieu. Il peut parfois arriver pour les crises de type “accident” que l’information parvienne en premier lieu par la presse en ligne mais dans une version factuelle sans traitement de l’information.
Pour une communication de crise ( qu’elle soit 2.0 ou non) , communiquer en premier lieu sur les réseaux sociaux est donc logique si l’on suit ce schéma de propagation. De ce fait, on accompagne l’information tout au long de sa propagation afin que la marque y soit présente à chaque étape.
De plus, cela permet d’engager une interaction avec l’ensemble des acteurs ( publics, journalistes, employés, etc.)
Les spécificités des médias
Chaque média a ses spécificités et il faut en tirer le maximum de potentiel. Le faible nombre de caractères de Twitter lui permet de donner des informations non exhaustives et qui collent le plus à l’actualité du moment. ( Numéro spécial mis en place, nombre de victimes pour le moment, position géographique des acteurs importants, prise de parole dans un média, etc.)
Facebook permet d’avoir une ébauche de communiqué de presse qui se concentre réellement sur les consommateurs habituels de l’entreprise. ( ce qu’on peut déjà dire, message direct aux consommateurs)
Je suis avec la plus grande attention les avancées de l’enquête et nous ferons face à nos responsabilités si les résultats de l’enquête en cours devaient démontrer une implication de notre entreprise.
Jacques-Edouard Charret (Quick)
Yammer/L’intranet/ le réseau social d’entreprise ( si mis en place) peut permettre de communiquer à l’ensemble de ses employés. Ainsi, en cas de crise où l’interaction avec les employés est importante ( licenciement, mauvais résultats financiers, changement de politique, changement de direction, etc.) cela peut permettre à l’ensemble des employés de dire leurs avis ce qui permet de cibler sur quoi doit s’axer la communication.
Les médias traditionnels ont une audience très importante. Une prise de parole au 20 h aura toujours plus de poids qu’un tweet même très retweeté.
On le voit donc, en fonction des publics, du format du message, et du but recherché ( interaction, audience, mobilisation) , chaque média est différent et ils peuvent se compléter.
Présence: indication et aiguillage
De mes observations, le flux des commentaires est plus élevé si une marque ne montre pas sa présence. En effet, beaucoup de commentaires sont des appels à réactions. Exemples sympas ici :
Mais il existe de nombreux cas où les messages étaient plus de l’ordre du “ils en mettent du temps à voir la crise chez XXX”.
Bref l’ensemble de ces messages constitue du bruit ambiant qu’il faut éviter pour obtenir les vraies réactions qui constitueront les angles d’attaque de la communication de crise. Ainsi, en montrant sa présence, on indique que l’on est prêt à recevoir du dialogue.
Si l’on reprend les tweets de la SCNF:
On indique directement les hashtags où la marque regardera et réagira. Cela permet de centraliser tous les tweets autour d’un hashtag et d’éviter d’avoir des messages trop difficile à capter via la veille. La présence sur Facebook permet également de dégager un “topic” à la manière des forums pour engager le dialogue. Regardez ce message après l’accident de New York:
On voit ici que l’on parle d’un dernier déraillement, il faudra donc en tenir compte dans le communiqué de presse. Sans présence, ce commentaire ne serait jamais arrivé sur la page Facebook de l’entreprise et une mention à ce fait aurait pu ne pas être présente dans le communiqué de presse.
On remarque également un problème par rapport à une augmentation de prix que l’on retrouve dans les autres commentaires:
Ce point là devra donc faire l’objet d’une communication en phase ” à froid”/de cicatrisation pour montrer clairement pourquoi il y a eu augmentation du prix et comment est matérialisée cette augmentation.
Empathie
Dans toute crise, la première phase est l’empathie. L’entreprise comprend et le signale. Pour ce faire, les réseaux sociaux sont parfaits, car ils permettent de dissocier les événements , les informations et le rationnel des émotions. Qu’importe ce qui se passe, les faits sont graves et nous les comprenons. Le reste , nous en communiquerons en temps et en heure, mais pour le moment, nous nous associons avec vos sentiments.
Les journalistes sont aussi sur les réseaux sociaux
On remarque maintenant que les journalistes quand ils n’ont pas d’information se contentent d'”embed” des tweets pour en faire un pseudo-article. Dans ce contexte, une marque même non suivie sur Twitter ou Facebook le sera obligatoirement dès le moment de la crise venu. Les journalistes viennent ainsi d’eux-mêmes vous chercher.
III. Conclusions
Nous avons vu que:
- Les réseaux sociaux font partie de la propagation de l’information ( essentiellement en début de propagation). Il faut donc se servir des réseaux sociaux en début de crise.
- Chaque média a sa spécificité. il faut donc profiter de ces spécificités (public, forme,options) et non pas diffuser le même contenu sur tous les médias.
- Les réseaux sociaux servent à montrer sa présence, le fait que l’on écoute, et permet d’aiguiller les gens sur un espace ( hashtag, page Facebook, autre.)
- Les réseaux sociaux permettent de dissocier les messages et l’événement des émotions.
Ainsi, selon ces deux conclusions, ceci est une grave erreur:
Disneyland Paris reproduit son communiqué de presse tel quelle sur Twitter. Par cela,
- Il ne comprend pas la spécificité de Twitter (court message) en reproduisant un long message sans queue ni tête. Par ce fait, il se coupe en plus de toute possibilité de retweet.
- Il ne respecte pas la chaîne de propagation de l’information puisqu’il diffuse ces tweets tout à la fin quand la situation est déjà passée sur tous les médias.
- Il ne montre pas de présence puisqu’encore une fois, la situation est déjà traitée
- Il n’utilise aucun hashtag pour aiguiller les conversations.
En gros, tout ceci ne sert absolument à rien.
Pour l’empathie ( bien respecté dans ce cas ci-dessus) le contre-exemple peut être trouvé chez MTA après le déraillement du train à New-York puisque son premier tweet sera:
Il y aura le même message sur Facebook ce qui mènera au premier commentaire que vous avez vu plus haut demandant d’envoyer d’abord ses condoléances.
Le débat communiqué de presse vs réseaux sociaux est donc stérile, car ils sont complémentaires.
N’oublions pas que dans l’intitulé relations publiques, il y a le mot relation: c’est-a-dire échange. Les réseaux sociaux sont donc indispensables dans une procédure de communication de crise.
Je vous propose d’ailleurs un schéma de procédure qui suit le schéma de la propagation de crise. Qu’en pensez-vous ?