Dans ma récente plongée dans les égouts de l’influence, j’ai croisé un acteur qui a des pratiques pas tout à fait commodes qui ne feraient que nous faire rire si ce n’était pas réalisé avec l’argent du bon peuple. L’occasion de prendre un bon bol d’air de bulle shit en plus.
Introduction
Si toi, lecteur, tu ne connais pas le cloud souverain, sache qu’il s’agit d’une vaste opération française pour avoir des serveurs basés en France. Si la démarche semble un peu Montebourgnienne, il faut quand même te dire que les données hébergées aux USA sont l’objet de voyeurisme de la part d’analystes antiterroristes comme l’affaire Prism, révélée par Edward Snowden, l’a prouvé.
Au lendemain de cette affaire, il était donc évident pour les acteurs français qu’il fallait avoir des données hébergées en France (même si techniquement, le projet avait été évoqué avant), pour cesser ces pratiques sur les données françaises.
Seulement, comme d’habitude dans ce genre de cas où tout est fait sur un coin de table, on n’a pas fait les choses de façon sensées. Là où la majorité des gens que l’on se repose sur des acteurs déjà existants ou que l’on crée un seul organisme qui porterait le souverainisme à travers tout l’hexagone, on a préféré créer des organismes de toute pièce et les financer. La démarche est actuellement critiquée avec insistance, car Numergy est détenue par SFR/BULL (enfin, tu sais ce qu’il est arrivé à SFR) et Cloudwatt par Thales et Orange.
75 millions auraient été utilisés afin de créer ces entités. Somme assez rondelette, mais le souverainisme semblait à ce prix. Seulement, les deux organismes étaient attendus au tournant. Et malheureusement pour l’un d’entre eux, les concurrents mécontents de n’avoir eu aucun privilège, ne retiennent pas les coups :
Le Cloud en question est Cloudwatt. Car si Numergy semble sortir la tête de l’eau, notamment en créant un cloud européen (La Cloud Team Alliance), et en augmentant ses performances malgré un faible CA, Cloudwatt semble être dans une situation de fiasco total. Parti sur une structure Openstack (pour ne pas dépendre d’un éditeur) où tout était à faire donc, ils ont pris un retard plus que conséquent. Le DG Patrick Starck va d’ailleurs s’en aller alors qu’un audit aurait été commandé (par eux-mêmes) et le seul élément positif semble que « Près d’un million de visites de plus de 4 minutes sur le site pour s’informer sur le Cloud ».
Il serait donc plus que nécessaire que Cloudwatt réduise les coûts superflus.
Analyse
Tu te demandes alors si MyCommunitymanager.fr n’est pas devenu un site I-tech/Techno. Si j’évoque cet acteur, c’est parce que je suis tombé sur des pratiques qu’on n’attend pas d’un acteur en difficulté.
Twitter : mass following et fake accounts à la pelle
Lorsque j’ai scanné son univers Twitter, pourvu de 4550 followers (en gros, si chacun avait filé 11 euros, on a le CA de Cloudwatt), je suis tombé sur quelque chose :

Si la communauté en bleu est bien celle du cloud et du numérique (Fcharles, Idc France et Thierry Lefort en nœud de réseau), je suis, par contre, tout à fait sceptique par rapport à la communauté rouge et verte.
Dans la verte, je vois beaucoup de nœuds qui ont des faibles connexions avec le reste du réseau, et pour cause :

11 % semblent suspicieux. 5 % inactif. Dans mon article sur la plongée dans les égouts de l’influence, j’ai remarqué que ces chiffres étaient sous-estimés.
Ce sont des comptes comme ceux-ci :

Quelle originalité au passage dans le choix des pseudos (Claude Watt)
Sur l’ensemble des followers de Cloudwatt, ce sont pas moins de 688 comptes qui n’ont absolument aucune description dans leur profil. Ce sont 1034 comptes avec moins de 100 tweets. Je n’ai malheureusement pas eu les dates de derniers tweets, mais on doit avoir au-delà des 50 % d’inactifs.
La suspicion de faux comptes est grande, mais une chose est, elle, sûre, Cloudwatt fait du mass following pour faire grandir son nombre d’abonnés. Ainsi, lorsqu’on regarde de plus près les comptes que Cloudwatt suit, on trouve des perles :

Ce qui n’est certainement pas pour son contenu intéressant à moins que le community manager ne parle parfaitement l’arabe ?

J’ai donc pensé naïvement que l’intéressé avait un intérêt pour le monde arabe, d’autant que j’ai également trouvé les profils suivants :

Mais il se trouve que des profils asiatiques, grecs ou estoniens sont également présents :



Mais il y a des champions du monde du followback dans la liste aussi :

Je pense que j’aurai fini de te convaincre, lecteur. Si tu veux avoir le même nombre de followers de Cloudwatt, j’ai pensé à toi et j’ai mis les plus gros comptes qu’ils ont ici. (Par contre, c’est sous Google Docs, donc les données ne sont pas souveraines..)
P.-S. : Si tu es le community manager de Cloudwatt et que tu sens l’infarctus monté, sache que j’ai pris des screenshoots sous l’URL following de Cloudwatt qui pourront faire office de preuve si tu étais tenté de vite les enlever.
Facebook : open-bar sur les produits
Nous avons donc une société qui a coûté des millions à l’état, qui peine à rassembler plus d’un million de CA, et qui paie des gens à prix d’or pour faire du mass following et choper des comptes bidons pour faire grossir le volume d’impressions. (Peut-être que les « Près d’un million de visites de plus de 4 minutes sur le site pour s’informer sur le Cloud » sont d’Arabie Saoudite, Estonie, ou de Chine !)
Seulement, cela ne s’arrête pas là. Alerté par cette cartographie, j’ai voulu regarder la page Facebook de Cloudwatt. Elle a subitement vécu une grosse augmentation de son nombre de fans. En février, elle disposait de 994 fans. Aujourd’hui on en est à 4140 fans. Comment expliquer qu’un fournisseur de Cloud prenne une telle envergure ? Un premier indice survient lorsque je remarque que la page est passée d’un engagement de 0,28 à 0,04 !
La réponse est survenue très rapidement :


Qui veut ma box ? Je n’arrive pas à la vendre alors autant avoir du fan, qui veut ma box ? Une box à gagner toutes les semaines. De quoi ameuter tous les concouristes du coin, et de gagner des fans à foison !
Conclusions
Alors que la gestion des réseaux sociaux est plus en train de se faire connaître pour ses tarifs bidon en plein Bygmallion :

Que même les Balkanys , toujours au cœur du scandale, payent grassement des recommandations web bidon, il y a définitivement quelque chose de pourri au royaume de France concernant la e-réputation. Il semblerait qu’il y ait un maximum d’argent à se faire aux frais du contribuable : mini sites wordpress à prix d’or, veille e-réputation banale, mass following pour faire monter la courbe, bot Twitter quand il faut une injection rapide, service donné gratuitement en concours, etc.
Il est dommage qu’une entreprise en difficulté utilise de manière aussi pauvre les réseaux sociaux. Là où il s’agit du moment clef pour établir de la relation et du dialogue, on voit l’entreprise adopter des méthodes absolument contre-productives. J’ignore si le travail de community management est réalisé en interne ou par une agence, mais si le travail est réalisé par une agence, il faudrait immédiatement en changer, car les pratiques sont nauséabondes. Une chose est sûre : je suis content que ce ne soient pas mes impôts qui servent à financer ce fiasco communicationnel.