Le champagne, boisson intimement associée aux fêtes de fin d’années dans la tête de millions de français, s’est retrouvé malgré elle au cœur d’une polémique au cours de la semaine du 10 octobre. Tout commence lorsque le journal régional DNA (Dernières Nouvelles d’Alsace) revient sur la liste des produits interdits à la vente sur le maché de la capitale de noël et fait part de la grogne des commerçants à la suite de la découverte que les produits non alsaciens ne seraient pas autorisés. Exit donc le champagne au profit du crémant alsacien.
L’article est partagé sur Twitter par le compte du quotidien régional. Intéressons-nous maintenant au développement de la propagation de l’actualité sur Twitter, et comment la récupération politique de l’extrême droite pour tirer sur les écologistes, a pu faire passer une polémique régionale (Alsace, donc région administrative Grand Est comprenant également la Champagne), dans la sphère nationale en l’espace de quelques heures lors de la soirée du 11 octobre.
Du régional au national grâce à des militants Reconquête ! et Rassemblement National
A 18h, le compte Français de souche reprend l’information en fustigeant la mairie EELV de Strasbourg. Entrainant une forte augmentation de la volumétrie lors de la soirée du 11 octobre. La reprise fait passer la polémique de l’échelle régionale à l’échelle nationale. A partir de ce moment là, nous pouvons observer une mobilisation de nombreux comptes de militants Reconquête !, le parti ayant porté la candidature d’Eric Zemmour à la présidentielle de 2022 ainsi que d’une député RN, Kevin Pfeffer. Les réseaux militants zemmouristes s’activent ainsi que les réseaux du Front National lorsqu’une seconde députée partage l’actualité, donnant lieu à une forte augmentation du nombre de militants RN prenant la parole sur ce sujet.
La force de frappe des militants d’extrême-droite
Ces deux communautés, celle centrée sur Reconquête par sa rapidité d’action, et celle se composant de nombreux compte de militants RN par sa taille, arrivent à imposer par le volume de conversations l’actualité à la presse nationale qui s’en empare à son tour. Des articles vont être publiés par Cnews, Europe1 ainsi que Valeurs actuelles au cours de la matinée du 12 octobre, entrainant une nouvelle hausse des volumes de conversations sur le sujet, et engendrant une mobilisation forte des militants de la droite conservatrice et nationaliste, notamment de militants RN. Par ailleurs, notons la formation de deux communautés spécifiques pour chacun de ces deux partis politiques, montrant une interaction entre réseaux militants plutôt faible compte tenu des proximités idéologiques des deux partis. Le phénomène de mise à l’agenda étant amplifié par le partage des militants RN et de droite conservatrice à la suite de l’activation des réseaux militants zémmouristes.
Une préemption du sujet par les sphères nationalistes et complotistes de Twitter sans lendemain
De l’ensemble des diverses communautés de personnes ayant interagi entre elles et ayant des liens relationnels, uniquement celle constituée des grands médias généralistes et de militants LREM a continué à commenter le sujet suite au 12 octobre, dans des volumes beaucoup plus faibles. Ainsi, ni les militants RN, ni les militants Reconquête ! ont continué leurs conversations sur le sujet, montrant un désintérêt marqué une fois que la polémique a atteint un niveau national. Une étude sur les personnes que suivent les commentateurs de l’affaire montre des personnes très fortement influencés par des médias considérés « de droite » ainsi que par les Politiciens du RN. Le compte d’Eric Zemmour est par ailleurs le plus suivi par les personnes ayant commenté la polémique sur Twitter.
Profil type : militant d’extrême droite n’ayant jamais mis les pieds dans la capitale alsacienne
De plus, une simple étude de la localisation des commentateurs nous permet de nous rendre compte que peu de personnes sont originaires d’Alsace ou du Grand-Est, et qu’un grand nombre d’entre eux n’ont sans doute jamais mis les pieds à Strasbourg. En effet, 11% des personnes ayant affiché publiquement leur ville ou village viennent de la région Grand-est, un chiffre qui tombe à 7% si nous considérons seulement les Alsaciens.
Une polémique sans impact sur les producteurs de champagne ?
Bien qu’au centre des discussions, on peut voir via les followers du compte @Champagne qu’ils n’ont été que très peu touchés par la polémique. Cela démontre que la querelle est essentiellement politique, sans impact sur les premiers impactés par la mesure décidée par la mairie de Strasbourg. De plus, Il apparaît que seulement 20 des personnes suivant le compte @champagne, « page officielle du produit » et 19 personnes seulement suivant le Syndicat Général des vignerons de la Champagne (@svgchampagne) ont pris la parole, montrant une faible mobilisation des acteurs intéressés par l’industrie du champagne.
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