En ce début d’année, le président français François Hollande avait décidé de lancer une offensive de communication. Il désirait rétablir sa communication balbutiante des débuts en menant une offensive de choix. Les événements qui se sont déroulés lui ont offert un moyen de redorer son blason.
Tout d’abord, comment expliquer la chute aux enfer réputation dont il a fait l’objet ? Lui, qui incarnait le changement ; lui, que l’on n’attendait pas ; lui, qui n’en fait qu’à sa tête allant jusqu’à refuser un parapluie tendu par son équipe de communication. Ensuite, il est intéressant de remarquer qu’il n’a pas du tout commis ses principales erreurs lors de la gestion du drame de Charlie Hebdo. Revue des différents événements pour lesquels on est arrivé dans ce gouffre réputationnel et la manière dont il a habilement communiqué durant ce drame.
Le media est aussi important que ce qu’il y a à dire
Je n’ai rien contre les journalistes qui deviennent communicants, mais trop souvent, ceux-ci font une erreur : ils privilégient le contenu au média, parfois à outrance. Claude Serillon en a fait l’expérience. Nous sommes en juin 2013 et pensant que le media n’a aucune importance, le président apparaît sur la chaîne M6 plutôt que sur les chaînes traditionnelles.
Le flop sera terrible : 2,8 millions de téléspectateurs. ( 12,5% de part d’audience) alors que l’émission précédente avait réuni 3,1 millions de téléspectateurs. La leçon : ce n’est pas le scoop qui fait l’audience, c’est également le media dans lequel le scoop est diffusé. M6 est une chaîne peu regardée et à des millions de km d’avoir l’image d’une chaîne “politique”. Résultat, le président passe pour quelqu’un dont la parole n’est pas intéressante : cela détruit son image.
Si ce que tu as a dire n’est pas plus beau que le silence alors tais-toi
L’école de Palo Alto avait comme principe “tout est communication”. Le silence est donc également une communication.
Stratégie préférée de Chirac qui déléguait tous les problèmes à des premiers ministres dont il faisait souvent sauter la tête, le silence n’a pas été beaucoup utilisé par François Hollande car si l’homme se voulait être un président normal en opposition à Sarkozy, il a été selon moi un Hyper Président car il a voulu sauter sur tout ce qui bouge, à l’instar d’un joueur de poker amateur jouant sur toutes les mains. Au lieu de se taire sur Cahuzac, il se mouille; au lieu de laisser la police faire son travail, ou de ne rien proposer à la petite Leonarda, il se fait humilier en direct; au lieu de laisser Michel Sapin parler chômage, il prend un engagement qu’il ne tiendra pas : bref, trop de communication alors que ce sont des cas qui exposent une de ses faiblesses : il ne sait pas décider. Quand on ne décide pas, on ne communique pas. Mieux, on utilise des fusibles pour communiquer à notre place.
Pire, le président enchaînera les conférences de presse pour ne rien dire, fatiguant l’opinion publique avec des mots qui n’ont aucune résonance. Illustration absolue de cet état de fait, la conférence de presse où tout le monde attend qu’ils parlent de sa relation avec Julie Gayet et où il ne dira pas un mot.
Durant le drame de Charlie Hebdo, le président va jouer habilement du silence. Laissant ses ministres communiquer sauf pour les moments solennels, se taisant durant la manifestation et la cérémonie de la synagogue, il a su manier le silence avec habilité. Ce silence présidentiel valait toute communication.
De l’importance de l’image dans la construction de la réputation
Une image vaut mille mots. Un adage qui prend tout son sens avec François Hollande tant celui-ci a laissé tomber l’image. Car quand on a rien à dire d’intéressant, les gens font comme dans les livres barbants ou les articles de journaux : ils regardent les images. Le regard se détourne, et l’on pense désormais à ses petits détails comme ce .fr en trop qui fera rire tout Twitter et polluera les analyses politiques d’après-match.
Si l’on se moquait de l’escabeau de Sarkozy, il avait au moins le mérite de se préoccuper de son image au contraire de François Hollande pour qui les petits détails commencent avec cette cravate dont ses conseillers lui ont dit mille et une fois de la tenir droite :
Lorsque l’AFP se décide de rajouter une couche en produisant un effet Streisand, l’image du président est à nouveau écornée.
Mais le plus gros point noir qui sera donné à son image, c’est lui-même qui le lui inflige :
Cette image fera le tour du monde et la France entière l’a en mémoire. Pour preuve, même son ennemi de toujours, Nicolas Sarkozy, a décidé de jouer sur les codes sémiologiques :
“Moi je n’ai pas besoin de casque”. A partir de cela, plus rien ne nous sera épargné :
A tel point que les journalistes seront parfois manipulateurs à souhait :
Alors que la presse étrangère ne le ratera pas :
Dès lors, chaque image devient une opportunité au bashing infantile puisque même ses lunettes dont tout le monde est désormais habitué ont été sujettes à la polémique.
Même ce présent à l’occasion d’une visite :
Le problème résidant dans le fait qu’il a l’air d’être le seul (comme l’histoire du regard ailleurs) à subir un pareil traitement :
Dans tous ces cas, on a l’impression que François Hollande subit. Une impression que l’on n’a pas du tout ressentie lors du drame de Charlie Hebdo puisque les images qui ont filtré ont été plutôt bonne :
Notamment cette photographie qui est parfaite :
Seule ombre au tableau, la malchance est venue faire déféquer un pigeon sur lui :
Le contexte est aussi important que ce qu’il y a à dire
S’il y a une image que les Français ont en plus de la cravate, c’est bien l’éternelle pluie qui semble le pourchasser où qu’il passe. Alors qu’il se fait attaquer et en pleine tourmente, il a l’idée d'”affronter la pluie”. Sauf que l’image décontextualisée est ridicule et montre qu’après des mois de lutte, François Hollande sombre face à la pluie.
Une image dans un certain contexte peut dire quelque chose. Décontextualisée et dans un Hollande bashing constant, l’image devient ridicule et peut être sujet à toute modification sur le Web. On prend l’image et on la détourne à foison comme l’a fait Le Point avec l’image de la montre :
Un homme politique n’a plus de vie privée
Dans la tourmente, il se tournera vers le refus d’étaler sa vie privée. Hérésie que de penser qu’un président qui prend des risques de sécurités insensés pour rejoindre sa maîtresse relève de la vie privée. Hérésie que de croire que le simple fait de se voiler derrière la vie privée va empêcher tous les autres de parler.
Sans dent, Merci pour ce Moment, multiples photographies volées : le problème est que tout le monde en parle. De son ex-femme au coiffeur de village : tout le monde sauf lui. Du coup, tout est “open-bar”.
A l’instar de ce qui se passe actuellement pour les entreprises, tout est condamné à sortir un jour ou l’autre. Dès lors, mieux vaut cadenasser sa communication en communiquant qu’en ne disant rien. Quant à la vie privée, plus aucun politique n’en aura droit. Cette nouvelle donne étant connue, elle ne doit pas servir de paravent dans un pays tellement macho qu’il faut soit savoir tenir sa femme soit qu’il faut clairement assumer avoir une maîtresse.
Conclusion : l’homme qui voulait être quelqu’un d’autre profitera-t-il d’un nouvel élan ?
François Hollande qui depuis le début a l’air d’être à la recherche d’une ombre. Lui qui déjà en 2012 mettait en scène son hommage à Mitterand :
Le même Mitterand qu’il copie dans la communication de ses voeux de fin d’année; celui qui possédait un chien de la même race que celui que vient de se procurer François Hollande. Là est tout le problème.Dans toutes ses péripéties, il n’est pas François Hollande. Avez-vous remarqué comment il copiait durant l’élection le même phrasé haché exaspérant à souhait de Manuel Valls ? Ce phrasé que je qualifierais de “lag” expressif n’est plus du tout présent aujourd’hui. Preuve selon moi qu’il est ce qu’il pense qu’il doit être.
Si l’on retrouve François Hollande mal à l’aise face à des Français, mal à l’aise dans la rue, mal à l’aise lorsqu’une femme l’interpelle, c’est parce qu’il se demande comment il doit réagir pour faire de la comm’. Cette comm’, on ne la pas ressentie lors du drame de Charlie Hebdo. Signe d’un changement de posture ? Si je ne fais pas partie de ces consultants qui pensent qu’il faille écrire une histoire, se lancer dans un storytelling bancal où l’on se mettrait en scène, force est de constater qu’il est offert à François Hollande une chance de réécrire une histoire pour que le sursaut de popularité ne soit pas qu’un moment éphémère et qu’en lieu et place d’être prisonnier de sa communication, il soit lui-même.
Tant pis pour les analystes en tout genre qui donneront des leçons de comm’. De toute façon, il faut bien qu’ils vendent du papier ou leurs services.