Nous avons vu les différentes périodes des crises 2.0 ou bad buzz de 2004 à 2013. Le but est maintenant de découvrir pour les entreprises ce qui leur attend pour 2013-2014.
J’ai donc tenté de rechercher les signaux faibles qui peuvent nous guider sur la meilleure façon de gèrer les prochaines crises qui arrivent.
Je suis arrivé à 6 constats sur l’état des crises 2.0 actuel que je vais vous énumerer et qui pourra éventuellement répondre à la question principale de cet article. Alors, Crise 2.0 : danger ou opportunité ?
I. Une période de crises faibles
Pour ce faire, il est nécessaire de faire un point sur la situation.
Avant les bad buzz, c’était ceci:
On ne le connaissait pas , on y voyait juste une force destructive et massive qui écrase tout sur son passage. Seulement petit à petit, on a compris le phénomène, on a su comment contenir sa puissance et on est arrivé à plutôt ceci:
Pour preuve, voici la répartition des crises en 2012:
A savoir: aucune crise grave et un nombre de crises niveau 1 absolument énorme.
Pour rappel, les crises de niveau 1 sont des crises éphemères qui n’ont presque aucun impact sur l’entreprise qui la subit. Cela peut même aller jusqu’à être une crise dont le souvenir n’est plus présent dans l’esprit des gens, ceux-ci voguant d’émotion en émotion.
( N’oublions jamais que les gens ne sont pas tous des fans de réseaux sociaux hyperconnectés sur Twitter et qui peuvent réciter des bad buzz à la simple évocation du nom de l’entreprise)
II. La crise comme électrochoc à succès
De nombreuses entreprises ont vécu leur bad buzz comme un électrochoc qui les a menés vers le succès.
Ainsi Dell après le bad buzz qu’elle a subi par Jeff Jarvis est maintenant à la pointe en terme de communauté internet ; Air France après sa crise suite au Séisme au Japon est également maintenant à la pointe; récemment, Nestlé est apparue dans les médias pour promouvoir son DAT, le Digital Acceleration Team, fruit de sa réflexion suite à la crise KitKat. ( v. Mémoire des crises 2.0 pour les descriptifs de ces cas)
Également , Burger King a gagné +30% de followers après son hack. On peut certes se demander si cela apporte des vrais fans intéressés par la marque : mon intuition me dit qu’il restera toujours un pourcentage de gagner.
Bref, beaucoup de cas où la crise a été prise comme une opportunité de faire grandir l’entreprise.
III. Le râleur comme vecteur
Autre constat , il est devenu de plus en plus difficile de faire du Buzz: les bébés, chats et consorts, sont déjà pris ; les flashmob sont démodés : il faut de plus en plus d’ingéniosité ou d’argent ( Red bull) pour arriver à un Buzz abouti. ( Cuisinella ne me contredira pas)
Une idée est alors de prendre les râleurs comme vecteur en partant du constat qu‘il est plus facile de faire râler quelqu’un que de faire aimer un contenu à quelqu’un.
Ryanair
Dans cette catégorie, il y a un véritable champion du monde, c’est O Leary, PDG de Ryanair. Petit récapitulatif:
Vous pouvez même avoir le TOP 15 ici .
Pourtant, aucune de ces mesures n’a été prise, mais il subsiste une SEULE chose : Ryanair , ce n’est pas cher et on fait tout pour ne pas l’être .
Chaque année, j’attends impatiemment le nouvel Olearysme et chaque année les médias tombent dans le panneau. .
Attention, je ne parle pas de l’actualité de Ryanair qui n’est pas du tout dans le même ton et relève d’un ateurisme en terme de communication.
Abercrombie & Fitch
Récemment ,Abercrombie est entré dans la danse avec son :
“Abercrombie & Fitch ne veut pas laisser penser que n’importe qui, une personne pauvre, peut porter ses vêtements. Seules les personnes d’une certaine stature peuvent acheter et porter le nom de la compagnie. Sommes-nous exclusifs ? Complètement “
Le fond, j’en ai déjà un peu parlé ici,mais sur la forme , c’est de la communication qui retransmet la stratégie marketing. On peut discuter à propos de celle-ci ( je l’ai fait dans cet article), mais le fait est là : la phrase assassine retransmet le positionnement de l’entreprise.
Lybrido
Enfin, connaissez-vous le Lybrido ?
Tapez-le sur Google: la revue de presse est incroyable.
Il s’agit d’un viagra féminin pas encore mis sur le marché, mais attention mesdames, car il serait tellement efficace que même ses créateurs en ont peur.
Pire, selon un autre article , il pourrait bouleverser l’ordre social. Mauvaise publicité pour le médicament ? Pas du tout, plan de communication lancé d’une main de maître, car la seule chose que l’on retient est: ” Le Lybrido ? Ca marche !”
IV. La jalousie des concurrents
Lors d’un bad buzz, vous allez être présent sur les blogs, réseaux sociaux et média pendant un temps. Si vous arrivez à prendre la balle au bond, cela vous sera extrêmement bénéfique et cela gêne vos concurrents qui chercheront à profiter de votre appel d’air.
V. La crise spontanée
Autre cas que l’on a pu voir très récemment: les crises spontanées.
Ici, on va créer une crise de A à Z dans le but d’obtenir une visibilité temporaire.
La Redoute
Un pic de tweet atteint en 1 heure, une photo supprimée, mais une version screenshootée HAUTE DÉFINITION qui circule , dans une période pré-solde parfaite et avec une réponse via concours conçu en une semaine.
Jamais cela n’a été déclaré comme crise spontanée, mais cela permet de douter d’autant que la “crise” ( ça me fait presque mal de nommer cela une crise) leur a été bénéfique.
Monteith’s
D’autres marques n’ont pas la même pudibonderie. Ainsi , Monteith’s est une marque de cidre en Australie qui a sciemment mis des brindilles dans ses produits afin de lancer une campagne pour dire ” Désolé les gars, mais nous utilisons des produits naturels”.
Carambar
Ici, le cas de Carambar que je ne vais pas une nouvelle fois raconter puisque je l’ai fait ici
Coca Cola
Récemment aussi , Naoelle a été utilisée par Coca Cola pour sa publicité.
Peut-on réellement croire que Coca , ignorait le degré d’antagonisme profond pour la personne de Naoelle alors que cela faisait plus de 2 mois qu’elle subissait un bashing continuel sur Twitter ? Je pose uniquement la question, car je n’ai pas la réponse.
Stromae
Cas parfait que celui de Stromae qui est arrivé après l’écriture de mon mémoire, mais qui correspond exactement à ce que je disais.
Stromae a feint le fait d’être ivre mort à l’arrêt Louise de Bruxelles. Des vidéos de lui circulaient dans les principaux médias et le débat était à son comble entre les gens qui disaient qu’il avait dérapé à cause de son succès et ses plus fervents fans qui le défendaient.
On retrouve à nouveau la situation suivante (et je vais encore beaucoup utiliser ce graphisme):
Le silence de Stromae a été magnifiquement orchestré et au moment où l’apogée des commentaires survient, Stromae divulgue sa vidéo qui explique tout:
Ca c’est malin, c’est comprendre les mécanismes du 2.0 , et c’est l’explication parfaite de cette bombe nucléaire maîtrisée qui devient une centrale nucléaire.
Vous pensez bien que les fans qui ont protégé l’artiste ont été les premiers à faire partager la vidéo pour dire qu’ils avaient eu raison.
De plus, on prouve ici par A+B les valeurs de la marque Stromae , qui vit ses chansons. Ici ce n’est donc plus seulement une chanson , un clip : c’est une histoire collective que tout le monde a vécue. Nous avons vu ce personnage, nous avons façonné notre propre histoire, notre propre storytelling sur ce qui s’était passé. Par la suite, Stromae nous a livré sa propre interprétation en chanson : tout est dit.
VI. Le nettoyage du web est un échec
Je vais même aller plus loin que ce sous-titre : c’est de la merde.
Non seulement vous niez votre histoire, votre échec, vous souhaitez l’effacer comme si vous ne vouliez pas en prendre compte, mais c’est également contre-productif puisque les traces ne seront jamais complètement effacées.
Le meilleur exemple ? Findus.
Mon but n’est pas de critiquer la gestion de crise de Findus dans son ensemble puisqu’il est impossible de critiquer une gestion de crise si l’on ne dispose pas de tous les éléments.
Par contre, là où je peux dire quelque chose de par l’expérience acquise par mes recherches c’est que la gestion de crise sur le Web de Findus a été catastrophique .
Non-présent sur les réseaux sociaux ( je conseille toujours d’avoir au moins un compte Twitter, même sans pour autant assurer une présence quotidienne) , Findus a été critiquée de toute part sur ceux-ci.
Comme elle n’était pas présente, elle n’a pas pu donner ses informations, sa propre version et a privilégié les médias traditionnels.
Lorsque finalement, elle s’est aventurée sur le Web , cela a été à travers un profond amateurisme : une page Wikipedia de la marque manifestement modifiée par leur soin, un compte Twitter fermé ( on ne saura jamais s’il appartenait ou pas à la marque) , des menaces de procès aux Twittos qui parodiaient la marque. Sur Facebook,ils ont supprimé l’ensemble des commentaires jusqu’à juillet 2012 ce qui a fait que la page Facebook suédoise du groupe a été l’objet de commentaires anglais et français.
Le pire ayant été atteint par le fait qu’elle ait contacté par l’entremise de Reputation Squad des quotidiens pour leur demander d’enlever Findus de tous les titres liés à la crise. Il s’agit de la pire chose de cette longue liste car:
- À la minute où l’on sait que la marque est gérée par une agence de gestion de crise, tout le processus de communication antérieur est brisé, un peu comme si un tour de magie était dévoilé. Toutes les actions de Findus sont dès lors considérées comme de la “comm'” et non plus comme des actions de bonne foi.
- La crise de la viande de cheval était encore dans l’agenda médiatique. Le simple fait de contacter la presse pour supprimer les noms des titres était donc une information en soi de valeur !
- Alors que la marque a été chaotique dans sa communication sur le Web , elle détruit sa posture de victime qu’elle avait adoptée dans sa gestion de crise classique puisqu’elle cherche “à effacer son crime”.
Ce cas est donc l’exemple le plus probant que le nettoyage du web est un échec.
Conclusions
Dès lors que faire de ces traces, soi-disant négatives ?
J’ai pensé à une hypothèse : et si les traces négatives étaient une chance pour les marques ?
- Qu’est-ce qu’il y a plus d’humain que l’erreur, la faute ?
- Qu’est-ce qu’il y a de plus authentique qu’une cicatrice ?
Les grandes marques sont des marques qui ont des valeurs d’humanité et d’authenticité. Coca-Cola est une marque authentique, elle était pionnière dans son domaine, son histoire est riche et longue, elle est faite de crises qu’elle a surpassées; Apple est aussi une marque qui a connu une plongée aux enfers, elle est maintenant l’entreprise par excellence décrite comme « innovante »; Perrier a subi une grave crise qu’elle a traversée, elle est aujourd’hui leader dans son domaine. D’autres marques se positionnent également comme des marques authentiques :
Dove
Dove a lancé ses publicités depuis un certain temps sur “la vraie beauté” , la beauté sans artifice, celle qui est authentique.
Ricard
Ricard est une marque qui a récemment axé sa communication sur les moments vrais. Moments qui sont forcément vécus par des “gens vrais” ( traduisez ” des gens authentiques”)
On peut voir cette authenticité dans les marques de bières, fromages, alcool, etc.
Des marques paient des millions en publicité pour se montrer humaines. BNP Paribas Fortis est l’exemple parfait
BNP Paribas
Je le répète :
- Qu’est-ce qu’il y a plus d’humain que l’erreur, la faute ?
- Qu’est-ce qu’il y a de plus authentique qu’une cicatrice ?
Ici à gauche, j’ai quelque chose de très bien, une œuvre qui date d’il y a hyper longtemps, certes un peu abîmée, mais tout le monde s’en fout: on ne savait même pas qu’elle existait.
Et là ,rénovation, catastrophe.
Nous avons dès lors deux choix:
- On le cache vite, vite cachons le, c’est une honte, une erreur, on va essayer de la réparer.
- Exposons notre faute, notre échec, notre originalité.
On choisit le deuxième choix et là PAF: cela devient une originalité que tout le monde veut voir, des cars de Chinois débarquent, etc.
Dès lors, ne faudrait-il pas considérer la crise comme faisant partie intégrante de la marque?
Les marques que l’on aime que l’on reconnait sont toutes des marques qui ont traversé l’histoire et de nombreuses crises.
Pensons à Coca cola , pensons à la descente aux enfers d’Apple alors que nous avons tous ses produits, pensons à Perrier.
C’est à ça que l’on reconnaît les grandes marques, celles qui ont traversé des crises, mais qui sont toujours là, toujours plus authentiques, toujours plus vivantes.
La marque a ainsi vécu une crise ; elle l’a survécue ; elle est importante ; elle sait gérer une crise ; elle est authentique; elle est humaine ; elle s’excuse; elle agit et continue son chemin à travers l’histoire.