Zara, une chaîne de magasins de vêtements, a lancé une campagne publicitaire intitulée “The Jacket”. Cette campagne, présentant des images choquantes de corps enveloppés dans des linceuls et des scènes de guerre, a suscité l’indignation sur les réseaux sociaux. Beaucoup de gens pensent que la campagne fait allusion aux événements actuels à Gaza et la considèrent comme une apologie du génocide. Cette controverse a déclenché des appels au boycott de la marque.
Le résumé
La courbe de tweet autour de cas ne suit pas une courbe de Gauss. (Une cloche qui monte et redescend aussi vite) C’est généralement observé uniquement dans les cas où il y a des manifestations militantes. Et effectivement, ce sont clairement les mouvements de boycott qui sont à l’oeuvre dans ce cas.
La publicité maladroite de Zara permet d’obtenir une traction médiatique sur un sujet qui peine à stagner dans l’opinion et dans laquelle Al Jazeera et les mouvements pro-palestiniens se sont parfaitement engouffrés.
Le contexte en communication est un facteur clé du permis social de communiquer. En dehors de ce cas, le contexte de production est de plus en plus éloigné du contexte de lecture de la production. Cela crée une distorsion qu’il est important de maitriser.
Une courbe anormale : une crise suit une courbe de Gauss
Sur ce cas, premier truc qui apparait très anormal, mais dans le cas d’une mauvaise campagne ou une mauvaise publicité, une crise numérique suit une courbe de Gauss, à savoir une cloche montante qui atteignant son pic descend après. (Courbe célèbre depuis le Covid)
Dans le cas ici, même en zoomant sur des heures, on est sur une courbe où le 13 décembre a presque autant d’impact que le 9 décembre.
Zara : un mets de choix qui est utile pour parler de Gaza
En réalité, les communautés à l’oeuvre derrière les réactions sur ce cas sont clairement des communautés militantes autour de la Palestine. Il n’y a presqu’aucun citoyen qui parle de cette affaire en dehors de ces sphères. Au niveau francophone, la fronde est menée par AJ Plus, qui a également un intérêt à le réaliser.
En France, en réalité, presque personne ne va interagir de manière sociétale sur ce cas-là, uniquement des médias internationaux et Al-Jazheera. Ce média a d’ailleurs une influence en termes de réelles impressions qui est conséquente par rapport aux autres :
Laurence Haim joue également un rôle, mais pour dire qu’il est vrai que la campagne est ratée :
Cela montre que :
- Le cas Zara est surtout préempté par les acteurs proches du conflit Israelo-Palestinien. En dehors des médias, elle n’a touché personne. Elle n’a pas mobilisé de communautés “neutres”
- Que la publicité a surtout permis de faire monter le sujet de Gaza auprès des médias à travers une marque connue et une image forte. Elle est devenue un cas idéal pour atteindre les médias pour parler d’un fait d’actualité qui peine à mobiliser l’opinion publique, mais aussi de manière générale des campagnes de Boycott qui tentent d’être menées contre les marques qui sont accusées de supporter Israël. (On a d’ailleurs vu une augmentation de la volumétrie de tweet sur les boycott depuis le 9 décembre où arrive le cas)
- Qu’il ne faut pas non plus être pro-palestinien pour se dire que la publicité est de mauvais goût considérant le contexte.
L’importance du contexte
Un élément clé dans ce cas est donc l’importance du contexte. Il est intéressant de se pencher là-dessus pour :
Un élément clé de la licence sociale de communiquer
Dans ma théorie du permis social de communiquer, j’avais indiqué à quel point la légitimité contextuelle était clé. Il est important de penser ses messages à travers le temps. En effet, il y a une différence entre le contexte de production et le moment où les gens consultent ce qu’on a produit. Le monde évolue, le statut aussi, et dès lors un même message peut être interprété de façon différente. Il faut penser donc sa réputation au long terme et anticiper les changements sociétaux. Dans le cas de Zara, c’est juste la question d’une campagne montée avant le conflit qui prend une autre interprétation avec les événements d’aujourd’hui. C’est l’occasion de se pencher sur le rôle du contexte dans la communication et comment le contexte peut poser problème :
Lorsque l’actualité donne un contexte
Les cas les plus évidents sont les cas de crise aérienne dans lequel des publicités peuvent avoir un double sens lorsqu’il y a un crash aérien. Quelques exemples que j’avais glanés à l’époque de la Malaysia Airline :
Reste que le cas le plus incroyable était la publicité pour Gucci publié dans le Monde, le même jour que la photographie de la mort du petit Aylan, ce Syrien mort sur une plage. Tollé général alors que Gucci ne pouvait pas prévoir que sa campagne serait pile au même moment que cet événement
Les traces numériques : quand le contexte disparait
Les traces numériques sont très intéressantes pour analyser le contexte. Elles ont fait émerger une théorie que j’ai appelée la théorie du marqueur temporel à savoir”une trace numérique qui va être captée dans le passé pour être ranimée dans le présent”. Ce faisant, tout le contexte communicationnel de l’émetteur (son âge, son état d’esprit du moment, les normes auxquelles il se réfère au moment de la publication, etc.) dans lequel le message a été produit change au profit du contexte du flux dans lequel celui-ci va être réinvoqué.. Lorsque les individus et les organisations produisent des contenus, ceux-ci sont marqués de leur contexte de production. Cependant, ce contexte peut évoluer pour l’émetteur au moment où la trace est lue par un récepteur.
Prenons l’exemple de jeunes adolescents exerçant le football en plus de leur scolarité. Ceux-ci produisent des traces conformément à leur âge et les normes de leur milieu. Le problème est que quelques années plus tard, ces adolescents peuvent devenir des footballeurs professionnels ou changer d’équipe. C’est la mésaventure qui s’est produite pour Serge Aurier, joueur du Paris-Saint-Germain qui avait tenu des propos qui ont ressurgi au moment de la signature de son contrat professionnel. De même, deux joueurs du PSG ont vu ressurgir des tweets où ils insultaient leur entraîneur actuel au moment où celui-ci était sélectionneur de l’équipe de France. Un autre avait lâché un tweet « que signifie PSG ? Réponse : pas sûr de gagner ».
Bref, le contexte où les gens consultent des informations n’est pas le même que celui où des choses ont été produites. Comme dans notre cas Zara !