La semaine passée se déroulait l’erepday 2014, et je tenais à revenir sur l’événement, magistralement organisé pour cette année, car je trouve que les tweets ne reflétaient que très peu la qualité des interventions de la part des différents intervenants, tandis que les articles sur le sujet ne font que donner un bref compte-rendu. Par ailleurs, à mon sens, le fil rouge proposé par le journaliste de Rue89 était plus l’expression de ce qu’il avait retenu de la journée qu’un véritable fil rouge. (La place de Google et la vie privée n’étant pas du tout abordé par la majorité des intervenants)
Voici ce que j’en ai retenu au niveau des « tendances » :
1. La data Viz
Je pense qu’il s’agissait d’un véritable fil rouge de l’événement. Il ne faut plus seulement obtenir des données, il faut pouvoir les traiter, et surtout les visualiser. À terme, tous les pans de notre métier devront comprendre les ficelles de la visualisation des choses. Jacinthe Busson, avec une expertise certaine et dans une intervention très intéressante, quoiqu’un peu longue et trop ponctuée de vidéos, a clairement montré les bénéfices que l’on peut avoir d’un visuel qui exprime ce que l’on veut dire. L’enjeu n’est donc plus d’avoir un message à communiquer ou une donnée à illustrer, mais de se demander comment on va le faire afin que le récepteur du message comprenne directement ce que l’on veut exprimer. Cette problématique n’est pas en soi nouvelle. La sémiologie, étude des signes, a déjà traité le sujet de façon exhaustive, mais ce domaine n’est que très peu exploité par le monde des communicants. Lorsqu’un individu voit ceci :
Il comprend le message de façon beaucoup plus rapide que ceci :
Parce qu’une image, ou une visualisation vaut mieux qu’un ensemble de mots. Mais pour ce faire, il faut que les individus comprennent l’iconographie utilisée. L’enjeu est là : produire des visualisations de données ou d’informations qui seront comprises plus rapidement que du texte. Car dans un contexte d’infobésité, le vrai enjeu est de pouvoir délivrer son message de la façon la plus rapide et simple possible. Et vous le faites déjà sans vous en rendre compte lorsque vous tweetez un article avec une photo illustrative. Peut-être le faites-vous, car la dernière étude américaine sur l’engagement vous a dit qu’il le fallait, mais en réalité, en tweetant une photographie, vous aidez le récepteur à catégoriser l’information à laquelle il a affaire. Dès lors, il est plus conscient de l’information qu’il aura en cliquant sur le lien que vous proposez. (Il aura d’ailleurs vu davantage l’image que le texte de votre tweet.)
Cette tendance à la visualisation était présente dans toutes les conférences :
- Lorsque SFR affiche sur le bord du terrain des tweets de supporters des bleus, c’est une récupération de données sur un outil, un traitement humain, et une visualisation de celles-ci sur un espace donné.
- Lorsqu’Orange veut identifier les nœuds parmi ses employés afin de savoir quels sont les individus indispensables dans son réseau.
- Lorsque je cherche à voir les communautés en action lors d’une crise.
- Lorsque le modérateur propose les résultats de son enquête, il utilise la data viz plutôt que de nous montrer des chiffres.
- Lorsqu’Activinvision veut visualiser des données, impossible à déchiffrer sans dataviz.
- Lorsque Camille Alloing veut représenter tous les fantasmes de l’e-réputation, il nous a fourni un Word Cloud.
- Lorsque Wam-référencement vient nous faire une conférence sur le SEO Mobile, en réalité ils font une conférence sur comment rendre visible de façon optimale un site web sur un petit appareil nommé Smartphone.
L’enseignement :
L’enjeu pour le communicant 2.0 n’est donc plus seulement de pouvoir écrire correctement, mais de pouvoir retranscrire en une visualisation tout ce qu’il veut dire ou toutes les données qu’il a à transmettre. Est-ce que cela veut dire qu’un nouveau métier avec un profil de designer/sémiologue/graphiste va voir le jour ?
2. Ce qui compte n’est plus le message, mais ce qu’il y a autour
Presque un corollaire du point précédent, mais le point que j’ai exposé et que j’ai retrouvé dans plusieurs présentations, c’est le fait que l’on passe de plus en plus par des artifices pour faire passer un message.
Pour qu’un message fasse son chemin, il faut l’entourer d’un emballage pour que celui-ci soit attrayant. Du coup on peut jouer sur :
– Le détail qui tue :
Un site qui s’affiche pendant 1 seconde dans une pub, ou une simple coquille qui est reprise. L’enjeu sera de plus en plus de gérer le petit détail qui va faire que l’on puisse rendre le message inédit. J’ai d’ailleurs utilisé un petit artifice dans ma présentation, à savoir que j’avais laissé « avril 2014 » dans ma présentation dans le but d’illustrer mon point de vue pour dire que la personne qui s’illustre est celle qui tweet le petit détail d’erreur plus que celui qui va tweeter ce que je dis.
– le Lolcat
Dénoncé au cours de la journée, l’utilisation de lolcat pour avoir de l’engagement n’est qu’une preuve que l’on cherche à utiliser des artifices extérieurs pour susciter de l’interaction. L’enjeu serait donc de produire un lolcat identifié à la marque. C’est finalement un peu ce que fait Oasis avec ses fruits.
– L’inédit, le croustillant
Proposer un service gratuit en cas de victoire des bleus :
Au final, chaque marque aurait pu le faire, et cela n’aurait pas eu le même effet que lorsque Marc Dorcel le fait. Pourquoi ? Parce que c’est croustillant, c’est inédit, c’est du cul et c’est non conventionnel. Lorsque la marque publie ceci :
Elle joue sur les codes du web, et ne montre jamais son produit ou son service. Elle arrive à maquiller ses intérêts pour proposer un contenu « croustillant » qui va toucher sa cible. Si cela se transforme en vente, tant mieux, mais ce n’est pas le but recherché.
– Les fakes :
J’ai donné divers exemples de fausses news, de fausses études, de faux flops, de faux bad buzz qui illustrent parfaitement cette tendance et que j’ai théorisés autour de l’artefact de communication. Ce qui compte n’est même plus la véracité des propos, mais la manière dont on va englober le message pour que celui-ci soit repris par la presse.
L’enseignement :
À terme, le communicant 2.0 ne devra plus simplement délivrer une information, mais trouver comment la maquiller pour qu’elle ne paraisse pas une publicité, pour qu’elle soit intéressante pour les journalistes ou pour son public, ou pour qu’on y cache le détail qui va faire la différence.
3. Le problème n’est, au fond qu’une future opportunité
L’autre tendance d’ l’erepday 2014 est le fait que de plus en plus, les problèmes sont transformés en opportunité et devient une force.
Le cas Marc Dorcel
Marc Dorcel ne peut pas diffuser de message pornographique sur la plupart des médias sociaux, ils ont donc dû opter pour une communication light, non axé sur ses produits et cela devient une force, car la marque devient commune, à savoir que l’on peut suivre la marque sur les réseaux sociaux sans passer pour un pervers pur et dur. L’écho des messages n’en est, au final, que plus fort.
Lorsque son serveur explose suite à l’offre gratuite, plutôt que de crier à la crise, ils ont mis en place un service de mail pour proposer le service une fois que les serveurs seraient rétablis. Résultat : 35 000 personnes inscrites en 3 h.
Le cas Itélé
J’ai posé la question de savoir si le stagiaire d’Itélé (vous savez, celui qui fait des coquilles et fautes grossières partout et qui est devenu tellement branding que même quand BFM TV fait une erreur, on parle du transfert du stagiaire d’Itélé) les faisait « chier » ou au contraire apportait une visibilité. Et le fait est que la chaîne a réussi à en jouer en proposant notamment un tumblr spécial.
De même, lorsque le MH370 s’est écrasé, la boucle de nuit était déjà enclenchée et ils ont donc commenté en direct sur les réseaux sociaux ce qui leur a permis d’avoir un avantage concurrentiel par rapport aux autres chaînes d’information en ligne. Un problème est donc devenu une opportunité.
Le bad buzz
Le mythe du bad buzz dévastateur est aujourd’hui totalement industrialisé. D’un problème, on en a fait une opportunité.
L’enseignement :
La question face à un problème n’est plus « comment vais-je le résoudre ? », mais « comment je peux rebondir de façon positive par rapport à celui-ci ? »
4. On ne peut pas plaire à tout le monde
Enfin le dernier axe, très illustré dans la présentation de Camille Alloing, est le fait que l’on ne peut pas plaire à tout le monde. J’avais déjà abordé ce point dans mon article sur la nécessité de faire une to do not list.
De nos jours, il faut aller au-delà des métrics et des polémiques pour forcer son identité sur les réseaux sociaux. Une marque qui plaît à tout le monde, c’est une marque non différenciante. Seules les grandes marques comme Red Bull, Coca Cola, ou autres peuvent se permettre un tel positionnement. De plus, si l’on part du postulat que toutes les organisations subiront un jour ou l’autre une crise de la part d’une communauté qui défend des intérêts différents à une autre communauté de la marque, il faudra faire ses choix selon son ADN de marque, et ses valeurs.
Dès lors, comment se différencier ?
Tout d’abord, si l’on prend les métrics de tout le monde, on ne fait que du LOL, du boobs et des paillettes. Il faut donc avoir des propres métrics comme l’a très bien rappelé Fréderic Martinet grâce à la présentation de Camille Alloing. C’est d’ailleurs un peu la vision de ce blog, à savoir que je préfère l’engagement par article (nombre de partages/lectures) ou le temps de lecture moyen que le nombre de vues, car même un article à deux sous peut avoir des vues à condition d’avoir un bon SEO et un bon titre.
Il faut également exposer ses propres valeurs, son propre ADN avec son propre tone of voice comme le fait très bien Marc Dorcel. C’est aussi la raison pour laquelle il n’y a pas de recette miracle en gestion de crise, car chaque acteur est différent.
SFR (le mur de tweet au stade de France et les messages aux bleus) et Bigger than fiction (en faisant vivre ses personnages sur les réseaux sociaux) ont également su se différencier en proposant des concepts innovants.
L’enseignement :
Maintenant que les risques de l’internet sont connus, il serait plus que temps que les marques ne soient plus aussi lisses et proposent du relief.
Conclusions
Au final, je vais tenter un exercice de style, à savoir illustrer le cas de l’erepday au travers de certains enseignements :
Si l’Erepday a réussi à s’isoler en tant qu’événement important, c’est aussi grâce à sa différenciation première : il s’agit d’un événement qui se déroule à Mulhouse et non pas à Paris. Cela permet une liberté de ton plus grande (L’exemple de la présence de Marc Dorcel, qui est apparemment blacklisté de pas mal de conférence, est à ce titre criant) et un positionnement clair. L’événement a su partir d’une problématique (moins de personnes parisiennes, trajet, etc.) pour en faire une opportunité.
Elle doit par contre, se démarquer des métrics habituels (nombre de tweets), car cela nuit à l’image qu’elle renvoie aux personnes qui n’étaient pas présentes. En se concentrant sur le qualitatif, elle gagnerait en visibilité positive. Les différents comptes-rendus gagneraient aussi à comprendre qu’un ensemble de chiffres autour des présentations n’apportent que peu de choses aux lecteurs, car ce qui compte n’est pas les messages purs et durs, mais ce qu’il y a autour du message (les implications, les exemples, les situations, etc.)
Ainsi, voir la conférence d’Itélé que j’ai trouvé particulièrement intéressante se résumer à ça :
«
- 180 heures d’images produites chaque jour (3 personnes sur différentes périodes).
- Une chaîne info en direct de 5h à 00h30.
- Un écosystème numérique repris en main en octobre 2012.
- Une conso vidéo en expansion : 1.5 m de VV en 2012 /6 m de VV en 2014.
- Le stagiaire i> TELE : 300/400 abonnés au Tumblr sur lequel sont sélectionnés les meilleures mentions. Jouer avec les internautes en gérant la « crise » avec une réactivité saluée par les internautes. »
ou encore ma présentation résumée à sa simple première slide d’introduction ou je donne des chiffres, cela occulte tout ce qui a été dit et ce qui compte de cet événement. (Mais ça me laisse plus d’exclusivités pour les prochains articles sur ce que j’ai dit à l’erepday !)
Enfin, on voit déjà des infographies (comme celle de Visibrain visualisant les débats) surgir et je suis persuadé que Blueboat en fournira également.
Voici donc pour ce tour d’horizon de ce qui a été dit à l’erepday. J’aurais encore voulu dire que l’organisation avait atteint des sommets cette année, que l’équipe de Blueboat a été accueillante et sympa comme à son habitude, et que j’avais encore pu me rendre compte de la force que certains orateurs ont (Damien Douani qui gère l’espace géographique à sa disposition à merveille ou Frederic Martinet qui s’approprie une présentation en moins de 24h et la gère comme un chef), mais je doute que cela intéresse la moindre personne. Je vais donc terminer en disant que si Erepday 2015 il y a, et que Christophe Thil me fait le plaisir de m’y inviter, je serai de la partie !
Revue de presse : (lien SEO gratos)
Le must read est cependant :