
Pour mon prochain article, je voulais expliquer comment réaliser un audit annuel d’e-réputation. Plutôt que de réaliser un simple article rédigé sur un ticket de tram dans le seul but de fournir à mon blog les termes qui boosteront mon SEO jusqu’au confins de la 1 ère page de Google, je me suis décidé à prendre non pas une marque de friandise, de type Twix ou Mars pour qui l’audit aurait consisté à aller chercher des commentaires négatifs dans les méandres d’un forum féminin, mais plutôt le cas d’une marque pour laquelle les discussions sont très sensibles et où l’apport des réseaux sociaux et surtout de la veille stratégique peut être excessivement précieux. C’est pourquoi j’ai décidé de prendre la marque Areva , aidé par le logiciel de veille sur Twitter Visibrain. La démarche consistera à :
I. Introduction
- Présenter la marque pour ceux qui ne la connaissent pas. Cela permettra également de définir le champ des points sensibles
- Présenter l’historique de ses campagnes et surtout des campagnes lancées par les ONGs contre celle-ci
- Définir les valeurs prônées par la marque Areva
- Définir la présence sociale de la marque Areva
II. Analyse
- Analyser toutes les discussions autour de la marque Areva, en faisant une revue de presse et en définissant les influenceurs ainsi que les termes intéressants pour la mise en place d’une veille.
- Définir les points de tensions à travers l’année et en faire un audit pour définir les points importants.
III. Recommandations
- Établir une liste de recommandations sur base de l’ensemble des constatations faites dans l’audit.
I. Introduction
1. Présentation de la marque
Areva est un groupe industriel français du secteur de l’énergie avec une spécialité envers le nucléaire et le renouvelable.
Son réseau commercial est très étendu puisqu’il s’étend sur 100 pays. Sa présence industrielle s’étend, elle, sur 43 pays

Le secteur du nucléaire est à risque et possède un certain nombre de détracteurs qu’il faudra identifier.
L’étendue de son réseau est tellement grande que l’on pourra certainement voir dans notre veille des tweets en plusieurs langues.
L’entreprise est séparée en 5 business groups :
- Le BG Mine : qui recherche les nouveaux gisements, et qui s’occupe de l’extraction et du traitement du minerai d’uranium. Ces activités sont situées principalement au Canada, Kazakhstan et Niger.
- Le BG Amont : qui s’occupe de la conversion et l’enrichissement de l’uranium, mais aussi de la conception et la fabrication de combustibles Nucléaires pour les deux types de réacteurs : REP (eau pressurisée) et REB (eau bouillante)
- Le BG Réacteurs et services : s’occupe de la conception et de la construction des réacteurs nucléaires.
- Le BG Aval : s’occupe des solutions pour les combustibles usés.
- Le BG énergies renouvelables : s’occupe de toutes les solutions pour produire de l’énergie à moindre coût en CO2.
Tout cela paraît fort bien compliqué pour vous, lecteurs, donc je vais simplifier le tout grâce à un schéma auquel je vais rajouter les risques ou opportunités:

– Il faudra contrôler les différents risques lors de l’audit des tweets de l’année 2013. À première vue, il faudra mettre en place une veille sur les associations des mots Areva et :
- Niger/Kazakhstan/Canada devrait permettre de capter les tweets à risque autour des mines.
- Grève pour suivre les articles et tweets dans l’éventualité où cela se passe.
- Déchets nucléaires : qui est par définition un point sensible.
– Il sera nécessaire de cartographier les ONG qui luttent contre le nucléaire ainsi que ses principaux ambassadeurs
2. Historique des campagnes précédentes
En 2004, Areva avait réalisé le film « Experts en énergie », un film en Pixel Art pour montrer comment elle s’insère dans le monde actuel.
La campagne fut reproduite en 2006.
En 2009, la marque a diffusé des spots de 30 secondes autour d’épreuves de l’athlétisme comme le lancer, la course et les haies. La headline était « L’énergie des athlètes est en vous » et toujours en Pixel Art (http://www.mikrosimage.eu/actualites/campagne-areva-lenergie-des-athletes-est-en-vous/)
En 2010/2011, Areva s’inscrit dans l’histoire à travers un film intitulé ‘L’épopée de l’énergie » qui reprend l’histoire de l’énergie. Rien que l’achat média a coûté 12 millions d’euros alors que le temps de production a été de 10 mois !
À noter que la publicité fut controversée par Corinne Lepage, Thierry Salomon et « Sortir du Nucléaire », car elle occasionnait une confusion volontaire entre le nucléaire et les énergies renouvelables, en plaçant une centrale « dans un paysage naturel sous un ciel clément » ce qui laisse entendre que cette énergie n’a pas d’impact négatif sur l’environnement.
En janvier 2011, le collectif « Sortir du Nucléaire » diffuse même une contre-campagne et la campagne fut stoppée après les incidents à Fukushima.
En 2013, après une longue absence, Areva qui communiquait habituellement via la télévision, le cinéma ou le Web, lance une campagne dans la presse écrite et sur le Web.

La campagne s’axe sur les collaborateurs, l’innovation et l’énergie.
À côté de cela, Areva s’est beaucoup engagée dans le sponsoring sportif. C’est ainsi qu’elle assurera le sponsoring de plusieurs bateaux français à la Coupe de l’America en 2003 renommé « défi arena » et à l’ « Areva Challenge » en 2007. Elle a également été le principal sponsor du club allemand de Nuremberg jusqu’en 2012 où elle s’est concentrée uniquement sur l’athlétisme autour du Meeting Areva et de l’équipe de France. Elle se sert également de jeunes égéries de ce sport comme ambassadeurs. (Comme Jimmy Vicaut, Antoinette Nana Djimou, Romain Barras ou Kévin Mayer)
Enfin, elle sponsorise des compétitions de running comme le semi-marathon de Paris, les 10 kms de L’Équipe, le Marseille-Cassis et le SaintéLyon.
À noter que l’entreprise est active dans la lutte contre l’illettrisme, le sida et le paludisme ainsi que contre le handicap.
Cet historique des campagnes et des investissements publicitaires nous permet de dresser un territoire de marque tel que ses dirigeants l’imaginent idéalement :

Corinne Lepage, Thierry Salomon et « Sortir du Nucléaire » sont déjà des acteurs intéressants à garder à l’œil.
Il faudra voir si les mots-clefs et valeurs sont effectivement présents dans la veille.
3. Historique des actions des ONG
En 2002, à Lorient, Greenpeace a mené une action coup de point en heurtant le bateau de l’équipe française de l’America’s Cup.
En janvier 2011, le collectif « Sortir du Nucléaire » diffuse une contre-campagne au sport de télévision d’Areva.
En 2012, l’ONG Sherpa, dénonce l’exécution partielle des accords concernant le suivi médical des travailleurs dans les mines du Niger.
En juin/juillet 2013, l’ONG Makita aidée du réseau « sortir du nucléaire » lance une pétition contre l’exploitation de mine d’uranium au Canada.
Le vendredi 22 novembre 2013 en pleine négociation avec le Niger, Oxfam et Rotab-Niger dénoncent dans une note une répartition des bénéfices qui serait favorable à Areva aux dépens du Niger, un des pays les plus pauvres
La plupart des actions menées par les ONG sont des actions habituelles pour Areva : la pétition, la bataille de RP dans les journaux, les attaques clandestines. Il faudrait faire attention à ce qu’Areva ne néglige pas les réseaux sociaux qui peuvent être utilisés à tout moment par les ONG comme nous avons pu le voir avec le cas Intermarché.
4. Présence sociale de la marque Areva
La marque est présente sur Facebook, Twitter et YouTube.
Sur Facebook, celle-ci parle de l’actualité de l’entreprise, qu’elle soit financière, technique ou à propos de leurs activités. La stratégie est très peu claire, puisque l’on assiste à des questions comme ci-dessous en même temps que les résultats financiers ou encore des messages par rapport à Fukushima.

Sur Twitter, la stratégie éditoriale est tout aussi éclectique, mais c’est un réseau social où cette stratégie est plus adéquate. Il y a d’ailleurs plus de followers que de fans. Toutefois, il existe plusieurs comptes Twitter : un pour le group en entier, un pour les USA (parfait pour parler en anglais), un pour le Canada (un peu incompréhensible), un pour leur meeting, un Canadien pour leurs activités de mines, et quelques autres pour leurs emplois.
Sur YouTube, beaucoup de vidéos existent tant sur l’actualité de l’entreprise, que sur les explications des différents métiers ou des interviews des cadres de la société. L’ensemble est intelligent et efficace même si cela ne doit pas intéresser grand monde. (Ce qui est confirmé par le nombre d’abonnés qui stagne à 479)
La stratégie est mal adaptée, tant au niveau du contenu éditorial qu’au niveau des publics où l’on passe du coq à l’âne.
La gestion des comptes Twitter est criante sur le fonctionnement de la mise en place de présence sociale puisque l’on voit clairement qu’elle sépare ses comptes Twitter par rapport à ce qu’elle est, et non pas par rapport à ce que ses publics cherchent. Une segmentation pour le public financier, pour le grand public et pour l’actualité de l’entreprise aurait été plus adéquate.
Le tout sur les réseaux sociaux est d’offrir aux publics ce qu’ils veulent avoir, et non pas ce que l’entreprise a à dire.
5. Cartographie des communautés
La cartographie des communautés d’une marque est très utile pour voir comment celles-ci sont réparties. Ainsi, chaque communauté possède son propre centre et donc son propre influenceur. Ce graphique permet de les localiser. Les différentes communautés sont :
En Rouge, la communauté du nucléaire.
En Mauve, la communauté proche d’Areva.
En Bleu foncé, la communauté ouvrière, ingénieur et de l’industrie autour d’Usine Nouvelle, la SCNF et les hautes écoles.
En Vert, la communauté de l’énergie autour de GDF et EDF.
En Jaune, la communauté du dialogue (voire, des opposants) à propos du nucléaire autour des forums du nucléaire.
En Bleu clair, la communauté des énergies renouvelables autour de Siemens Energy
J’ai réalisé une autre carte, cette fois interactive , que j’ai créée spécialement pour l’occasion et que je mets à votre disposition pour vous trouver au niveau du réseau si vous suivez Areva (il y a de fortes chances que vous soyez dans la zone bleue en tant que communicant) ou si vous voulez vous amusez. (Attention, ne faites pas cela sur smartphone et privilégiez Google chrome)
Lorsqu’on fait une recherche via le moteur disponible, nous pouvons voir que les détracteurs d’Areva se trouvent, dans la communauté verte (ou jaune) :

Il suffit ensuite d’aller voir les connexions mutuelles :

On peut également voir les ponts entre deux communautés :

Cette zone jaune est d’ailleurs ultra intéressante, car elle est vraiment celle du dialogue entre la zone rouge (nucléaire) et la zone verte (énergie renouvelable). On y retrouve donc les anti-nucléaires (parfois en vert ou même rouge) , les organismes de contrôles et de gestion des déchets.
Autre chose d’intéressant, identifiez les personnes au centre des réseaux, car ils sont plus pertinents et sont les gatekeepers vers les publics d’Areva. Afin de vous prouver la différence entre gros compte et véritable centre, voici un comparatif entre ceux qui obtiennent le plus de followers et ceux qui ont le plus de centralité :

En quoi est-ce intéressant ? Tout d’abord, vous remarquerez que la plupart des gros comptes sont des comptes inutiles pour Areva, ils ne sont en rien au centre du réseau d’Areva. Si l’exercice est néanmoins, en soi, inutile pour Areva, il est tout autre pour les marques en général. Comment être sûr que ce gros compte à 14 000 followers possède une influence au sein du réseau qui m’intéresse ? Peut-être fait-il simplement du mass following ou a-t-il une armée de bot comme followers ?
De plus, imaginons une information sensible qu’il faut communiquer, mais pas trop ébruiter. Je choisis la communauté spécifique qui m’intéresse , j’y trouve le parfait compromis entre centralité et nombre de followers ( je possède la liste au-delà de ce simple top 17) pour que le message sensible que je veux communiquer le soit sans qu’il parvienne a un nombre conséquent de personnes hors communauté.
Exemple: je veux communiquer sur mes chiffres financiers, mais je ne veux pas que mes followers les plus proches ne soient au courant. Je peux passer par un réseau central au sein de la communauté financière plutôt que par mon propre compte. Pour Areva, on peut imaginer une information sur une pièce servant aux centrales nucléaires défectueuses , je vais préférer un réseau central de couleur rouge pour faire passer l’information plutôt que de donner la même information à tout mon réseau, celui-ci incluant des personnes de la communauté bleu clair qui ne manqueront de signaler encore un accroc dans le nucléaire.
Imaginez également la situation pour d’autres marques avec d’autres communautés où par exemple, des jeunes étudiants seraient représentés. Je pourrais cibler le centre de la communauté étudiante sans que les autres ne soient pollués avec mes messages. Particulièrement utile lorsqu’on a un réseau énormément étendu comme pour certaines marques FMCG.
Exemple: Pour Areva, on pourrait imaginer une information typiquement renouvelable, mais que l’on ne veut pas montrer aux clients qui achètent du nucléaire ou utiliser le réseau jaune pour avoir un avis plutôt perçu comme neutre et de dialogue lorsqu’Areva est prise à parti. La position énoncée par un acteur neutre aura alors plus de poids.
Enfin, imaginez une personne qui prend violemment à partie la marque en lui reprochant quelque chose. S’il est présent dans mes followers, j’identifie son réseau et sa position dans celui-ci ( sa centralité) : je sais directement quelles sont ses préoccupations ( plutôt écologiques, business, nucléaires ou autres) et son importance pour choisir la stratégie à apporter: dialogue, isolement, silence,etc.
Cette cartographie nous a permis de:
- Confirmer que les comptes d’Areva font double fonction.
- S’assurer que les communautés rejoignent les activités de l’entreprise.
- Identifier les canaux intéressants par lesquels communiquer en fonction de l’information à transmettre.
- Avoir une base de données qui nous permet de classer n’importe quel intervenant provenant de nos followers à propos d’Areva.
Voici donc, pour cette première partie, nous avons présenté la marque, identifier son territoire de marque, ses risques et ses communautés. Il faudra maintenant analyser l’année qui s’est écoulée afin de tirer des renseignements complémentaires. Rendez-vous pour cela ici