Une information concernant un comportement, un employé ou le produit d’une entreprise est rendue publique et se propage sur Internet par le biais des internautes. Qu’est-ce qui pousse les internautes à en faire l’écho? Avant de déterminer les incitants des crises, il me semble essentiel de définir la chaîne de l’information. Emmanuel Bloch a identifié les différents maillons de la chaîne: ( Bloch, Emmanuel. Communication de crise et médias sociaux. Paris: Dunod, 2012.54. Print.)
- Les soleils : Ce sont ceux qui produisent, voire reprennent d’autres sources, les informations. Selon Emmanuel Bloch, c’est la forme la plus rare.
- Les centroïdes : Ils sont au cœur du réseau, sont les passeurs d’informations et les facilitateurs. Sans eux, l’information ne serait pas reprise vers la masse.
- Les intermédiaires : ceux qui font le lien entre deux communautés distinctes.
- Les feuilles : ils reprennent l’information sans être repris. Ils sont donc en fin de chaîne.
Case study
Cyroul, un blogueur découvre que l’agence de communication parisienne Fred&Farid fait du mass following (de l’achat de fan) sur Twitter pour Orangina. Il est très rapidement retweeté et atteint des centaines de mentions. Ici nous pouvons dire que Cyroul était le soleil, les centroïdes sont les followers de Cyroul et les feuilles sont ceux qui retweet en fin de chaîne. Enfin, les intermédiaires sont ceux qui ont fait passer l’information entre deux communautés par exemple, dans ce cas, entre les spécialistes de la communication et le grand public.
Cependant, cette catégorisation ne reprend pas ceux qui sont simples spectateurs et pas du tout acteurs. Selon le cabinet de conseil Ozilconseil, ils seraient 20 % à être complètement passifs.[2]
Pourquoi est-ce qu’un événement fait l’objet d’une crise?
Généralement, c’est parce qu’une entreprise / marque enfreint une norme ou une valeur d’un groupe social comme je l’évoquais dans mon article sur la définition de la crise.
J’ai testé cette hypothèse en essayant de dégager un certain nombre de valeurs qui sont susceptibles de provoquer une crise.
Je voudrais, cependant, d’abord classer les réactions de deux façons : la critique et l’indignation.
- Dans le cas de la critique, l’entreprise est critiquée par le public de façon rationnelle sur un de ces comportements ou produits. Cela peut avoir un rapport avec les normes du groupe qui estime que la marque s’est trompée et le lui signale, s’en moque ou fait partager son avis.
- Dans le cas de l’indignation, nous sommes clairement dans le registre de l’émotion. Le public est indigné par l’un des comportements de l’entreprise et lui fait part vigoureusement ou essaie de faire partager son indignation au reste de son groupe. On touche clairement aux valeurs du groupe.
J’ai pu identifier certaines valeurs qui représentent 49 % de l’ensemble des indignations de mon échantillon. Ces valeurs sont les suivantes:
- La justice : la justice ne recouvre ici pas l’aspect légal du terme, mais le sentiment d’injustice. Le public estime que le comportement d’une marque est injuste et décide de jouer les chevaliers blancs pour réparer cette injustice. J’ai pu lire de nombreuses fois des auteurs dire que « le Web avait sa propre justice » et cela semble vrai. Cette valeur représente 20 % des cas d’indignation. Le degré de crise n’est pas très important (1,5/3 de moyenne) et cela s’explique principalement par la brièveté de la crise : une fois que la marque obtempère à la justice du Web, la crise est finie et laisse généralement peu de traces sur la réputation de l’entreprise.
Case Studies : Oasis
Le groupe Lassonde qui possède la marque Oasis attaque en justice une toute petite marque qui porte le nom Oasis. Très vite, le Web se mobilise pour dénoncer l’énorme injustice. On a ici un véritable sentiment de supériorité de l’entreprise.
- L’égalité : le public estime que le comportement d’une entreprise comporte des inégalités envers des minorités. (racisme, féminisme, discrimination envers les handicapés, etc.) Pour le cas du féminisme, je l’ai isolé comme valeur pour voir la part de celle-ci et surtout son influence. Cette valeur représente 15 % des cas d’indignation, féminisme inclus. (5 % pour le féminisme et 10 % pour l’égalité). La grande différence se situe dans le degré de crise où le féminisme n’apporte pas de grosses crises (1/3 de moyenne) alors que celles d’égalité sont plus dangereuses (1,5/3 de moyenne). Cela s’explique principalement par le fait que les crises ayant un rapport avec la valeur de féminisme sont principalement des crises communicationnelles qui sont les moins dangereuses.
Case Studies : Mac Donald
Un handicapé ne pouvait pas voir sans des lunettes spéciales qui lui font avoir un look de Cyber. Un employé de Mac Do lui interdisait ces lunettes spéciales sous prétexte que les appareils photo et caméras sont interdits. Il se fait virer du magasin et se serait fait agresser selon ses dires. Il a ensuite essayé de contacter l’entreprise sans succès ce qui l’a contraint à raconter l’histoire sur son blog.
- L’écologisme : le public estime que l’entreprise a adopté un comportement non écologique. Ces crises représentent 7% des cas d’indignation et sont aussi les plus dangereuses. (1,75/3 de moyenne) Cela s’explique par le fait que ce sont généralement des crises qui ont pour origine une véritable campagne d’une organisation non gouvernementale ou des accidents graves.
Case Studies : Nestlé
Greenpeace mène une véritable campagne contre Nestlé et l’utilisation dans ses chocolats d’huile de palme. Nestlé essaie de censurer la vidéo, mais cela ne fait qu’agrandir le mécontentement. Nestlé finira par abdiquer.
- La nostalgie : le public réagit parce qu’il ne veut pas d’un changement programmé par l’entreprise. Cela représente 5 % des cas d’indignation, mais ne représente qu’un très faible danger pour les entreprises. (1/3 de moyenne)
Case Studies : Malabar
La marque Malabar a voulu changer la mascotte au t-shirt jaune par un chat. Cela a provoqué des élans nostalgiques de la part de beaucoup de personnes.
Enfin, il reste un cas très spécial, le nationalisme. Le seul cas que j’ai rencontré est celui de Starbucks en Argentine, accusé d’impérialisme à la suite de décorations affublant certaines de ses tasses.
Les autres cas d’indignation, qui compte pour 51 % des cas, ne semblent pas provenir d’une valeur commune particulière.
L’indignation intervient pour 72 % des cas et 28 % pour la critique.
La critique est en moyenne plus dangereuse que l’indignation (1,56 contre 1,31 /3) ce qui s’explique par l’aspect émotionnel qu’elle contient. En effet, cela est logique dans la mesure où la critique a des bases beaucoup plus rationnelles ce qui rend la crise plus profonde et plus dure qu’une crise émotionnelle qui fait beaucoup de bruit sur le moment même, mais qui ne crée pas de crise profonde pour l’entreprise.
Voila pour ce qui fait démarrer une crise, ce qui fait qu'un événement provoque une situation massive de contestation.
La semaine prochaine, on reprendra le schéma de la propagation de crise.