Concernant les crises sur les réseaux sociaux, nous avons désormais un phénomène complètement stabilisé pour lequel le nombre de cas est désormais stable, voire en régression, la typologie des crises est également connue, mais il était plus que temps de définir les risques potentiels pour les organisations. Ils sont au nombre de 65 couverts par 5 grandes sections.
Les typologies des crises
Après avoir parcouru les différentes typologies de crise, je me suis lancé dans ma propre typologie des crises.
Pour rappel, nous avions le tableau suivant :
Si l’on prenait la plupart des typologies, nous pouvions obtenir les types de crise suivant.
Vers une typologie des risques
Seulement, cette typologie est bien pour “classer” les tweets et a un intérêt ontologique pour cela. Mais elle n’est pas trop d’utilité lorsqu’on veut l’opérationnaliser.
C’est la raison pour laquelle j’ai jugé utile de développer un deuxième type de typologie, qui est une typologie des risques et narrations possibles.
1. La communication
Le premier grand bloc est bien entendu celui de la communication qui est de loin le bloc le plus important.
Le premier cas est celui de la publicité jugée sexiste avec comme exemple le FOREM qui publie une campagne publicitaire qui va allumer les réseaux sociaux belges.
FOREM
L‘affiche jouait fortement sur les stéréotypes, particulièrement au regard des illustrations pour le sexe opposé. Même si l’angle réseau sociaux était celui qui illustrait les articles sur le sujet, le nombre de tweets est resté assez mesuré et se concentrait autour des médias.
La communication indécente est celle que l’on juge indécent. C’est le cas de Pepsi a lancé une communication dans laquelle un mannequin de couleur blanche, Kendall Jenner, tente de mettre fin à des émeutes violentes à l’aide d’une canette de la marque Pepsi. Dans un contexte de violence policière et en reprenant une image qui avait eu un large écho (manifestation à Bâton Rouge en 2016), le message a été extrêmement mal perçu et a déclenché une vague de tweets contre Pepsi.
Pepsi
La communication non responsable. Pour la fête des Mères, la marque Desigual avait réalisé un clip vidéo en Espagne où un mannequin de la marque simulait un ventre de grossesse à l’aide d’un coussin avant de percer des préservatifs. La publicité finit par une « Bonne fête des Mères ». Ou encore Poweo qui utilisait Chabal dans un dessin animé et qui mettait ses doigts dans une prise électrique.
Employés filmés ou photographiés adoptant un mauvais comportement. En 2019, deux employés de chez Dominos Pizza se filment en train de mettre des crottes de nez sur les différents aliments et upload la vidéo sur YouTube. Les réactions ne se font pas attendre. La marque a su réagir sur Twitter et a offert une réponse par la voix de son PDG.
Dominos Pizza
La communication offensante pour une religion, une culture ou un pays. En 2016, Adidas va commettre une des plus grosses boulettes de l’année en n’arrivant pas à écrire Colombie correctement dans une de ses publicités. Au lieu d’écrire Colombia, il a écrit Columbia.
Adidas
Rapidement attaqué sur les réseaux sociaux, Adidas répondra :
« Nous estimons notre partenariat avec la Fédération Colombienne de Football et nous excusons pour notre erreur. Nous avons retiré ces visuels et installerons très vite de nouvelles affiches ».
Même scénario pour McDonald’s qui avait commis une immense boulette au Mexique. En cause, le fait que la marque américaine attaque un monument national : les Tamales en disant « qu’ils appartenaient au passé ». Les internautes mexicains n’ont pas du tout apprécié et la marque a du s’excuser.
McDonald’s au Mexique
Le détail dans une communication. Comme ce fut le cas pour Kookai qui avait décidé de voguer autour du thème de l’enfer. Pour ce faire, elle a lancé une campagne avec des signes catholiques dont un, le sacré coeur de Jesus (un coeur accompagné d’épine) qui symbolise l’amour de Jesus a créé scandale auprès des catholiques.
Kookaï
La communication jugée raciste. Dans le métro parisien, Manix a diffusé une publicité mettant en scène une femme de couleur blanche avec un homme de couleur noire.
Manix
La communication mal synchronisée avec l’actualité. C’est une fâcheuse coïncidence qui va mettre Gucci dans la tourmente. En effet, alors que Le Monde publie la photographie du petit Aylan, cet enfant réfugié syrien mort sur la plage, se trouve non loin de là une publicité pour Gucci utilisant également une plage.
C’est Le Monde qui s’est retrouvé très gêné de cette collusion non voulue par la marque Gucci.
Gucci dans le journal Le Monde
Les autres cas sont : Communication abusive (faux blogs, faux followers, faux arguments, mauvais format, abusif) – Communication détournée – Communication provocantes – Propos facheux d’un dirigeant, CEO ou héritier de groupe – Communication paternaliste – Communication jugée ridicule – Communication maladroite – Problématique avec une égérie – Community manager qui a une défaillance technique – Sondage problématique – Communication jugée problématique avec les handicaps – Communication homophobe – Chronique ou reportage problématique – Communication politique.
2. Les pratiques
Deuxième gros bloc, celui des pratiques des organisations qui posent question.
La chose la plus courante sont les pratiques non responsables. Un café à Louvain va faire l’objet d’une polémique après qu’un tweet d’une de ses clientes montrant une rubrique “réchauffement du bibéron” ne soit rendu public.
Cette pratique a été décriée vivement sur Twitter et l’écho atteindra la plupart des médias.
L’effet Streisand. L’effet Streisand est un phénomène médiatique au cours duquel la volonté d’empêcher la divulgation d’informations que l’on aimerait garder cachées – qu’il s’agisse de simples rumeurs ou de faits vérifiés – déclenche le résultat inverse.
La marque de bière “Kwak” attaque en justice la bière wallonne “Corne du bois des pendus“, lui reprochant des similarités au niveau du design des verres. Les propriétaires de la bière wallonne vont alors se tourner vers les médias pour faire un appel au don, car ils ne savent plus assurer les coûts juridiques. Les similarités n’étant pas évidentes, un bad buzz commence où des commentaires très négatifs sont postés sur la page Facebook de la marque.
Mauvais traitement d’une personne faible. Le cas typique du mauvais traitement de SDF, handicapé ou autres. Par exemple, lorsque la marque de supermarché belge Delhaize avait déployé un dispositif anti-sdf.
Promotion de la maigreur. Plusieurs personnes sur Twitter ont posté une photographie d’un mannequin l’enseigne de lingerie La Perla à New York jugé beaucoup trop maigre. L’affaire a rapidement été reprise par plusieurs médias ce qui a poussé la marque à faire retirer les mannequins de tous leurs magasins.
Problématique SAV. Une consommatrice se plaint du service après-vente de la FNAC à travers ce post.
Très vite et bizarrement, une visibilité s’installe un peu partout, et cela circule très bien sur Internet et récolte un nombre de like assez conséquent (+ 15.000 likes)
Message sur la page Facebook de la FNAC
Comportement sexiste. Comme cette entreprise qui nous avait fait découvrir la notion du plafond de verre pour les organisations.
Les autres cas sont : Exploitation RH – Hygiène – Plagiat – Pratiques abusives – Licenciement – Produits encore consommables jetés – Moqueries sur des clients révélées – Critère d’embauche problématique – Comportements homophobes – Emploi d’une personne jugée problématique.
3. Les produits
Le 3e bloc concerne les problématiques par rapport aux produits.
Les vêtements choquants. Des costumes “d’enfants déportés” ont été mis en ligne sur le site Rue du Commerce ce qui a immédiatement provoqué l’indignation et l’émotion des internautes.
Rue du Commerce
Un produit est défectueux. L’entreprise Kryptonite, spécialisée dans la fabrication d’antivols pour bicyclette fait face aux plaintes d’un client qui ouvre par hasard son antivol à l’aide d’un stylo.
Ce client avait vainement tenté d’alerter l’entreprise qui était restée sans réponse. Excédé, il finit par poster la vidéo sur YouTube. Kryptonite doit dès lors rappeler tous ses produits et fait faillite quelques mois plus tard.
Kryptonite
Un produit ou packaging est jugé raciste. La marque Mango a publié sur son site internet des bijoux de style “esclave”. Il s’agirait d’une erreur de traduction car “esclava” veut dire soit “esclave” soit “chaînette“.
Mango
Un produit ou packaging est jugé indécent. Pour la fin d’année, malaise en Allemagne où l’enseigne de hard discount Aldi propose des feux d’artifice “Paris“. Twitter va rapidement s’activer et de nombreux médias allemand vont faire part de leur effarement. La marque partagera sa surprise face à ce torrent de commentaires, expliquant que les feux d’artifice étaient vendus depuis février, soit bien avant les attentats.
Aldi
Les autres cas sont : Produit genré – Raillerie sur le prix d’un produit – Bug de promotion
4. Eléments extérieurs
Ce 4e bloc représente les éléments extérieurs qui font en sorte que l’organisation rencontre une crise numérique.
Une campagne menée par une ONG. Greenpeace mène une véritable campagne contre Nestlé et l’utilisation dans ses chocolats d’huile de palme. Nestlé essaie de censurer la vidéo, mais cela ne fait qu’agrandir le mécontentement. Nestlé finira par abdiquer.
Parodie d’une publicité Kit-Kat
Algorithme non préparé à une situation anormale. Lors du séisme qui a eu lieu au Japon, des Français se trouvant là-bas ont exprimé leur désir de revenir en urgence en France à Air France en les interpellant sur Twitter et Facebook. Malgré cette interpellation, les prix des billets n’ont pas diminué, ils étaient même supérieurs à leurs concurrents. La marque ne répondait pas non plus sur les différents réseaux sociaux, car cela a eu lieu un dimanche.
Problème technique. Un tweet sur internet fait état de la vente d’une bible sous le genre « fiction ». Il n’en fallait pas moins pour susciter la polémique au vu de la culture très religieuse des USA. La marque s’est excusée et a plaidé l’erreur d’étiquette qui ne concerne qu’une partie des lots. Elle s’engage à les retirer pour réétiquetage.
Les autres cas : Comportement d’un individu extérieur attribué à l’organisation – Accident industriel – Fournisseurs avec mauvaises pratiques – Panne – Enfant mort – Crise sectorielle – Attaque de robots – Disinformation
5. Changement ou engagement
Ce dernier bloc se déroule lorsqu’un changement ou engagement d’une organisation suscite une crise numérique.
Changement nom, mascotte ou de logo. Malabar décide d’envoyer à la retraite sa mascotte au t-shirt jaune pour la remplacer par un chat de gouttière. Très vite, la nostalgie des internautes fait survenir une crise qui fait reculer la marque.
Engagements non tenus. Monopoly organise un concours de vote pour décider les villes qui seront présentes sur le plateau de jeu. Malgré la victoire de Montcuq, Monopoly refuse d’ajouter celle-ci.
Virage de business. Pour ne pas augmenter le prix de son chocolat, Toblerone a fait le choix de diminuer la part de chocolat. Cette diminution fut raillée sur les réseaux sociaux avec plus de 400 000 tweets.
Problème latent. Le problème latent est un problème durable qui n’a pas été réglé à travers le temps, mais qui finit par exploser.
Conclusion
Cela permet de faire la répartition des différentes typologies. Avec ces 65 risques possibles, nous avons fait le tour de toutes les possibilités imaginables.
Cependant, il ne faudra jamais oublier que des cas non prévisibles et inimaginable peuvent toujours survenir.
En effet, on remarque l’éclosion du faux dans les cas de crises numériques. Ainsi, Vinci avait eu un faux communiqué de presse, et FisherPrice avait eu un faux jouet circulant sur les réseaux sociaux.
Cela rappelle que les vraies crises sont celles qui ne sont pas prévisibles, pas imaginable, et non prévues !
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