Jamais jusqu’alors je n’avais analysé un jour d’élection sur les réseaux sociaux. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de mener l’investigation en analysant les deux tours des régionales sur Twitter. Plusieurs constats émergent de celle-ci comme l’absence de communauté PS, la fuite du FN et l’apparition soudaine des Républicains au deuxième tour, et surtout l’omniprésence de Marine Le Pen dans tous les classements de mentions et d’expression. Analyse !
Méthodologie
J’ ai utilisé la plateforme de veille pour Twitter, Visibrain et récolté les mots suivants : régionales, régionales, régionales2015, regionales2015, regionales15, régionales1, élection régionale , élection régionale, élection régional, régionales 2015, régionales 2015, région 2015, région 2015, electionsrégionales, électionsregionales, electionsregionales, électionsrégionales2015, electionsrégionales2015, electionsregionales2015, électionsregionales2015, reg2015 lang:fr, rég2015 et territoriales2015
Le tout prend la forme de deux courbes de gauss :
Cela fait donc 1,8 million de tweets réalisés par 436,974 de la population, soit 0,87 % de la population française sachant qu’il y a des non-Français et des comptes institutionnels. Pour la facilité de traitement des données séparons les phénomènes en deux périodes distinctes.
I. Le premier tour
Remarquons que les chiffres s’affolent pour 20h, heure à laquelle les résultats tombent pour baisser graduellement dans le temps. Le volume de tweets et de personnes touchées sera clairement supérieur au deuxième tour.
a) Analyse sémantique
Les hashtags les plus utilisés sont évidemment ceux que nous avons introduits dans nos requêtes, mais le hashtag FN est très utilisé capitalisant près de 5 % de l’ensemble des tweets ! On remarque la présence de #honte et #amalgame qui ne seront plus présents au second tour.
Dans les expressions, on note le FN en tête qui se dégage largement. On parle également de “victoire du FN”. La blague du Fürher fera son bout de chemin via différents émetteurs.
b) Top Tweet
Dans le top des hashtags, on voit surtout la stupeur des résultats :
https://twitter.com/Cabinet_Noir/status/671636480851353600
https://twitter.com/prifetprof/status/673591558550212609
https://twitter.com/Ryan_Moundo/status/673592511596769281
https://twitter.com/FoulekWeezybaby/status/673581404052201472
c) Analyse des mentions
Grande gagnante des mentions, Marine Lepen écrase tout sur son passage. Le FN est également particulièrement bien placé ! Au jeu des direct, c’est le Figaro qui l’emporte devant BFM TV :
La cartographie des discussions de l’ensemble des tweets (filtre à 3 degrés, soit la nécessité d’avoir au moins 3 interactions avec le réseau pour apparaître) nous montre une énorme communauté FN qui fête sans doute la victoire. La communauté des Républicains est minuscule tandis que celle de la gauche est totalement absente. La communauté Lulz est gigantesque, sans doute pour décompresser un peu par rapport aux mauvaises nouvelles : (cliquer sur l’image pour agrandir)
II. Le deuxième tour
De nouveau, même constat, les chiffres commencent à s’envoler vers 20 heures. On remarque par contre qu’à 19 h, la courbe est placée plus haut qu’au second tour. La raison ? Les médias belges fuitent l’information selon laquelle le Front national ne passerait pas.
a) Analyse sémantique
Derrière nos requêtes, le #FN est encore le plus mentionné, ce qui prouve que tout tournait autour d’eux. On voit sinon les hashtags des différents candidats ou les différentes régions :
Dans les expressions, c’est Marine qui occupe la première place, puisque 3 % de l’ensemble des tweets comprenaient “Marine” !
b) Top Tweet
Le top des tweets concerne essentiellement des blagues en rapport avec les élections et la défaite du FN
https://twitter.com/Ryan_Moundo/status/676131290949795841
https://twitter.com/AdrienDLPBR/status/676114531031130112
https://twitter.com/QuoteDeNoey/status/676128363749220352
c) Analyse des mentions
Sur Twitter, ceux qui ont le plus de mentions sont… ceux qui publient des résultats avant l’heure autorisée ! Puisque Le Soir et Radio Londres sont sur le podium. Itélé arrive à sa placer en deuxième place.
Au jeu des directs, c’est d’ailleurs également Le Soir qui l’emporte :
La cartographie des discussions de l’ensemble des tweets (filtre à 3 degrés, soit la nécessité d’avoir au moins 3 interactions avec le réseau pour apparaître) nous montre un FN davantage isolé, et par contre les Républicains davantage montrés. Les conversations s’axent toujours par région démographique. Les communautés du LULZ sont également moins grandes : (cliquer sur l’image pour agrandir)
III. Conclusions
Le FN fuit Twitter au deuxième tour
Après avoir été la communauté la plus grande sur Twitter au deuxième tour, le FN a globalement déserté Twitter au deuxième tour quand on compare sa part de voix par rapport au premier tour, signe que l’heure n’était pas totalement à la fête du côté du camp de l’extrême droite.
Une tendance de fond : on ne se montre que lorsqu’on gagne
Mais il ne faudrait pas isoler cette situation au FN. En effet, on remarque que Les Républicains ont réagi exactement de la même façon puisque de presque absent au 1 er tour, on les retrouve en masse au second tour.
Un PS absent
Signe majeur des deux élections, on ne peut isoler aucune communauté PS alors qu’on peut le faire pour le FN et Les Républicains, voire même le front de gauche. Est-ce par absence de l’utilisation des mots-clefs repris pour l’étude ? Cela semble quand même peu probable qu’une telle absence se remarque pour un parti, mais pas pour les autres. De plus, lors des précédentes études, nous avions toujours réussi à isoler une communauté PS. Serait-ce un signe d’un désengagement des troupes ? Cela serait aller vite en besogne, mais c’est un constat qu’il faut garder dans les tiroirs lors de futures analyses.
Des discussions régionales
Malgré le parfum de campagne nationale, on remarque cependant que les discussions sur Twitter ont quand même été régionales. On retrouve en effet des communautés comme la Corse, le sud, etc. Il sera intéressant de voir s’il s’agit d’une spécificité en rapport avec l’élection (qui est régionale) ou s’il s’agit d’un ordre logique. Des analyses de futures élections aideront à décrypter ce point.
Le Lulz vs la Promotion
Dans les deux cas, nous retrouvons des communautés autour des “blagues”. Constat déjà dressé que les réseaux sociaux propagent de façon globale des blagues ou des phrases-chocs qui font mouche, mais ce qui est intéressant est qu’ils forment à eux seuls une communauté. Comment ne pas voir un parallèle possible entre la scène, jouée par les politiques qui font leur propre promotion (ce qui explique qu’on arrive à distinguer les communautés politiques) et le “peuple” spectateur qui se divertit comme il peut. On remarque également que cette communauté “lulz” a vachement baissé par rapport au 1er tour, signe que l’on cherche à dédramatiser par le rire.
Marine Le Pen et le FN, centre de toutes les attentions
Mais au-delà de ces constats généraux, le plus affolant qui se dégage de cette analyse est le fait que le FN et Marine Le Pen caracolent en tête de tous les classements de mentions, d’expressions et de hashtags. Même les TOP 10 ne font pas exception. Comme si l’élection se résumait uniquement au FN. Soit il gagne, soit il perd, mais il n’y a aucun autre “actant”, sujet de la narration de l’élection. En axant tous les discours sur le FN et Marine Le Pen, on lui assure le rôle majeur de ce qui se joue devant nous. Par cette importance donnée, on lui donne un pouvoir énorme. En gestion de crise, on dit ainsi qu’il ne faut pas donner de pouvoir à ceux qui n’en ont pas. Or, il apparaît que cette élection s’est transformée en référendum FN : pour ou contre ? Si cette question est la seule chose abordée par les candidats politiques, c’est signe que le politique est en cruelle perdition et qu’il n’a plus que pour seule idée et proposition une étiquette “100 % Républicain” à proposer. Viendra un moment où cette étiquette ne saura plus convaincre les électeurs, si ce n’est pas déjà le cas quand plus de la moitié de la population d’un pays ne participe plus à ce qu’il considère comme une mascarade.