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#Libéracisme , #Dilcragate : les manifestations 2.0 ? On y est !

Je raffole des crises possédant un hashtag spécifique sur lequel il est facile d’extraire les données pour faire l’analyse. C’est la raison pour laquelle j’ai observé le hashtag #Liberacisme et #Dilcragate. Derrière ceux-ci, les mêmes acteurs, dans une logique de manifestations 2.0 qui produit des effets, puisque les deux affaires ont été largement couvertes par les médias traditionnels. Analyse via Visibrain
I. Libéracisme
L’histoire commence lorsqu’un lecteur de Libération découvre un article appelé « la femme voilée du métro » qu’il juge insultant :
Dites @libe, je viens de lire cette HORREUR islamophobe et sexiste sur votre site. Vs êtes sérieux là? #LibéRacisme https://t.co/RuvfrGtWQj
— Marwan Muhammad (@Marwan_FX) December 8, 2015
Presque dans le même temps, la critique est également faite par Sihame Assbague
Bonjour @libe, Est-il normal qu'un journal "de gauche" publie un tel torchon sexiste & islamophobe ? #LibéRacisme https://t.co/OqlQfOzraA
— Sihame Assbague (@s_assbague) December 8, 2015
Cependant le lancement du hashtag semble piloté vu le flux de tweets lancés très rapidement :
Les indignés contactent également des associations susceptibles de prendre position :
Coucou @osezlefeminisme, Normalement, ça devrait vous scandaliser. Une réaction ? #LibéRacisme https://t.co/OqlQfOzraA
— Sihame Assbague (@s_assbague) December 8, 2015
En réalité, difficile pour moi de faire une quelconque narration parce que nous avons affaire clairement à une tentative d’astroturfing et de mobilisation 2.0.
Pour preuve, voici le volume sans les retweets :
Un ratio de 5 tweets par utilisateurs. Une fois que je mets les retweets, le montage est le même : 17 700 tweetes par uniquement 4640 utilisateurs.
Je décide donc de me concentrer sur ce qui semble être les leaders du mouvement. Pour Sihame Assbague, on trouve 7 tweets entre 9 et 11 h :
Pour tous les goûts, on retrouve pas moins de 11 tweets sur la même plage horaire :
Mention spéciale à Marwan_FX et ses 41 tweets :
- Pour Alkanz, on comptera au total 17 tweets.
- Pour Widadk, on comptera 17 tweets également.
- OneRadex, seulement 12 tweets.
Tout cela permet de se placer en trending topic :
Ça ne fait que 'commencer' mais je pense que @libe va trouver la journée très longue. #LibéRacisme pic.twitter.com/XDERIf9DIT
— Ugo S. ✏ (@Ugo_Semat) December 8, 2015
Avec le trending topic, les bots vont se mettre en marche :
https://twitter.com/Sarsu_u/status/674173047562219520
https://twitter.com/sabrineladjlat/status/674174541615259648
Cela va finalement toucher des gens en dehors de la communauté :
Après l'article de Luc Le Vaillant, @libe se fait troller sur #LibeRacisme
— David Thomson (@_DavidThomson) December 8, 2015
Tout le monde a le droit d'écrire ce qu'il veut. Et moi de payer ou non pour soutenir ceux que j'ai envie de lire. Question de valeurs.
— Mouloud Achour (@mouloudachour) December 8, 2015
(Bien qu’il semble qu’il ne paie pas 🙂
@mouloudachour Vous payez pour lire @libe? Ce n'est pas ce que dit ce bordereau numérique. Des explications? #valeur pic.twitter.com/fIUdrMn18V
— Philippe Brochen (@PhilippeBrochen) December 10, 2015
Et finalement, cela mènera droit jusqu’au médias :
«#LibeRacisme» : une chronique «raciste» et «sexiste» de @libe fait polémique >> https://t.co/cO0Eo3G2gk pic.twitter.com/G7Cbku3f6n
— Le Figaro (@Le_Figaro) December 8, 2015
Cette couverture média ouverte par Le Figaro va permettre de toucher tous ces sites : (tableau via Brandwatch)
Et aussi la propagation du hashtag encore plus longue grâce à l’arrivée des communautés de l’extrême droite :
Et communautés « athé »
Au final, le wordcloud de la polémique montre bien le ciblage sur Luc Vaillant et Libération :
Wordcloud Web (Brandwatch)
Wordcloud Twitter (Visibrain)
Le tout prend l’animation suivante :
À noter une énorme présence de compte sans aucun follower ou avec seulement 10 followers.
La part de ces petits comptes est énorme comparé à tous les phénomènes étudiés, notamment durant les études faites sur les comptes et propagandes du FN puisqu’on a pas moins de 37 %.
II. Dilcragate
Le Dilcragate, c’est l’histoire de propos jugé offensif de la part de Gilles Clavreul dont le hashtag commence par une simple reprise d’un tweet :
#DilcraGate https://t.co/SaEls2n5Qt
— Epris de Justice غزة (@epris2justice) December 14, 2015
Le texte qui pose problème est le suivant :
Pour le reste de l’histoire, on prend les mêmes et on recommence dès le départ :
Les acteurs les plus en vues sont aussi les mêmes :
Seulement cette fois, ils n’ont pas réussi à toucher des communautés externes à les leurs, ce qui fait que cela ne représente que 621 utilisateurs
Et dans les 621, il existe une très grande part de compte créé uniquement pour participer à la manifestation :
La part de ces petits comptes est de 34 %. Difficile de savoir si ces comptes sont des doubles comptes ou des gens qui ont créé des comptes pour l’occasion et parfaitement réel. Toutefois, sur base des historiques, je pense qu’on n’est pas dans le même cas des faux comptes créés par le FN, mais bien dans des gens qui ont simplement un compte Twitter et qui alerté via Facebook ou par Site profitent de leur compte pour manifester également.
La cartographie est exactement la même ou presque sauf qu’on change Libération par Gilles Clavreul :
Le petit groupe isolé autour de Kersiomisa est une contre-offensive :
"Statisticien", Marwan Muhammad ? Manipulations de l'info par le #CCIF @peultier @LibeDesintox @libe #DilcraGate pic.twitter.com/uWTNkyMbcc
— Isabelle Kersimon (@KersimonIsa) December 19, 2015
#Dilcra #DilcraGate La vérité sur le clash Gilles Clavreul vs Tariq Ramdan https://t.co/nIf6EmXock
— Isabelle Kersimon (@KersimonIsa) December 17, 2015
L’argument développé par la journaliste est le suivant :
« L’enjeu ? Faire céder la République sous les revendications identitaires de l’islam politique. On comprend dès lors la raison du bashing organisé sur les réseaux sociaux (#Dilcragate), vite relayée par nos confrères les plus tolérants envers ce qu’ils considèrent, à tort, comme une lutte légitime et ceux à qui, malgré la littérature considérable sur le sujet, ils continuent d’apporter leur soutien. »
Et attaque Marwan Muhammad :
« Marwan Muhammad twittait aussi sur les «Blancs» le 1er décembre : «#COP21 Des Blancs expliquent aux autres pourquoi il ne faut pas faire comme eux et comment il faut faire pour payer LEURS pots cassés» »
Il ne m’appartient pas de dire qui a raison ou pas, mais encore une fois, l’action sur les réseaux sociaux a bien fonctionné et a permis d’avoir de la mention presse comme le montre Brandwatch :
Et encore une fois, les wordcloud montrent bien la pression sur le protagoniste visé :
Wordcloud Web (Brandwatch)
Wordcloud Twitter (Visibrain)
III. Conclusions
La mécanique
Tout cela commence de la même façon :
1. Création d’un hashtag de ralliement : #dilcragate, #libéracisme.
2. Relai des noeuds de réseau : AlKanz, touslmsgouts, Sihame Assbague, Marwan Muhammad, etc.
3. Multiplication de posts certains allant jusqu’à tweeter 40 fois le hashtag ce qui permet de devenir trending topic
4. Éventuellement, d’autres communautés sont alertées et réagissent
5. La presse réagit nourrissant le hashtag
6. Les groupes d’extrême droite viennent contourner le hashtag pour donner l’antiversion.
La manifestation 2.0 ? On y est
Voici donc la preuve que les manifestations sur Twitter, cela fonctionne et même que cela fonctionne très bien. Il suffit de 600 personnes qui tweetent pour faire entendre une voix et créer une polémique relayée dans les médias. Ces communautés l’ont bien compris puisque l’utilisation de petits comptes est devenue légion. Dans le cas de Libéracisme, l’indignation s’est propagée au-delà des communautés de départ ce qui prouve qu’il y avait manifestement un souci dans la chronique qui a été écrite. À l’opposé, dans le cas du Dilcragate, l’indignation est restée concentrée. Le but de cette analyse n’est pas tant de poser la question de si la couverture médiatique autour de ces polémiques est justifiée ou non, mais de montrer les techniques mobilisées pour se faire entendre. Des personnes tweetant jusqu’à 40 fois. Comme cela a été pointé, il est vrai que dans une manifestation, on crie plusieurs fois le slogan pour se faire entendre et la mécanique est exactement la même.
Toutefois, il me semble indispensable déconstruire la technique pour voir l’envers du décor. C’est ce que je fais sur ce blog pour les Vegans, les féministes, les groupuscules FN, etc. Cela ne pose jamais souci et je n’ai jamais de bashing de la part de ces communautés. Pourtant, ici des communautés pourtant antiracisme, sûrement pour la liberté d’expression se mettent à sortir en meute pour me placer dans une logique politique dans laquelle je ne suis pas, raison pour laquelle vous trouverez Nico_VanderB dans la cartographie et dans le Wordcloud. Le tout pour essayer de montrer une quelconque incompétence :
@Nico_VanderB Quelque chose me dit que si vous creusez encore un peu vous allez enfin comprendre comment marche tweeter #incompétence
— Bonie (@Bonie75) December 17, 2015
.@Alkanz @CaptinFr @CausetteLeMag #Liberacisme @valbecmeur J'en arrive à me demander si @Nico_VanderB sait tout ce que peut être Twitter.
— Bruno Kant (@bkant) December 16, 2015
.@Nico_VanderB mais si un jour t'as besoin de découvrir twitter, le fonctionnement des hashtags, etc. n'hésite pas, y'a des tutos d'intro 😉
— Marwan Muhammad (@Marwan_FX) December 16, 2015
Astroturfing : derrière le néologisme savant, un complotisme bon teint et orienté https://t.co/pWyrXpnhwA
— Imran (@imran273jr) December 16, 2015
Bon ben, verdict : @Nico_VanderB aime bien discréditer certaines luttes politiques. Ou ne sait pas les reconnaître. https://t.co/P6Cp1u1Hak
— Pierre Dufour (@PDufour651) December 16, 2015
@Nico_VanderB @s_assbague Soit vous n'avez pas conscience des enjeux, @Nico_VanderB, soit vos intentions sont douteuses.
— Pierre Dufour (@PDufour651) December 16, 2015
@Nico_VanderB @s_assbague Sidérant. Au risque de passer pour un vieux con, je mettrai ça sur le compte de l'âge. J'abandonne.
— Pierre Dufour (@PDufour651) December 16, 2015
Alors je le mets par écrit comme ça je repartagerai l’article à chaque fois que cela sort en meute : je ne fais pas de politique sur ce blog et je ne me mêle pas de toutes les communautés que j’analyse. ( FN, Vegan, féministe, etc.) Je me contente de montrer les techniques de ces communautés pour que leur message soit entendu sur Twitter. Et quand on voit 36 % de comptes créés uniquement pour crier, et des comptes tweetant jusqu’à 3000 fois (pour Tel-Aviv Sur Seine), je trouve cela intéressant de le pointer, ne serait-ce que pour que les gens comprennent la dynamique et puissent juger en connaissant tous les éléments. J’appelle cela de l’astroturfing, non pas dans le sens où il n’y a « rien » derrière ou du vent, mais parce qu’on cherche à faire monter le nombre de tweets pour se montrer plus grand qu’on ne l’est. Tout au plus, je pourrais à l’instar de ce que j’ai fait dans cet article, écrire « manifestation 2.0 » et non astroturfing pour que cela soit moins péjoratif. À bons entendeurs, salut.
Bonjour,
Les manifestations et contre manifestations 2.0 (blogs, Twitter, pétitions, Facebook, tribunes, vidéos virales, relais par les médias, …) ayant pour objectif la mobilisation citoyenne ou de militants, nous y sommes depuis très longtemps déjà. Pour n’en citer que quelques unes, anciennes ou actuelles: la mobilisation « pas de zéro de conduite » contre un rapport de l’Inserm, la mobilisation contre Jean Sarkozy à la présidence de l’EPAD, la mobilisation pour sauver Baby et Nepal, deux éléphants, la fameuse pétition de l’IPJ en prévision de 2012, la mobilisation pour une blogueuse Parisienne, la mobilisation récente en faveur de Jacqueline Sauvage, pour une grâce présidentielle, la mobilisation récente de quelques uns contre l’état d’urgence…
Toutes ces manifestations pourraient être confondues avec mise en lumière de maladresses et de véritables stratégies de manipulation de l’opinion ou de ceux qui nous gouvernent. C’est la raison pour laquelle je tweetais qu’il vous faudrait approfondir un peu mieux ces sujets avant de nous reparler si légèrement d’astroturfing – « péjoratif », ajoutiez vous vous-même, car cela renvoie pour chacun à de la pure propagande, à des mensonges, à de la mauvaise foi, à de la diffusion de fausses nouvelles ou d’informations eronées, inexactes voire parfaitement infondées, mais relayées en masse. Astroturfing renvoie même à des manipulations à l’initiative d’officines occultes ayant pour objectif de satisfaire des intérêts particuliers ou privés et cela au préjudice d’autres.
Suite à #Libéracisme Lionel Joffrin a présenté des excuses tout en se désolidarisant de Luc le Vaillant, il y avait donc manifestement bien maladresse ou matière à polémique: http://www.liberation.fr/debats/2015/12/08/a-propos-d-une-chronique-de-luc-le-vaillant_1419170 Cela s’apparentait plutôt à une manifestation bruyante d’une desapprobation avec les moyens 2.0 du bord, y compris donc, pour quelques uns, en tweetant de nombreuses fois dans la journée pour mobiliser des twittos contre Libé, contre ce qu’exprimait la tribune de Luc le Vaillant. D’où mon tweet du 16 décembre que vous avez repris pour votre billet.
Je n’ai pas suivi #Dilcragate, manifestement une mobilisation ou une banale réponse 2.0 à quelques lignes publiées sur Facebook, dans le cadre d’une campagne électorale. Cet article sur l’exploration de ces phénomènes éclaire: https://communiquer.revues.org/487 « Ce type de stratégie de communication véhiculant des images légitimantes
est considéré par Habermas comme étant une violence légitime (Habermas,
1978/1997 ; Maisonneuve, 2004, p. 34) », lit-on dans ce papier, puis en conclusion, « ces stratégies servent à influencer divers acteurs dans la société pour le bénéfice de leurs initiateurs. … » l’astroturfing a été utilisé pour atteindre tous les agendas, que ce soit de manière directe ou indirecte. Ces informations indiquent que l’astroturfing est une stratégie connue de l’ensemble des acteurs en société et relativement courante. » La conclusion insiste: « Les recherches portant sur cet objet doivent se poursuivre, entre autres parce qu’étant une communication mensongère et trompeuse, l’astroturfing mine l’authenticité, condition essentielle à tout acte communicationnel et à toute démarche démocratique. » Mais qu’était au juste #Dilcragate, une volonté de nous manipuler ou une réaction qui pouvait être justifiée alors que quelques lignes accusatrices étaient parues sur Facebook?
Sur des manipulations, Comment le hashtag #SexTapeDeMarineLePen est devenu un des sujets les plus discutés sur Twitter: http://www.huffingtonpost.fr/2015/08/26/comment-hahtag-sextapedemarinelepen-twitter-piratage_n_8042156.html Variante encore, sur ce qu’il est possible d’obtenir en propagant des fausses nouvelles: Comment le doigt dans l’anus de Valérie Trierweiler s’est retrouvé dans la bouche de Jean-Marie Le Pen http://www.slate.fr/story/91911/anus-hollande-trierweiler-hoax-le-pen Car c’est parfois drôle.
Peut-on tout fourrer dans le même sac et parler à chaque fois d’astroturfing, d’une volonté de nous mentir, de nuire, de volontés de tromper l’opinion et de manipuler les médias?
Cordiales salutations
Précisons peut-être que le mot « astroturfing » est à l’origine un jeu de mot sur les mouvements dits en anglais « grassroots » les mouvements enracinés dans la population, la « base ».
L’astroturf étant une marque de gazon artificiel, l’astroturfing est donc un faux mouvement grassroots, qui utilise du « gazon » artificiel, une base artificielle.
L’exemple classique d’astroturfing est la prolifération de faux commentaires et retours d’utilisatrices sur les produits vendus sur les magasins en ligne, destinés à créer l’illusion auprès des personnes hésitantes à acheter que le produit a déjà été validé par d’autres « vraies » personnes.