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Comment réaliser son audit annuel d’e-réputation ? Le cas Areva 3/3

Après avoir fait le constat de l’année écoulée, il est temps de définir les champs d’actions pour Areva.
III. Champs d’action
1. La veille
a) Identification des détracteurs.
Grâce au logiciel d’analyse de conversation sur Twitter Visibrain, j’ai pu isoler certains membres qui avaient été particulièrement négatifs envers la marque. La liste des plus importants était la suivante :
- Pierre Deruelle @PierreDeruelle, 21 600 followers, « Hacktivisme pamphlétaire, écriturages politico-numériques, cynismes compulsifs, et déjeuners sur l’herbe. »
- LaParisienneLibérée @laparisiennelib, 2651 followers, chroniqueuse sur mediapart.
- Rousselet Yannick @plutonyck, 385 followers, chargé de campagne nucléaire à Greenpeace France.
- Sortir du nucléaire @sdnfr , 4955 followers, association libre et indépendante pour la sortie du nucléaire et pour les alternatives énergétiques.
- corinne moreldarleux @cmoreldarleux , 4286 followers, Secrétaire nationale à l’écosocialisme du Parti de Gauche,
- L’informatrice zélée @Linformatrice, 14 600 followers, Ex journaliste, professeure de philosophie.
- Greenpeace France @greenpeacefr, 190 000 followers.
- OBSERV.NUCLEAIRE @OBSERVNUCLEAIRE, 1048 followers.
- Denis_Baupin @Denis_Baupin, 10 200 followers, Conseiller de Paris.
Comment allons-nous faire pour dégager d’autres détracteurs ?
Je vais utiliser une technique proche de la triangulation, à savoir que je vais prendre les followers de chacun d’entre eux pour ensuite croiser les données pour faire ressortir ceux qui suivent la plupart des membres de cette liste.
Ainsi, si une personne ne suit qu’une des personnes de cette liste, il est possible qu’elle soit non pertinente. A contrario, quelqu’un qui suivrait chacun des membres a de grandes chances de faire partie de la liste des détracteurs potentiels.
Pour des raisons de temps, je n’ai pas pris les followers de Greenpeace France, Denis Baupin, et l’informatrice zélée. J’aurais également pu, une fois les followers triangulés introduire les plus pertinents pour avoir également leurs followers et triangulés à nouveau pour élargir la liste. Mais comme il ne s’agit que d’une simulation d’audit, je n’ai pas mené de plus amples recherches.
Cette triangulation m’a permis d’isoler les comptes suivants :
Pseudo Twitter |
Followed |
Followers |
Description |
||
karinegavand |
733 |
2668 |
Responsable des affaires |
||
Christo_MICHE |
1864 |
1196 |
Stop le nucléaire, Non aux |
||
Sophie_Chapelle |
212 |
1114 |
Journaliste à Basta! Engagée dans le projet Alter-Echos |
||
DimitriLav |
495 |
280 |
#Fukuchinon. #PG, |
||
Cyril_FPP |
336 |
47 |
|||
EliseLowy |
652 |
727 |
– Qu’est-ce que signifie – C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie « créer des |
||
DGauoche |
2001 |
481 |
apprenti pianiste, le |
||
iliberator |
2058 |
2195 |
Prendre le fric là où il |
||
natonhg |
1753 |
1377 |
Gratteur de Terre, |
||
flodechambe |
894 |
1053 |
Ecolo engagée décalée. Ne |
||
corinnelepage |
3717 |
49427 |
Ancienne Ministre de Présidente de CAP21 Députée européenne Avocate |
||
cmoreldarleux |
2121 |
4269 |
Secrétaire nationale à |
||
CorinneSalengro |
2001 |
1570 |
incorrigible idealiste, |
||
GaelAGlei |
458 |
570 |
« Nos sociétés ont le choix |
||
cava_petiste |
1885 |
488 |
La sagesse de ce temps Benoît Malon #Décroissance #Vélorution |
||
nadelcap |
423 |
99 |
Inco-twitto en herbe. |
||
dragonRouge13 |
1371 |
885 |
Pour une société humaniste |
||
Skatman75 |
1900 |
362 |
Fais ce que tu veux !Dis |
||
MathieuAgostini |
838 |
1147 |
Militant politique et |
||
benjamingrimont |
328 |
573 |
Juriste non pratiquant. |
||
tambour2003 |
1308 |
430 |
Curieux de tout ce qui |
||
BertrandTieche |
449 |
159 |
Je m’intéresse à la |
||
plusagauche |
1998 |
1057 |
16 ans, militant #PCF |
||
potaystephanie |
424 |
226 |
Mes propos n’engagent que |
||
ebodyguard |
1746 |
1048 |
Back to my olf self : on |
||
blogcpolitic |
1329 |
4194 |
cf EDVIRSP, LOPPSI… |
||
recriweb |
5999 |
7173 |
Mettre le vieux monde en |
||
elaedanla |
938 |
822 |
secrétaire régionale #EELV, http://t.co/bSkH7MZDlu |
||
bloomee |
1991 |
1577 |
#EELV #énergie #mobilité |
||
turandot55 |
1495 |
777 |
ce n’est pas aux hommes |
||
K_Ivanovitch |
1990 |
1511 |
Lutte des classes, Droits |
||
despasperdus |
2704 |
2522 |
un léger décalage par http://t.co/n6Ls4sdnFm |
||
clo_p24 |
181 |
116 |
Écologie au sens de Gorz |
||
EricMulhouse |
1547 |
1968 |
Blogueur Eco-bio-Citoyen – |
||
antipub |
1917 |
2247 |
S’informer et agir contre #antipub |
||
visionscarto |
1135 |
3829 |
géographe cartographe, http://t.co/csBWGBa7uw |
||
vertchezmoi |
2043 |
2651 |
Florent Mignot #EELV |
||
PierreSerne |
6415 |
6085 |
Militant écologiste, |
||
leclown |
600 |
2043 |
Le capitalisme est la |
||
Ramjam57 |
1004 |
166 |
|||
PartiPirate |
4963 |
27512 |
Nos idées vous plaisent ? |
||
Syluban |
853 |
163 |
Pas de résumé, il va |
||
mickamarie |
1193 |
1921 |
Conseiller régional EELV de |
||
alyte11 |
955 |
776 |
les frontières sont des |
||
franckraleur |
1736 |
857 |
Râleur.. |
||
DavReveillault |
1524 |
1584 |
Administrateur de |
||
* Confirmation de l’hypothèse par la biographie laissée sur Twitter. |
J’ai choisi d’écourter la liste qui comprend plus de 200 noms uniquement pour ceux dont on peut presque être certain de leurs convictions.
Cela montre qu’en isolant des personnes qui ont des tweets explicites sur un sujet sensible, il est possible de dresser une liste assez énorme de personnes selon les opinions politiques, voire économiques. Vos informations ne sont donc plus uniquement ce que vous dîtes, mais ce que vous suivez.
Il suffit de dresser une liste Twitter avec ces personnes et un filtre « Areva » « nucléaire » pour être au courant en temps réel de la moindre critique. En l’état, ça ne sert à rien, car Areva n’engage pas le dialogue et ne fait pas acte de présence, mais pour une stratégie de communication axée sur une présence forte et un dialogue fort, cela peut être d’une utilité rare.
b) Identification des mots-clefs
Les mots-clefs que l’on peut encoder sont, bien entendu, Areva et Luc Oursel.
À côté de cela, Visibrain comme d’autres logiciels de veille met en place des systèmes d’alerte :
Comme évoqué précédemment et contrairement à ce que certains pensent, ces alertes ne servent pas à apprendre l’information, mais à découvrir quand un domaine sensible est devenu public sur le Web.
Mes recherches sur le sujet m’ont emmené à remarquer que le nombre de commentaires assassins observe une croissance moins prononcée à partir du moment où l’entreprise montre qu’elle a entendu la crise et qu’elle est en train de la gérer. Pas besoin de déployer la stratégie dès les premiers signes : uniquement une preuve que l’on a entendu et que cela va être traité.
Ainsi, la plupart du temps, cela sera une marque d’empathie (« nous avons bien compris »), mais cela peut également être une marque de traitement (« nous sommes en train d’enquêter sur.. »)
Dans ce domaine, les mots-clefs intéressants pour Areva seront définis par rapport aux actualités « chaudes ».
Par exemple :
- Areva and Niger
- Areva and Turquie
- Fukushima country:france
- EPR and Finlande
- Areva and @lemondefr
- Areva and La liste des détracteurs
D’autres mots-clefs peuvent être ajoutés en fonction des préoccupations. Ils seront très importants si l’on met en place une stratégie de présence totale que je vais expliciter dans une autre recommandation ci-dessous.
C) La spécificité du Niger
La veille sur la situation au Niger peut également être effectuée pour comprendre le framing de la population. Cependant, il faut adapter le processus de veille en fonction des spécificités du pays. Il est totalement non-productif de veiller sur Twitter pour avoir un framing. Cependant, un certain nombre de forums, mais surtout les sites d’actualités du Niger peuvent être un bon moyen de capter des opinions dans le but de produire un discours. Ainsi, regardez ce que l’on peut trouver sur le site actuniger.com :
De plus, dans une situation où le Niger est un des plus pauvres de l’Afrique, la segmentation des personnes qui ont un accès à internet , qui lisent des articles économiques et qui commentent, nous portent à croire qu’il s’agit de leaders d’opinion.
2. Social license to operate
Les tensions au Niger sont symptomatiques du milieu des mines. Elles le sont d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une entreprise issue du secteur de l’énergie. C’est dans ce contexte que le concept de Social License to Operate est né. J’en ai appris l’existence ici grâce à Didier Heiderich.
Elle est composée de 4 axes qui permettent de passer du rouge au vert. Il y a d’abord la légitimité économique, à savoir le bénéfice que les populations locales auront au niveau économique. Celle-ci est indispensable, car elle permet d’atténuer certaines frustrations. En son absence, on observera des grèves, boycott, sabotage, etc.
Viennent ensuite les deux niveaux de légitimité socio-politique et de confiance dans les relations. Pour la première, elle se gagne si elle s’insère dans un cadre global autour de la région de la mine. En cas de manque de légitimité, on observera la présence d’ONG. Pour la seconde, cela consiste à écouter les populations et tenir ses engagements.
Enfin, la confiance en l’entreprise qui naît de l’impression que celle-ci tient compte des intérêts de la population. C’est la confiance qui fait que les populations ont l’impression que les deux partis sont bénéficiaires. Ce dernier niveau est « la cerise sur le gâteau » et n’est pas obligatoire afin que le projet tienne place.
Lorsqu’on applique la matrice à Areva au Niger, on comprend pourquoi la situation est compliquée et pourquoi celle-ci n’a pas la licence sociale d’opérer :
Le principal reproche porte sur la loi minière de 2006 (augmente la fiscalité des entreprises qui extraient des minerais et augmente la redevance de 12 %) qui serait de plus variable en fonction des bénéfices engrangés par une société.
Le problème est que l’argumentation d’Areva tue leur licence sociale d’opérer dans la mesure où elle affaiblit leur légitimité socio-politique. « Nous ne devons pas payer d’impôts puisque nous finançons localement de nombreux projets sociaux à hauteur de 6 millions. » Cela reviendrait à dire que leur intérêt social dans la région n’est motivé que pour se détourner des impôts et non pas un intérêt social pour la région.
Il suffit dès lors aux détracteurs de crier au colonialisme vu que les décisions autour de l’investissement de ces 6 millions sont prises par Areva, alors qu’elles pourraient être prises par l’état du Niger dans des projets sociaux que celui-ci estime les plus appropriés.
En gros, pourquoi est-ce que le choix des placements des 6 millions incombe-t-il à Areva plutôt qu’à l’état ? L’argumentation des 6 millions tombe donc à l’eau. Or, celui-ci est le principal argument lancé dans la plupart des articles qui tourne autour d’Areva en plus de leur rôle d’employeur dans la région.
Seulement, il ne faut pas regarder ce projet autour de la licence sociale, car il y a d’autres aspects en jeux. Le Niger est devenu une démocratie et un fort partenaire de l’état français dans la guerre en Centre-Afrique, ce qui a poussé l’état français à dire que la demande du Niger par rapport à l’uranium était légitime.
Mais surtout, il faut dire que les mines en jeux au Niger sont anciennes et sont donc plus coûteuses à extraire, au contraire du Kazakhstan et du Canada. Tout cela se déroulant dans un contexte où avec la fermeture des 48 réacteurs japonais, le prix de l’uranium n’a cessé de chuter.
Le projet de nouvelle mine au Niger demanderait également un investissement de 2 milliards d’euros alors qu’Areva s’est lancée dans un vaste programme d’économie après de lourds investissements et un contexte mondial moribond (arrêt en Allemagne des centrales, projets d’arrêt du nucléaire dans les prochaines années dans certains pays, EPR finlandais au ralenti, etc.)
Dans le même temps, au Canada, l’ONG Makita aidée du réseau « sortir du nucléaire » lance une pétition contre l’exploitation de mine d’uranium.
Bref la situation au Niger ne doit pas être analysée que par le prisme de la réputation d’Areva, mais aussi selon une situation globale avec des composantes économiques, et géostratégiques. Peut-être que la réputation d’Areva n’est-elle qu’un actif moins à risque que ses autres composantes, la question ne peut être, en tout cas, tranchée par moi.
3. Présence sociale
- A. Templates de stratégie de présence sociale
- Définir ses publics et médias
Qui veut-on toucher ? Les journalistes ? Les ingénieurs ? Les investisseurs ? Les étudiants ? Le public ? Actuellement, il n’y a aucune segmentation dans les messages que l’entreprise envoie. Il faut clairement définir les stakeholders. Je considérerai également le grand public même si apparemment, Areva ne les considère pas comme un stakeholder privilégié vu la segmentation des publics sur son site internet :
Définir les médias sociaux par lesquels on va toucher les stakeholders définis. Actuellement, les comptes Twitter font double emploi puisqu’ils sont suivis par les mêmes personnes.
- Définir ses objectifs, sa ligne éditoriale et sa stratégie de présence
En fonction des publics, définir quelle ligne éditoriale sera utilisée. Actuellement, Facebook n’a aucune ligne éditoriale claire. A noter également que les contenus YouTube ne sont pas assez mis en valeur.
Actuellement, Areva a une stratégie axée sur le « moi, je », elle ne communique pas avec les publics et ne réagit pas quand on la prend à partie :
On pourrait donc résumer la stratégie en : silence et broadcasting.
- A. Recommandations fictives de présence sociale
Je me suis laissé aller à l’exercice et j’ai décidé de prendre le public en général comme un stakeholder alors que j’omets totalement le client.
La raison est simple : je ne connais pas du tout le marché d’Areva qui est un marché extrêmement complexe (ses concurrents, les clients, les intermédiaires, etc.), je ne sais pas comment elle communique vers ses clients, quelles sont ses moyens de persuasion : bref, mes limites sont atteintes à ce niveau-là.
Ce pourquoi, j’ai donc pris comme objectif l’amélioration de la réputation d’Areva auprès du grand public en me servant du Web.
L’ensemble de la présence sociale se schématise comme ceci:
Twitter est de loin le média social où Areva dispose du plus de présence. Elle garderait un seul compte Twitter qui regrouperait l’ensemble des activités sociales de la marque, ses actualités et sa gestion d’événements de crise. Twitter est ainsi au centre du dispositif de stratégie, car le public qui le suit actuellement est déjà un public très éclectique. La marque peut également garder ses comptes Twitter pour son recrutement.
Le problème de Facebook est qu’actuellement, à cause de l’edge rank, si l’on n’engage pas les « fans », le message ne parvient pas à un grand nombre. Or, la base de «fans » d’Areva étant déjà réduite, cela réduit sa marge de manœuvre. La ligne éditoriale de Facebook serait donc centré vers le grand public autour d’une ligne éditoriale axée autour du comportement responsable, énergie renouvelable, actualités de l’entreprise, événements sportifs sponsorisés, « le nucléaire pour les nuls », et les update et explications sur Fukushima.
Exemples de posts précédents correspondant à cette ligne éditoriale :
Google +
S’adressera au public spécialisé. Les vidéos « succès de l’étanchéité », futurs développements industriels, activités éoliennes, et autres tutoriaux trouveront ainsi directement sa cible.
Exemples de posts précédents correspondant à cette ligne éditoriale :
Linkedin , Viadeo
Les actualités au niveau des emplois, sur la marque employeur et sur l’entreprise seraient dispatchées sur Linkedin. Le choix de Linkedin plutôt que Viadeo s’expliquerait par l’internationalisation de l’entreprise. Les vidéos « Qu’est-ce qu’un » pourraient ainsi être postées à cet endroit afin qu’elle trouve enfin un public. (Moins de 100 vues actuellement)
Blog
Ce qui frappe le plus lorsqu’Areva communique, c’est le manque de place laissé au dialogue. Le compte Twitter d’Areva ne dialogue jamais avec personne. Lorsque des polémiques sont contrées, elles le sont sur des espaces où il est impossible de commenter comme le cas de ces storify :
- La mine de A à Z : http://storify.com/AREVA/la-mine-d-uranium-de-a-a-z
- À propos du réacteur EPR : http://storify.com/AREVA/areva-a-propos-du-reacteur-epr
- Renouvelables ou nucléaire : faut-il vraiment choisir ? : http://storify.com/AREVA/renouvelables-et-nucleaire-faut-il-vraiment-faire-1
Où l’on encourage même à dialoguer et poser ses questions sur : #Arevaepr.
Le problème lorsqu’on ne communique pas vers le grand public, et que l’on ne dialogue pas, c’est que les gens n’ont aucune conscience de ces moyens de dialogue et encore moins de ce qu’est un réacteur EPR.
Néanmoins ces Storify sont extrêmement intéressants dans la mesure où cela permet d’avoir une base textuelle sur les situations sensibles qu’il est possible de livrer au moindre commentaire négatif ou à la moindre question sur le sujet.
Pourtant, Areva fait partie des acteurs du forum nucléaire en Belgique, pays où la place du nucléaire est régulièrement discutée et où l’on parle de cesser toute activité nucléaire. C’est sans doute pour cette raison qu’un investissement a été réalisé.
L’ensemble possède une déclinaison Web très pratique et qui a été soutenue par des campagnes de publicité très forte : http://www.nuclearforum.be.
Disponible sur ce site Web, toutes les informations autour du nucléaire en Belgique, des vidéos de personnes qui travaillent dans la filière pour humaniser les travailleurs, des infographies simples qui apportent des informations, on peut regarder son taux de radioactivité naturelle par commune (quand cela fonctionne, car je n’ai pas eu cette chance) : bref, tout est clair.
L’actualité du nucléaire, les questions autour et le dialogue est la base d’un compte Twitter associé.
Cependant, aucune initiative du même genre n’est initiée en France, peut-être parce que la position du nucléaire n’est pas aussi controversée. Cela est peut-être un mauvais calcul dans la mesure où il faut agir en amont et non en aval.
Les travaux de Tom Liacas ont pourtant prouvé que les démarches de plateforme de dialogue dans des contextes de communication sensibles peuvent apporter un réel plus. Ainsi, celui-ci dresse une liste d’exemple dont http://minesqc.com/en/ ou encore http://www.bcftp.ca .
Areva pourrait utiliser ce genre de blog (sur ces actes de bienveillance au Niger, sur son investissement écologique, sur le nucléaire, etc.) pour susciter le dialogue, se montrer ouverte et humaine et structurer son contenu afin de posséder une base d’argument facilement mobilisable en cas de prise à partie par un tiers ou en gestion de crise.
La stratégie de présence totale
La stratégie de présence totale, en totale opposition avec la stratégie du silence, est le fait de faire sentir que l’on est présent sur tous les domaines qui nous incombent. En clair, répondre à toute tentative de polémique sur l’entreprise. Celle-ci a deux buts :
- Faire valoir les arguments d’Areva sur toutes les communications sensibles
- Faire acte de présence et de dialogue, car cela amène le dialogue.
Cette stratégie prend essence dans ce que j’ai appelé : l’importance du spectateur sur les réseaux sociaux.
On a souvent l’impression que les enjeux se trouvent dans les détracteurs ou ceux qui prennent la parole. Or, le Web est une boîte à influence et ce qui compte n’est pas l’acte de parole en soi, mais l’acte d’influence qui découle de la prise de parole.
Par exemple, quelqu’un qui dirait du mal d’Areva n’est considéré comme dangereux qu’à partir du moment où il dispose d’une audience pour assister à sa prise de parole. Or, l’audit prouve que toutes les prises de parole sont effectuées par des détracteurs de la marque. Ceux-ci sont suivis également par des personnes qui n’ont aucune animosité envers Areva et qui se contentent de regarder. Le problème est que dans l’absence de toute contrepartie, la répétition des messages pourrait impliquer une adhésion au discours.
En répondant, Areva peut prendre le spectateur dans le débat et gagner celui-ci. J’avais schématisé cela en gestion de crise 2.0 par ce phénomène :
De plus, le silence laisse penser que l’entreprise a des choses à se reprocher.
4. Situations de crise
Les ONG n’ont jusqu’à présent utilisé que des moyens « classiques » de communication, ce qui laisse un terrain très confortable à Areva dans la mesure où ceux-ci n’arrivent pas à sensibiliser le public au-delà de son public de base. Areva n’a ainsi qu’à prendre son temps pour communiquer via communiqués de presse ou par interviews classiques, voire à ne pas communiquer du tout dans le cas où l’action menée est tellement caricaturale qu’elles les isolent.
Dans le cas d’une crise « à la Intermarché », je juge Areva incapable de faire face à un flot de manifestations massives de l’opinion publique sur internet par les critères suivants :
- La situation au Niger est critique, il suffirait d’une vidéo émotionnelle, d’un artefact des ONG afin d’émouvoir au-delà de son public de base. Il n’y a d’ailleurs pas qu’au Niger que la situation pourrait être cristallisée par un artefact viral.
- Les ONG possèdent d’ores et déjà une liste solide de comptes Twitter sur lesquels s’appuyer en cas de mobilisation sur internet. La liste que j’ai proposée ne représente que 10% de la base totale. De plus, elle possède un certain nombre de ponts qui lui permettraient de toucher d’autres communautés que celle de sa base grâce des comptes Twitter tels que Pierre Deruelle, l’informatrice zélée, ou Denis Baupin.
- Je doute fortement qu’Areva ait mis en place un système d’écoute du Web afin de pouvoir réagir dans les premiers instants.
- À travers les crises vécues durant l’année 2013 par Areva, il y a une absence de prise en compte émotionnelle de la situation qui pourrait s’avérer critique en cas de campagne virale. Le contenu est toujours informationnel, il n’y a jamais de prise de position empathique.
- Il y également une absence de storytelling complet dans les situations de crise. Areva ne raconte jamais d’histoire et elle n’humanise jamais son discours. Le fait que son directeur n’ait pas de compte Twitter pour incarner l’entreprise est un facteur aggravant de cet état de fait, celle-ci étant obligée de communiquer via un hashtag #oursel.
- Le public visé par la communication de crise est toujours les journalistes. Or, nous sommes à une époque où la communication de crise est décryptée, et où les citoyens ont également accès aux communiqués de presse.
- Areva ne possède pas assez de contenu adapté au grand public sur ses domaines sensibles pour pouvoir réagir rapidement à des attaques.
- Le fait que l’entreprise ne dresse jamais d’enseignements dans les communiqués de presse des crises qu’elle subit sera un facteur de rechute en cas de réponse à une crise 2.0.
L’entreprise aura à travailler ces aspects, car elle est loin d’être à l’abri d’une attaque rondement menée par les ONG en place.
L’entreprise est dans la même situation qu’Intermarché. Actuellement, la plupart des gens n’ont heureusement que faire des informations à charge pour Areva et ne s’émeuvent que très peu des crises qu’elle a à subir.
5. Conclusions
Ceci clôt cet audit d’e-réputation sur un secteur très compliqué, dont les enjeux sont difficilement palpables et où les constats que je dresse doivent vraisemblablement être biaisés.
Areva est une société très difficile à comprendre, avec beaucoup de missions et énormément de domaines sensibles à traiter. Parfois, on a l’impression que seule compte la réputation qu’elle a auprès de ses clients et de son secteur. Pourtant, c’est à ce moment-là que l’on constate qu’elle mobilise des dizaines de millions d’euros pour des publicités et sponsorings afin d’assurer sa réputation auprès du public.
Cela rappelle que dresser un portrait d’une entreprise sur base de ses traces sur le Web ne peut être qu’un portrait biaisé, incomplet. Il faut vivre de l’intérieur pour comprendre le panorama complet, pour comprendre certains choix et pour mesurer les enjeux.
Comme le rappelle Thierry Libaert, l’arbre du bad buzz ne doit pas cacher la forêt des crises. Or cet audit d’e-réputation ne fait que montrer les arbres qui ont fait le plus de bruit alors que des crises bien plus importantes sommeillent : un réacteur EPR qui ne se vend pas, le remaniement de celui-ci une situation au ralenti en Finlande, 48 réacteurs au Japon qui n’ont pas encore redémarré, la valeur de l’uranium en chute constante, des négociations avec le Niger, des futurs plans d’implantation de mine qui tombe à l’eau en Australie , des comptes financiers qui ne dégagent pas de bénéfice en raison des nombreux investissements en cours, etc.
Une chose est sûre : diable ce que la vie de directeur de communication d’Areva est un métier à risque.
Voilà qui termine cet exemple audit. J’espère que cela vous a plu. (n’hésitez pas à critiquer par Twitter ou dans les commentaire)
Peut-être que je referai une analyse de cas sous peu ! Je vous laisse une version PDF/Slideshare , comme d’habitude ! ( pour ceux qui aiment lire dans les transports en commun, ou sous leur couette)